« Le monde est mon langage »



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Dans la production écrite au-delà de l’Algérie, les références à la littérature algérienne et à ses auteurs c’est un peu comme le drapeau algérien, on les retrouve brandies et éblouissantes là où on s’y attend le moins.

C’est ainsi que dans Le monde est mon langage, le nouveau livre d’Alain Mabanckou qui paraîtra le 31 août aux éditions Grasset, entre Makélékélé (Brazzaville) et Buenos Aires, en passant par Port-au-Prince et Montréal, on se retrouve soudain devant un grand clin d’œil littéraire à l’Algérie et à ses écrivains.

Alain Mabanckou, né à Pointe Noire au Congo-Brazzaville, est apparu sur la scène littéraire tout en poésie avec Au jour le jour (1993) et La Légende de l’errance (1995, L’Harmattan), ses deux premiers recueils de poèmes. Il publie son premier roman Bleu-Blanc-Rouge en 1998 (Présence africaine), et depuis il n’a cessé d’enrichir le champ littéraire avec son humour, son imagination débordante et décalée, et sa philosophie de la bonne humeur. Auteur du superbe roman Mémoires de Porc-épic (2006, Seuil), et du délicieusement satirique Verre Cassé (2005, Seuil), pour n’en citer que deux parmi une production prolifique, Mabanckou publie ici « une autobiographie capricieuse élaborée grâce au regard des uns et des autres et à celui que je porte sur eux ».

Comme annoncé dès l’introduction, Le monde est mon langage n’est pas un roman, mais beaucoup plus une autobiographie. Le monde est mon langage est une odyssée, un fabuleux voyage à travers les lectures de Mabanckou, celles qui ont nourri et influencé son imaginaire, qui ont façonné son vécu d’écrivain, d’homme de lettres et de professeur de littérature d’expression française à Los Angeles.

Cette exploration littéraire est donc géographique. « Beaucoup pensent que la vraie question se joue entre la bonne et la mauvaise littérature et non entre les répartitions géographiques des Lettres… ». La carte sur laquelle s’ouvre ce récit illustre bien cette réflexion. Y sont répertoriées les villes et les personnes qui ont marqué sa mémoire et ses écrits, que Mabanckou va nous faire découvrir dans chaque chapitre.

Traversant les genres, entre fiction et récit, Mabanckou célèbre l’expression écrite de l’imaginaire qui relie auteurs et lecteurs, à travers la langue française.

On y rencontre le sans-abri Zéphirin à la Nouvelle Orléans, l’auteur Haïtien Dany Laferrière, l’écrivain cubain Eduardo Manet en Guadeloupe, ou l’auteur américain Douglas Kennedy à Marrakech. Mabanckou nous emmène découvrir le génie littéraire des écrivains congolais comme Sony Labou Tansi, Tchicaya U Tam’si ou de l’écrivain martiniquais Édouard Glissant. On se balade avec le franco-mauricien Le Clezioau au Jardin du Luxembourg, Paris ou à Londres sur la Tamise à bord d’une reproduction du célèbre Le roi des Belges, le bateau sur lequel l’écrivain polonais Joseph Conrad avait navigué pour aller au Congo.

À travers tous ces échanges et discussions de vive voix ou épistolaires comme avec Lounes, le neveu de l’auteur algérien Yahi Belaskri, Mabanckou dénoue les frontières, et montre que la langue n’est pas un mur, mais un espace sans limite.

Parce qu’il a « choisi depuis longtemps de ne pas m’enfermer, de ne pas considérer les choses de manière figée, mais de prêter plutôt l’oreille à la rumeur du monde », Mabanckou corrige les aiguilles du compas et du temps, et démontre paisiblement que le nord, souvent définit comme Paris, n’est pas le centre de la production littéraire en langue française.

Le « nord », c’est le sud, l’ouest et l’est du globe et non pas d’un pays seul. La production littéraire d’expression française n’est pas un point final sur une carte, ou une flèche qui pointe dans une seule direction. Elle constitue la somme d’une production multiple, d’auteurs issus de tous les continents, qui ont produit, influencé et enrichi notre imagination depuis des décennies. Tous les romans explorés ici et qu’on retrouve ailleurs dans les classements linéaires tels que la littérature « francophone », la littérature « créole », « africaine » ou encore « noire africaine », s’inscrivent dans un espace beaucoup plus vivant, large et merveilleux que ces dénominations ne le suggèrent. Celui de la production littéraire mondiale.


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