Pour en finir avec la galéjade de « l’après-Bouteflika » (Partie 3)



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La violence avec laquelle Bouteflika a démantelé le DRS avant de l’écrabouiller, renseigne sur ses projets : on ne badine pas avec le pouvoir absolu.

Le règne du clan d’Oujda relève du sacré. Et malheur à celui qui y trouverait à redire ou, pis, qui tenterait de dérégler l’horloge. L’épisode est, du reste, symptomatique de la sacralisation du pouvoir du clan d’Oujda : Ben Bella, utilisé comme paravent par le clan, n’a pas été renversé pour mauvaise gouvernance mais pour tentative de déstabilisation du clan d’Oujda : Ben Bella venait de retirer à Abdelaziz Bouteflika la responsabilité de la diplomatie algérienne à quelques jours de la Conférence afro-asiatique qui devait se tenir à Alger.

En l’absence du colonel Boumediene, en voyage au Caire, Bouteflika, très angoissé sur son sort, fera la tournée de ses compagnons et même des proches de Ben Bella, avec un raisonnement désarmant : « Sans doute Ben Bella peut-il prendre une telle décision à l’égard d’un ministre technicien. Mais je suis ministre des Affaires étrangères et, à la veille de la Conférence, la mesure apparaîtra comme un camouflet infligé à ma propre personne et à Si Boumediène. Par ailleurs, je suis non seulement le chef de la diplomatie, mais également membre du Bureau politique et, surtout, chargé des relations extérieures du parti. Il revient donc au parti de décider de mon départ ». (Hervé Bourges, De mémoire d’éléphant, Grasset, 2 000). En clair : « Je ne suis pas n’importe quel ministre, je suis membre de la famille régnante ».

Boumediene arriva le lendemain à Alger.

L’universitaire Abdelkader Yefsah, dans un livre consacré à la question du pouvoir en Algérie, souligne que « le coup d’État survenu le 19 juin 1965 s’expliquait par la volonté de Ben Bella de porter atteinte aux intérêts de l’Armée non en tant que groupe social, mais à son noyau dirigeant issu du clan d’Oujda, devenu envahissant et menaçant ». (Abdelkader Yefsah, La question du pouvoir en Algérie, ENAP, 1990.)

Chadli Bendjedid, puis Boudiaf et Zéroual avaient gouverné sans l’emprise du clan d’Oujda, affrontant le temps qui défile trop vite, le monde qui change trop vite, subissant les premières colères citoyennes avec le Printemps berbère de 1980, la rébellion islamiste du MIA puis les manifestations de 1988…

À l’épreuve interne vint s’ajouter la chute du mur de Berlin en 1989, qui priva nos chefs militaires du soutien soviétique. Ce fut l’année où de brillants esprits au sein de la hiérarchie militaire jugèrent subtil de légaliser le Front islamique du salut pour contenir la horde islamiste dans un « espace contrôlé ». La suite est connue : le FIS remporte les élections législatives, l’armée annule le second tour, Chadli démissionne, l’État est remplacé par un consortium provisoire de dernière minute, le HCE, le FIS sort les armes et se transforme en armée terroriste, dans un premier temps sous-estimée puis crainte.

Les chefs militaires ouvrent alors la porte aux négociations et créent, en automne la première Commission du dialogue dirigée par… un général, le général Senhadji, avec pour objectif de sortir de la « situation de non-État » et de rétablir le pouvoir institutionnel, en partenariat avec les islamistes. Ils pensent à un ticket Bouteflika-FIS et organisent en janvier 1994 une « Conférence de la transition » au cours de laquelle Abassi Madani accepterait de collaborer avec Bouteflika, le futur chef de l’État.

Le clan d’Oujda de retour ? Pas pour cette fois.

Bouteflika avait observé que l’Algérie n’était plus celle de Boumediene. Une société civile dynamique anti-islamiste, symbolisée par Abdelhak Benhamouda, imposait son point de vue et les islamistes étaient encore puissants. Bouteflika, qui veut régner sans partage, comprend que les conditions d’un retour d’un clan d’Oujda hégémonique n’étaient pas encore réunies et fait faux bond à la dernière minute.

Le scénario tombe à l’eau. Une fois de plus, on s’en remet à une « solution par défaut » : le général Liamine Zéroual est désigné à la tête de l’État. En 1995, il sera même élu massivement par les Algériens, avec enthousiasme, malgré les mises en garde de l’organisation terroriste, le GIA, qui menaçait de s’en prendre aux citoyens qui se rendraient aux urnes. La Constitution avait été modifiée pour se baser désormais sur le pluralisme et la représentativité, essentiels pour s’engager dans un processus de transition démocratique. Elle abolissait le pouvoir à vie et illimitée en limitant le nombre de mandats présidentiels à deux (art.74). La Constitution de 1996 dispose que « le peuple choisit librement ses représentants » (art.10). Combiné avec d’autres articles sur les libertés et les droits, et aussi les articles 6, 7, 11, 71 et 101, la Constitution algérienne opte clairement pour un système politique démocratique.

Le temps du clan d’Oujda était fini, pensait-on.

On se trompait.

En 1999, les mêmes brillants esprits militaires, accusés de tous les crimes de la terre, décident de rentrer dans les casernes, firent démissionner le général Zéroual et désignèrent de nouveau appel à Bouteflika, un brillant communicateur, pensaient-ils, qui plaiderait efficacement leur cause sur l’arène internationale.

Les militaires, le général Toufik en tête, venaient de commettre une faute majeure qui se retournera contre eux en 2015 : à travers la désignation de Bouteflika, ils avaient réintroduit le clan d’Oujda dans la scène politique algérienne, le clan d’Oujda originel, celui qui prit racine dans le Malg, reposant sur l’État-major général de Houari Boumediene et l’armée des frontières, celui qui s’empara, par la violence, du pouvoir en 1962, qui gouverna par l’autoritarisme et la terreur de la Sécurité militaire et qui s’autoproclama maître absolu et éternel de l’Algérie.

Absolu et éternel !

Le temps du clan d’Oujda s’enclenchait de nouveau.
Toufik et les chefs militaires venaient de remettre le renard dans la bergerie.
Et pour longtemps, peut-être même pour toujours.

(À suivre)

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