Quand Chakib Khelil imposait sa loi



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Plus d’une vingtaine de témoins étaient au rendez-vous, hier, au tribunal criminel d’Alger, où se déroule le procès Sonatrach 1. Des membres des commissions d’ouverture des plis relatifs à la télésurveillance ont affirmé qu’avant même de connaître les offres, le comité exécutif de la compagnie avait décidé de passer au gré à gré, alors que ce mode n’était pas prévu par les procédures internes de Sonatrach. Une vingtaine de témoins, parmi lesquels des secrétaires, des membres des commissions d’ouverture des plis, etc.,  se sont succédé hier à la barre du tribunal criminel d’Alger,  lors du procès Sonatrach 1. Certains ont éclairé des zones d’ombre du dossier de «télésurveillance», d’autres n’ont fait que se présenter avant de repartir, car n’étant pas concernés par la prise de décision. Le premier à être appelé par le juge est Hanafi Sifodil, directeur central à la Banque d’Algérie. Il revient sur la mission d’inspection menée au niveau de BNP Paribas. Selon lui, les inspecteurs ont découvert des opérations suspectes de mouvements de fonds, alors que la banque en question avait fait deux déclarations de soupçon en 2010. «Selon la banque, il s’agit de dividendes du holding Contel, dans laquelle travaillaient Meghaoui et son fils. Nous avions demandé des documents, mais la banque ne les avait pas. Tous ces mouvements, n’étaient pas justifiés, donc leur origine n’a pu être déterminée.» L’accusé El Hachemi Meghaoui demande une confrontation. Le juge l’appelle à la barre. «Les fonds reçus n’étaient pas les dividendes de Contel, mais du holding.» Sifodil réplique : «Les informations concernant le dossier montrent que le virement électronique provenait de Contel.» Il explique toutefois que c’est la banque émettrice, Natixis, qui est dans l’obligation de justifier les opérations, et non pas BNP. «Mais nous avions une mission limitée. Celle de vérifier s’il y a eu ou non un mouvement suspicieux», dit-il. Kamel El Hachemi est chef des projets, chargé de la réalisation de trois contrats de télésurveillance, qui dit-il, ont tous été exécutés. «Nous n’avions pas fait de réception, parce que les projets ont été suspendus en mars 2010, période de garantie.» Un des avocats interroge le témoin sur la garantie de bonne réception. Il répond : «Il s’agit de 10% du montant des marchés qui sont restitués, à hauteur de 5% la première année, et les 5% restants à la levée des réserves. Cela n’a pas été fait, parce que les réserves, liées plus à des améliorations de fonctionnalité des équipements, n’étaient pas toutes levées et les comptes étaient gelés.» L’avocat insiste pour savoir s’il y eu un contrôle technique des supports de caméras. Le témoin indique qu’il a été effectué par le CTC, aux frais de Sonatrach. Une polémique éclate entre les avocats autour des détails techniques des poteaux et des caméras. Le juge interpelle la défense et lui demande de revenir aux faits. Il appelle Kosh Hash Stephen, avocat, représentant de Funkwerk. «Je ne peux rien dire sur les contrats. Je n’étais pas présent. Je ne sais rien. On m’a donné un dossier que j’ai remis au juge d’instruction», déclare t-il, précisant avoir été choisi pour répondre aux questions du juge, parce qu’il était le seul qui parle français. Le président : «Vos réponses se trouvent sur 7 pages… » Le témoin : «C’est ce qu’on m’a dit de dire.» Le magistrat appelle alors Mohamed Bouchème, responsable juridique à la direction de la production, dépendant de l’activité Amont. Il avait pris en charge trois contrats de gré à gré de la télésurveillance. Il affirme que les statuts des sociétés font partie des documents composant le dossier administratif. «C’est le service contrat qui examine en premier lieu le dossier. Au début, nous avions reçu l’acte constitutif du groupement Contel-Funkwerk, dont la date d’expiration était très proche. Nous avions attiré l’attention des responsables en exigeant les statuts de Contel», souligne-t-il. Le juge lui demande s’il n’avait pas remarqué le nom de Fawzi Meziane, fils du PDG, sur le statut de Contel. Le témoin : «Les cadres qui traitent le dossier n’ont pas fait attention.» Le juge : «Ils ont relevé la date d’expiration et pas le nom de Meziane Fawzi ?» Le témoin : «A aucun moment, nous n’avions été informés de ce fait.» Il explique que les dossiers de gré à gré ont été transmis par le département HSE, dirigé par M. Maghouche. Il nie toute responsabilité concernant la non-publication des cinq contrats au Baosem, qui, note-t-il, ne relève pas de ses prérogatives, mais de celles la direction régionale de production. A propos de la consultation restreinte, il affirme que la R15 n’avait pas évoqué la consultation restreinte, un mode qui passe par une dérogation du PDG. Selon lui, «le principe à Sonatrach est de retenir les offres moins-disantes et non pas les mieux- disantes, sauf dans des exceptions comme les contrats d’étude par exemple. La vérification des dossiers se fait sur la base de la R15, sauf les cas particuliers comme ces contrats où il y a eu une demande d’opportunité spécifique, justifiée et expliquée par le maître de l’ouvrage et qui nous échappe. Notre rôle se limite à une vérification formelle». Mounir Belhocine, membre de la commission d’ouverture des plis liés aux offres de la télésurveillance, à l’activité Amont, affirme avoir entendu parler d’une instruction du management qui fait état du partage du marché en quatre lots. «Huit sociétés ont été présélectionnées, quatre d’entre elles retenues, parmi lesquelles une, Siemens, s’est retirée.» Le juge : «Quel est votre rôle alors ?» Le témoin : «Ouvrir les plis et vérifier les cautions bancaires.» Il révèle, cependant, que «dans un processus normal, c’est l’offre la moins-disante qui est retenue, mais puisque le comité exécutif avait décidé de partager le projet, cette logique n’était plus de mise». «L’instruction du ministre ne nous a pas laissé de choix» L’avocat de Sonatrach : «Si la commission n’a plus de rôle à jouer, pourquoi procéder à l’ouverture des plis ?» Le témoin : «Elle vérifie les prix et établit les procès-verbaux. C’est la première fois que cette situation se posait à moi.» Lynda Brahiti, membre de la commission des offres commerciales, présidée par Arar, affirme que le mode de marché a été changé «quatre jours avant l’ouverture des plis». «Le président nous avait informé que le marché allait être réparti sur les quatre sociétés.» Ouahid Amine Taleb, rapporteur de la commission technique d’ouverture des plis, tient les mêmes propos, ajoutant cependant que la répartition de ces lots «a été faite par le comité exécutif et répercutée par le PDG». Le juge appelle Boualem Arar, président de la commission d’ouverture des plis. «Le télex du 16 août 2006 faisait état de la répartition du projet de 123 sites en 4 lots. Nous avons informé les soumissionnaires qu’ils vont être attributaires chacun d’un lot, sans qu’ils sachent lequel». Cette décision, ajoute-t-il, a été prise par le comité exécutif et répercutée par le vice-président Amont. Selon lui, lorsqu’il y a une situation d’exception ou d’urgence, la réglementation interne permet de recourir au gré à gré. Acculé par le président, il fini par lâcher : «L’instruction du ministre n’a pas laissé de choix.» Le juge l’interroge sur l’indépendance de la commission et le témoin affirme qu’«elle s’exerce dans le cadre du respect des instructions». Le juge : «Dites plutôt dans le cadre de l’exécution des instructions.» Le procureur général demande au témoin d’expliquer comment les lots ont été répartis entre des soumissionnaires dont les offres concernent l’ensemble des 123 sites. Le témoin : «Les offres concernent chacun des 123 sites. Contel Funkwerk, par exemple, en a obtenu 13.» A propos de la présentation de Contel à Hassi Messaoud, il révèle avoir reçu des instructions, transmises, du vice-président Amont, «me demandant de me rendre à Hassi Messaoud, pour la présentation et pour un test-pilote». «Le ministre avait menacé ceux qui n’exécuteraient pas ses instructions» Dans une correspondance adressée le 25 janvier 2005 au témoin, Belkacem Boumedienne lui demande d’aller au CIS avec la société qui a fait la présentation à la direction générale, pour une autre présentation et faire un test-pilote avec la mention «urgence signalée». Le témoin confirme, ajoutant avoir exécuté les «ordres». A propos de l’instruction du ministre, il affirme qu’«elle a instauré l’urgence ayant justifié les consultations restreintes et le gré à gré». Il procède à la lecture d’un «soit-transmis» du vice-président de l’Amont qui donne instruction à Hassani d’étudier l’opportunité avec Contel de lui remettre les plans du CIS et de signer un contrat de confidentialité. Il est formel : «Même si le nom de Contel n’a pas été cité dans la lettre du vice-président, il y a un ‘soit-transmis’, signé par lui, où ce nom a été clairement indiqué.» Youcef Bencheka, membre de la commission technique d’ouverture des plis, explique avoir étudié les documents administratifs des soumissionnaires, mais dit ne pas se rappeler de ceux présentés par Contel. Ali Maghouche était membre de la commission d’ouverture des plis avant d’être nommé président. «Après l’instruction du ministre sur les projets de sécurisation des sites, le vice-président nous a convoqués pour une réunion avec le comité exécutif, pour réaliser l’état des lieux de la télésurveillance, un plan d’action et un planning de réalisation. Le comité a approuvé nos idées en nous demandant d’éviter le monopole des sociétés. Dans une deuxième réunion, chacun des responsables avait proposé un nom d’une société spécialisée.» Le juge : «Qui a proposé Contel ?» Le témoin : «Je ne me rappelle pas…» Cependant, il cite la majorité des noms des sociétés et par qui elles ont été proposées, et le juge lui fait remarquer : «Vous vous rappelez de toutes les sociétés sauf de Contel...» Il estime qu’il dit la vérité. Il poursuit : «La consultation restreinte est partie de l’Amont. Nous avions l’obligation d’aller très vite. Le ministre a menacé ceux qui n’exécuteraient pas ses instructions d’achever le projet avant la fin de 2006. Nous avons décidé de lotir le projet pour partager les 123 sites entre les quatre soumissionnaires.» Le juge l’interroge sur la R15, et le témoin répond : «C’est une procédure interne élaborée par le PDG, qui a le pouvoir de déroger à ses clauses. Raison pour laquelle nous avons demandé l’accord du PDG. Hassi Messaoud est un lot où Funkwerk était déjà présent. Hassi R’mel était connu par Martech et le site de Stah était connu par Vast.»Sur la technologie développée par les sociétés, il déclare que celle de Funkwerk était «la meilleure tout autant que la qualité de service. Ils nous ont développé des équipements pour Sonatrach qui étaient révolutionnaires et qui le sont encore à ce jour. Le cahier des charges imposait, par exemple, un indice de protection de 54 alors que Funkwerk a présenté des équipements avec un indice de 64 et les autres sociétés de 54. Dix ans, après Bosch vient de mettre au point du matériel avec un indice 64. Funkwerk a même mis au point des caméras résistant aux explosions et à une chaleur de plus de 50°». La réponse du technicien s’adresse au procureur général qui voulait savoir ce que Funkwerk avait amené de nouveau par rapport aux autres sociétés. Il affirme que Belkacem Boumedienne l’a saisi pour négocier une baisse de 15% sur les prix. «J’ai vu M. Hassani en présence de Gherzi pour lui dire de convoquer le concerné et de négocier. En fait, je pense que la comparaison des prix était plus mathématique que technique.» Acculé par les avocats sur l’instruction dans laquelle il insiste sur la réalisation des projets, le témoin fini par lâcher : «Si je n’exécute pas sur un coup de téléphone, je suis relevé de mon poste. Les instructions du ministre sont exécutées sine die.»  


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