Sid Ahmed Ghozali

« Nous vivons avec une richesse que nous ne créons pas »



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Ancien chef du gouvernement, Sid Ahmed Ghozali a également été ministre de l’Énergie et premier PDG Sonatrach. Dans cet entretien, il revient sur la dernière réunion informelle de l’Opep et explique pourquoi c’est non-événement. Il analyse également la stratégie économique du gouvernement et met en garde contre ses conséquences désastreuses.

Au lendemain de la décision historique de l’Opep de réduire sa production, le baril est reparti en baisse avant de se ressaisir. L’Opep souffre-t-elle d’un déficit de crédibilité ou n’a-t-elle plus les moyens de peser sur le marché ?

Cette réunion qualifiée précautionneusement d’informelle est et restera un non-événement. Car, quoiqu’il arrive, même si les prix devaient remonter à 150 dollars, le problème central de notre pays est dramatiquement plus grave : la faillite de la gestion économique du pays.

Fondée aux seules fins d’enrayer la chute des prix de la fin des années 50, l’Opep a pu, dans un passé lointain, peser relativement sur le prix du pétrole. Très relativement. En tout état de cause, ce n’est plus le cas aujourd’hui, si tant est que cela ait pu être le cas hier. Je me dois de rappeler que les clés du marché ne sont, ni dans la « main invisible » d’Adam Smith, ni encore moins entre les mains de l’Arabie saoudite, ni entre celles de l’Iran ou de l’Irak. Les plus grandes réserves d’énergie fossile sont dans l’ensemble Amérique du Nord (USA plus Canada qui en sont en même temps les plus gros consommateurs). Ajoutez-y les réserves qui sont ailleurs mais sous le contrôle économique et géopolitique US et vous comprendrez pourquoi le trousseau est détenu en fin de compte par les États-Unis d’Amérique.

Si, il  y a quarante-trois ans de cela, l’action de l’Opep a pu favoriser une augmentation des prix (pour cause guerre d’octobre 1973 et de l’embargo qui s’en est suivi, NDLR), c’est  parce que les États-Unis ne s’y étaient pas opposés…s’ils n’ont pas tout simplement inspiré voire suscité l’événement, aux fins de réduire à leur profit la compétitivité de l’Europe laquelle, en tant que plus gros importateur mondial de pétrole, était la première à souffrir de l’embargo.

Cela étant dit, ne vous laissez pas entraîner dans ce débat autour du prix du pétrole : vous tomberiez dans le piège qui consiste à faire oublier que le problème de l’Algérie est une situation économique désastreuse que nous devons à nos propres incuries et autres turpitudes politiciennes, et non point au facteur exogène du prix du pétrole, facteur bien commode pour se défausser sur les « autres ».

 Pourquoi est-ce un piège ?

Vous êtes-vous demandé pourquoi depuis trois ans nous n’avons d’yeux, ni d’oreille, ni de préoccupation que pour le prix du pétrole ?  Qui n’a de cesse que de préparer les Algériens à une réduction dramatique de notre artificiel train de vie en enfonçant dans les esprits que notre problème est lié au prix du pétrole…c’est à dire la faute à l’étranger ? En fait, cette baisse du prix du pétrole a levé le rideau sur une situation tragique entièrement due à l’incurie de la gouvernance politique : nous vivons avec une richesse que nous ne créons pas. Pendant quinze ans on a jeté par les fenêtres des brassées de milliards de dollars, on a endormi l’opinion dans l’euphorie financière artificielle. Je ne contribuerai donc pas à alimenter une grossière propagande qui consiste à anesthésier encore le peuple algérien.

Nous oublions les années 80 : ce que nous vivons trente ans après n’est qu’un replay de ce qu’a vécu le peuple algérien à l’époque. La situation inextricable dans laquelle nous nous trouvons nous la devons à notre incapacité à tirer les leçons du passé.

Car à l’époque aussi la cigale avait aussi chanté tout l’été se trouvant fort dépourvue quand la bise fut venue. À l’époque aussi, quand les prix se sont mis à dégringoler à partir de 1985 on était allé très loin dans le mensonge jusqu’à faire dire au chef de l’État des énormités, notamment que le prix du pétrole était sciemment manipulé pour nuire à une Algérie jalousée (sic) !

L’Algérie n’a plus aucun poids aujourd’hui ?

Dans l’histoire de l’Opep, il n’y a eu qu’un seul sommet de Chefs d’États, celui qui s’était tenu en Algérie en mars 1975. C’était au moment où notre pays avait un poids relatif sur le plan diplomatique. Il était crédible parce qu’il avait une politique intérieure crédible.

On qualifie cette réunion informelle organisée à Alger de succès historique : nous ne tarderons pas à le vérifier demain. Je prie Dieu qu’il confirme ce jugement.

Aujourd’hui, le pouvoir est dans la fuite en avant. Il entraîne derrière lui tout un peuple. On dit que le pouvoir est rentier. Il s’agit d’un raccourci. Il a ancré dans les têtes l’esprit rentier. Ecoutez ce que disent les gens : « Ils veulent leur part de pétrole ». Ce n’est pas cela la mentalité de rentier ? Vous n’entendrez jamais un Occidental tenir des propos similaires.

L’Algérie résiste au choc pétrolier, selon le Premier ministre…

D’autres de ses confrères ont clamé à chaque crise internationale la spécificité algérienne : « Grâce à une politique avisée, l’Algérie ne peut pas être affectée par la crise ». (En 1984, le Premier ministre de l’époque avait lancé de la tribune de l’APN : « nous avons mieux fait que les USA » et puis  péroré sur le perron de l’Elysée : « Nous sommes prêts à aider la France à équilibrer ses finances extérieures »…Trois ans plus tard l’Algérie devenait le pays le plus endetté de la planète avec 70% d’endettement et deux ans plus tard ce fut octobre 88)

La stratégie de communication du pouvoir consiste depuis trois ans à préparer les Algériens à une réduction drastique d’un train de vie artificiel en leur faisant croire que le gouvernement n’est pas responsable de la situation et que celle-ci dépend des pays qui décident du prix du pétrole notamment l’Arabie saoudite. Ce genre de discours n’est pas nouveau, je viens de le rappeler. Si les Algériens sont à ce point anesthésiés, qu’ils sachent que ce sont eux et eux seuls qui paieront la facture. Les mêmes causes produiront les mêmes effets. Les mêmes mensonges produiront les mêmes dégâts, surmultipliés pour raisons de conjoncture politique et sociale aggravante. Aussi refuserai-je de débattre avec vous d’un problème dont on veut me faire croire que c’est le problème central de l’Algérie alors que ce n’est pas le cas. Il faut interroger les faits sur le terrain et vous aurez la réponse à la question de savoir si le Premier ministre dit vrai ou faux.

L’Algérie peut-elle éviter retour à l’endettement extérieur ?

Cette histoire d’endettement, de remboursement anticipé etc. date d’une grande escroquerie propagée pour la première fois après la mort de Houari Boumédiène pour détruire son image. Dès le départ, c’était une question politicienne, elle est adoptée en un fonds de commerce politique traditionnel. Le pouvoir sait que les Algériens gardent un très mauvais souvenir d’un endettement de 70% dans les années 1980. Donc il rembourse la dette par anticipation. Au début des années 1980, le prix du pétrole était remonté à 43 dollars. Nous avons remboursé par anticipation pour faire croire aux Algériens qu’on les a débarrassés du surendettement. Résultat : après la chute des prix et un baril à 11 dollars, nous nous sommes mis à emprunter en cachette. La dette de l’Algérie était considérée comme secrète. Ce qui est absolument absurde !

Risque-t-on de se retrouver dans la même situation ?

Ce sera pire. En 1990, nous étions moins de 30 millions. Maintenant, nous sommes plus de 40 millions. Je vous rappelle aussi qu’on n’avait pas le même train de vie. On importait 10.000 voitures. On est passé à 600.000 voitures par an. Je ne parle pas du reste.


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