Trajectoire d'un trublion controversé



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Quand Amar Saâdani attaqua de front Ahmed Ouyahia, le chef de cabinet de la Présidence et néanmoins patron du RND, un certain 28 mars dans une émission phare de la radio publique, beaucoup d »observateurs pensaient que c'était une erreur politique fatale.

Critiquer et dénoncer des « retraités » affaiblis par le droit de réserve est une chose, attaquer violemment ou accuser des personnalités encore en activité politiquement et au sein des rouages de l'Etat en est une autre.

Pour le cercle présidentiel, il était évident que Saâdani est allé trop loin dans son rôle, même s'il a commis par le passé des impairs diplomatiques, notamment au sujet de la question sahraouie. Ce jour-là, le leader controversé du FLN a eu des mots durs et virulents pour attaquer violemment Ouyahia. « Il n'est pas fidèle à Bouteflika, il est mû par des ambitions présidentielles. Je ne lui fais pas confiance ».

Saâdani traite également Ouyahia de cadre « incompétent » qui « fonctionne avec la mentalité d'il y a 26 ans », l'accusant d'avoir incarcéré injustement des dizaines de cadres gestionnaires alors qu'il était chef du gouvernement en 1996.

Ce jour-là, des instructions fermes de la Présidence ordonnent la censure de ses propos à la télévision publique et dans les différents JT et flashs des stations de la Radio nationale. Pour les observateurs, cela sonne comme un avertissement et une mise en garde au SG du vieux parti.

Au niveau du FLN, on explique cette sortie par la stratégie de Saâdani de lancer ses dernières banderilles contre « l'ultime muraille » qui bloque ses ambitions politiques. En avril, soit un mois plus tard, le SG confiait à son entourage que la raison de cette attaque aussi violente était motivée par le fait que c'est Ouyahia qui bloque des avants-projets de loi ou des dispositifs émanant du FLN. Le chef du RND occupait un poste névralgique au plus haut sommet de l'Etat et détenait ainsi un pouvoir « exorbitant ». On le surnomme le « filtre ».

Pour Saâdani, c'est encore Ouyahia qui a parasité le remaniement ministériel qu'il souhaitait en juin dernier. Or, c'est justement en ce début de juin que Saâdani s'est muré dans un silence assourdissant et énigmatique.

Un silence qui dura quatre mois et laissa perplexe même des milieux étrangers qui ne comprenaient pas une telle posture pour un leader du plus grand parti politique du pays, alors que la conjoncture nationale était en effervescence en raison de plusieurs dossiers chauds, comme la suppression de la retraite anticipée, les fuites massives aux examens du Bac et les débats sur les nouvelles taxes.

Des raisons de santé empêcheraient-elles quelqu'un de parler quelques minutes ou de répondre à des questions de la presse ? Pourquoi Saâdani a refusé toute déclaration à la presse en dépit des sollicitations en juin, en juillet, en août et en septembre ?

On invoqua des raisons bidon, comme « des vacances normales », ensuite des « vacances prolongées », puis des « contraintes familiales à l'étranger », avant de finir par balancer le « pèlerinage » aux Lieux saints.

C'est curieusement durant cette période de « silence forcé » que des voix se sont élevées pour « exiger » son départ. Des voix émanant des personnalités historiques les plus en vue qui demandaient au chef de l'Etat, en tant que président du parti, de « limoger » Saâdani.

Dans le milieu le plus proche du FLN, on savait que des cercles présidentiels étaient mécontents des attitudes de Saâdani. On pensait même que ce dernier allait désormais prendre des gants et éviter de tirer sans ménagement sur tout ce qui bouge. On lui renouvela la confiance et on l'autorisa à convoquer la session du comité central pour le mois d'octobre.

De la puissance à la démission

Désormais, le désormais ex-SG prit le taureau par les cornes et dépassa toutes les prévisions, critiquant encore l'ancien patron des services du renseignement ainsi que son prédécesseur au FLN, Abdelaziz Belkhadem, les accusant de « harkis » ou de « soldats de la France ».

Des propos qui soulevèrent un tollé au sein de la classe politique. Saâdani a-t-il franchi le Rubicon ? A-t-il trahi un contrat de confiance établi avec ses soutiens en 2013 quand on a fait appel à lui pour reprendre le FLN ? Était-il allé trop loin dans l'indiscipline politique ? Comment un chef de parti qui, un jour avant sa démission, montrait des signes de puissance et de sérénité, évoquait avec ses proches et partisans ses ambitions pour les législatives de 2017, surprend tout le monde et se résout à quitter le navire ?

C'est la veille de la session du CC et dans la soirée, dans son domicile qu'il révéla à quelques membres du Bureau politique, venus débattre avec lui des questions organiques, sa décision irrévocable de jeter l'éponge. « C'est un coup de tonnerre ! », nous confie l'un de ses proches.

C'est à partir de cet instant que la rumeur s'est propagée avant de s'amplifier à l'ouverture des travaux du CC dans la matinée. Toute la nuit, on décortiqua la question de la succession en douceur, ainsi que le choix du SG entre Ould Abbès et Louh. Finalement, on opta pour un personnage qui n'exerce pas une fonction ministérielle. Pour les initiés, c'est la seconde fois qu'on signifie à Saâdani « d'oublier la politique ».

En mars 2007, lors de la confection des listes de candidature pour les législatives, Belkhadem signifia à Saâdani, alors président de l'APN en fin de mandat, que le président Bouteflika « ne veut pas de lui et qu'il lui exige de ne plus s'afficher publiquement ».

A cette époque, on avait spéculé sur son implication dans des affaires et des scandales de détournement de deniers publics, notamment les aides pour la mise en valeur des terres agricoles dans les steppes et les régions des Hauts Plateaux.

Depuis cette date, plus personne n'entendait parler de Saâdani, ni dans un journal, ni sur un plateau de télé, ni sur un site électronique, jusqu'au début de l'année 2013.
Pourtant, en trois ans de règne, Saâdani a fini par attirer des cercles et des réseaux, des milieux universitaires et des affaires, des cadres ambitieux qui rêvaient de devenir des parlementaires ou des nababs.

Une faune qui s'est approprié des territoires et des espaces jadis réservés aux seuls militants et cadres du FLN. Saâdani s'est appuyé sur ces nouvelles forces sociales montantes pour contrebalancer les rapports de force organiques au sein du parti et contourner ses adversaires. En partant, il laisse à son successeur ce « complexe réseau politique de soutien », « calculateur », « avide et gourmand » et bien « encombrant ».

Reste à savoir si le nouveau SG du vieux parti aura le charisme nécessaire pour rassembler les morceaux et les lambeaux à quelques mois des échéances électorales, bien qu'il soit l'un des plus fidèles soutiens au président Bouteflika depuis 1999.

Même si on sait qu'Ould Abbès ne reproduira pas le même schéma et les mêmes discours que Saâdani, le FLN semble aujourd'hui prendre une nouvelle tournure politique, qui préfigure déjà d'une configuration des équilibres sur la scène nationale.


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