La corruption, gangrène de l’économie mondiale



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En dix ans, soit de 2004 à 2014, la fuite des capitaux s’est élevée à plus de 16 milliards de dollars. Autrement dit, l’équivalent de quelque 1,6 milliard de dollars en moyenne par an qui sont blanchis par des Algériens «en col blanc» dans le business offshore dans les paradis fiscaux. Mieux, rien qu’en Suisse, pays du secret et de la sécurité absolus, cette terre d’asile qui s’est de tout temps ouverte aux avoirs suspects, l’Algérie figure parmi les 13 pays, la plupart arabes, qui en sont grands «exportateurs». Au total, il y a au moins 13 pays dans le monde, notamment ceux de la région Mena (Moyen-Orient-Afrique du Nord), qui disposent d’avoirs secrets dans les banques suisses. «Votre pays en fait partie et les sommes ayant trouvé refuge sur la place financière de Genève et Lugano surtout appartenant à nombre d’anciens et actuels responsables du monde politique et économique sont des plus colossales», nous confiait, en juin 2013, un représentant d’une célèbre et très controversée banque de la Confédération, rencontré au Centre international de conférences de Genève, en marge de la Conférence ministérielle mondiale sur la diaspora. Et si cet argent sale, car provenant surtout de la corruption, la fraude fiscale ou du crime organisé ou autres, a pu être recyclé et placé en toute sécurité, ajoutait la même source, c’est bien grâce à des transactions financières secrètes. S’effectuant sur la très puissante place financière - banques, trusts, études d’avocats, entreprises fiduciaires, sociétés anonymes, établissements et fondations -, la valse des capitaux douteux est l’œuvre de véritables maestros de la finance souterraine internationale. Ceux-là mêmes dont les pratiques viennent d’être mises à nu dans la foulée des fracassantes révélations de «Panama Papers». Parmi les personnalités politiques happées par l’imposante «trappe» des enquêteurs figure le ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb sur lequel pèsent des soupçons de fraude fiscale : il serait propriétaire, depuis avril 2015, d’une société offshore - Royal Arrival Corp - domiciliée au Panama et intervenant au titre d’intermédiaire commercial avec plus d’un pays, dont le nôtre. Mais force est de dire que les vieilles, mais toujours tout aussi efficaces, us de soustraire, à l’algérienne, l’argent suspect de toute indiscrétion, ont, semble-t-il, la peau dure. Il y a plus de quinze ans, notre pays s’était déjà adjugé la palme d’or dans les transferts illicites de fonds suspects via… la «valise» à destination de l’Europe. Une vieille tradition dans la… fuite  des capitaux En effet, en à peine six mois, soit entre fin 1999 et début 2000, les douanes de l’UE - 15 pays membres à l’époque - avaient mis la main, au terme d’une opération de contrôle surprise d’envergure, sur plus de 10,5 milliards de francs, l’équivalent de 1,6 milliard d’euros, découverts sur des passagers de différentes nationalités, rapportaient des médias européens. Une bonne partie était en argent liquide, le reste en diamant ou en or. Transportées en grande partie par voie aérienne et maritime, les sommes impliquées dépassaient 1,3 milliard de francs - 200 000 euros - en moyenne, selon un rapport confidentiel dont avaient été destinataires les ministres des Finances, de la Justice et de l’Intérieur des quinze. Et si dans l’Union les principaux pays d’origine des fonds étaient l’Allemagne, l’Espagne et la France, celui qui tenait la tête du peloton, hors Union, n’était autre que l’Algérie, suivie de l’Albanie, l’Egypte et la Suisse. Autant dire que les toutes fraîches révélations de l’International consortium of investigative journalists (ICIJ), fruit d’investigations mondiales poussées sur les paradis fiscaux, qui n’ont pas épargné les nôtres, n’ont fait qu’illustrer, par des faits, les méthodes novatrices déployées, plus d’une quinzaine d’années plus tard, par certaines Personnes politiquement exposées (PPE) d’Algérie et mettre en lumière leur propension à rentabiliser leur passage, bref ou long, dans les institutions ou administrations qu’ils représentent. Autant dire aussi que le temps a, semble-t-il, fini par donner raison au célèbre économiste Omar Aktouf. Dans un précédent entretien sur le scandale Sonatrach, il nous affirmait : «…Les Bedjaoui, ChakibbKhelil, Khalifa et consorts… ne sont certainement ni les premiers ni les derniers à avoir plongé les mains profondément dans les biens du peuple algérien. Je dirais même, l’avenir me donnera sans doute raison, que nous n’assistons qu’au dévoilement d’une infime partie de la pointe d’un infini iceberg.» L’Algérie, plus soumise au processus de surveillance du GAFI La question que d’aucuns se posent encore aujourd’hui plus que jamais est la suivante  : en décidant d’extraire, en 2016, l’Algérie de sa liste rouge, le Groupe d’action financière (GAFI), le gendarme du marché financier mondial, avait-il vu juste ? Lors de sa dernière plénière qui s’est tenue à Paris du 17 au 19 février dernier, cet organisme intergouvernemental chargé de l’élaboration des normes et la promotion de l’efficace application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international avait «reconnu» et salué «les progrès significatifs dans l’amélioration de leurs régimes de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme» réalisés par l’Algérie, et qu’à ce titre elle «ne sera donc plus soumise au processus de surveillance du GAFI». A la question d’El Watan-Economie de savoir comment comptent-ils justement agir face à la gravité des faits dénoncés dans les «Panama Papers», projetant ainsi sur la scène internationale l’étendue de la délinquance financière en col blanc, lequel phénomène s’est particulièrement exacerbé en Algérie, les responsables du GAFI, éludant avec diplomatie le cas Algérie, se sont contentés de préciser que «les ‘‘Panama Papers’’ ont souligné l’importance d’une mise en œuvre complète et efficace des Recommandations du GAFI, en particulier en ce qui concerne les bénéficiaires effectifs. Les ‘‘Panama Papers’’ montrent également que chaque pays, non seulement les ‘‘paradis fiscaux’’, doivent appliquer ces mesures de manière efficace». La Suisse, la plaque tournante du blanchiment Et qu’en est-il de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) et du Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent (MROS), les deux principaux organes de lutte contre le blanchiment d’argent en Suisse ? Surtout que, à en croire les investigateurs de l’ICIJ, c’est dans la Confédération que sont basées plus de 1200 entreprises figurant parmi les 14 000 banques, études d’avocats et autres intermédiaires financiers ayant à leur actif la création de 34 300 entités offshore, soit 16% de la totalité des sociétés citées dans les «Panama Papers». Et c’est également là où seraient hébergés les 700 000 euros de M. Bouchouareb. «La FINMA prend note de la couverture médiatique en ce qui concerne les ‘‘Panama Papers.’’ Dans le cadre de nos activités de surveillance, la FINMA cherche à vérifier dans quelle mesure les banques sont impliquées et comment les termes du droit et de réglementation suisses ont été respectés», a indiqué, dans une déclaration à El Watan-Economie Vinzenz Mathys, responsable du service presse. Et la même source de rappeler avec fermeté : «La FINMA ne se prononce pas sur les détails de son activité de surveillance ni sur les noms d’individus». S’agissant du MROS, à l’instar de leur tutelle, l’Office Fédéral de la Police (Fedpol), ses responsables s’attachent toujours à ne jamais baisser la garde sur le «secret de fonction». Pour preuve : «En général, le Fedpol ne s’exprime pas sur des cas particuliers. Le MROS, le Bureau de communication en matière de blanchiment d’argent de Fedpol est la Cellule de renseignements financiers (CRF) suisse. Notre activité est couverte par le secret de fonction. Nous ne pouvons donc pas informer sur le fait d’avoir reçu ou pas des communications des intermédiaires financiers», synthétisera Anne-Florence Débois, porte-parole du Fedpol. La prudence et la retenue prennent, ainsi, toute leur dimension d’autant que, autour de ce «séisme» financier planétaire, gravitent une constellation de Personnes politiquement exposées (PPE) que les textes suisses encadrant la politique helvétique en matière de blocage, confiscation et de restitution des avoirs de potentats (Asset-Recovery), définissent comme étant «les personnes qui sont ou ont été chargées de fonctions publiques dirigeantes à l’étranger, telles que chefs d’Etat ou de gouvernement, politiciens de haut rang au niveau national, hauts fonctionnaires de l’administration, de la justice, de l’armée et des partis au niveau national ou encore organes suprêmes d’entreprises étatiques d’importance nationale». Stratégie où sont également concernés «les personnes physiques qui, de manière reconnaissable, sont proches des PPE pour des raisons familiales, personnelles ou pour des raisons d’affaires». Et, l’expression «avoirs de potentats» ne serait-elle pas légitimement valable pour les cas Khelil et Bedjaoui, ou encore Bouchouareb et autres PPE citées dans les «Panama Papers» ? Car, toujours selon le législateur suisse, elle s’applique dans les cas où «des PPE et leurs proches s’enrichissent de manière illégitime, en s’appropriant des valeurs patrimoniales par des actes de corruption ou par d’autres crimes et en les détournant vers des places financières hors de leur Etat d’origine». La corruption fait perdre 5,1% au PIB mondial Quoi qu’il advienne, et même si des enquêtes judiciaires, policières, parlementaires, etc. venaient à être ouvertes, ici ou ailleurs, suite à ce nouveau scandale de fraude de haut standing, «la volonté politique des Etats reste la condition sine qua non à l’aboutissement des enquêtes ou procédures judiciaires pouvant être engagées dans ce type d’affaires. L’efficacité de la prévention et la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent ne reposent pas uniquement sur les instruments juridiques ou les mécanismes et instances mis en place. C’est une question éminemment politique», insiste l’avocat pénaliste, Me Abderrahmane Boutamine. Surtout que cette forme de criminalité économique est, à ses yeux, «des plus néfastes et destructrices» dans la mesure où elle «s’attaque aux fondements des institutions démocratiques en corrompant l’Etat de droit et en créant des appareils bureaucratiques dont l’unique fonction réside désormais dans la sollicitation de pots-de-vin et autres avantages». «C’est pourquoi, ajoute-il, il est grand temps pour l’ensemble des gouvernements, notamment ceux des pays touchés, de prendre conscience du degré de dangerosité de ces phénomènes (corruption et blanchiment d’argent) sur la société.» Dans ses propos, Me Boutamine sera conforté par les sinistres chiffres de la Banque mondiale. S’appuyant sur une enquête réalisée par ses experts dans 127 pays, cette dernière déplore que les pots-de-vin, la prévarication, le blanchiment d’argent, la fraude et l’évasion fiscale, les vols, le clientélisme soient, globalement, à l’origine d’une perte de croissance de 3100 milliards de dollars, soit 5,1% du PIB mondial. «Entre 10 et 30% des crédits des grands projets mondiaux sont engloutis dans la corruption, une transaction sur sept faisant l’objet d’un détournement», ont établi les experts de l’institution de Bretton Woods. Mais, ne dit-on pas que «L’argent est un bon serviteur et un mauvais maître» ?


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