« L’Union européenne doit être sensible aux difficultés dans lesquelles se trouve l’Algérie aujourd’hui »



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Gonzalo Escribano est professeur d’économie et directeur du Programme énergie de l’Institut royal Elcano. Auteur du rapport sur « l’impact des bas prix du pétrole sur l’Algérie », publié ce mois d’octobre par le Center on Global Energy Policy de l’Université américaine de Columbia, Dr. Escribano revient dans cet entretien sur la situation économique actuelle de l’Algérie.

Quelles conclusions avez-vous tiré de la situation économique actuelle en Algérie ?

C’est une situation complexe et difficile, mais elle n’est pas comparable à celle connue à la fin des années 1980. Les chiffres macroéconomiques ne sont actuellement pas si mauvais, le PIB par exemple continue à croître alors qu’à la fin des années 80, il y avait eu une chute du PIB et une croissance négative. À cette époque-là, la situation externe était beaucoup plus difficile à cause de la dette extérieure et du manque de devises, tandis qu’aujourd’hui les tampons dont l’économie algérienne dispose en termes de faible dette externe et de plus grandes réserves de change rendent les choses moins sensibles.

Quelles sont les options pour l’Algérie en cas de persistance d’un pétrole bas ?

Il y a d’abord la question de la diversification de l’économie, mais ça c’est sur le long terme. Sur le court terme, il y a une réforme du secteur énergétique à mener. Il faut réformer le secteur sur la question du 49/51 et sur la gouvernance pour attirer les investissements étrangers. À mon avis, s’il n’y a pas une réforme du secteur énergétique qui attire des investissements étrangers, l’Algérie peut se retrouver sur le long terme dans une situation difficile. En Europe, les décideurs ont des doutes sur les possibilités de l’Algérie à continuer à être un fournisseur crédible dans les circonstances actuelles.

D’où proviennent ces doutes des décideurs européens ?

Les doutes viennent du fait qu’il n’y a pas d’investissements. La dernière fois qu’il y a eu un appel d’offres, il n’y a pas eu de compagnies qui étaient intéressées de faire des investissements dans le secteur des hydrocarbures en Algérie. Cela était dû à des limitations de l’investissement, des conditions de contrats, de la fiscalité, etc. Aussi, il y a un changement dans les conditions du marché du gaz naturel dans le monde. Il y a beaucoup de GNL qui va arriver de plusieurs fournisseurs. En Russie, Gazprom est déjà en train de flexibiliser les clauses de ses contrats, tandis que l’Algérie continue d’être très attirée par les contrats à long terme, indexés au pétrole, avec des clauses très restrictives empêchant la revente.

À mon avis, sur le plan énergétique il faut réformer le secteur, il faut avoir des politiques plus attirantes pour l’investissement étranger et il faut aussi modifier ses politiques d’offre car le monde est en train de changer. On a de plus en plus de flexibilité dans les contrats et de flexibilité dans le marché du gaz naturel liquéfié et ça va être dur pour des pays comme l’Algérie de rester fixé sur des contrats qui sont du siècle passé.

Votre rapport finit sur une note peu optimiste sur la capacité de l’Algérie à se réformer. Que va-t-il se passer à votre avis si l’Algérie n’arrive pas à se réformer ?

Il y a quatre scénarios possibles. Le scénario le moins plausible, selon moi, est la répétition des événements de la fin des années 1980. Je n’y crois pas parce que je trouve que la situation d’aujourd’hui est complètement différente. En parallèle, plusieurs analystes disent qu’il peut y avoir un scénario similaire à celui de l’Égypte, avec un coup d’État militaire. Je n’y crois pas non plus car les circonstances en Égypte et en Algérie sont très différentes. Finalement il y a un scénario que je trouve le plus probable, à savoir qu’il sera très difficile de mener à terme des réformes fortes et vraiment importantes tant que la situation politique avec la succession ne soit pas plus claire.

Malgré tout, il y a un scénario beaucoup plus optimiste dans lequel l’Algérie mène à terme ses réformes énergétiques et économiques. Le point que je soulève dans mon rapport est que l’Europe doit offrir des perspectives attirantes pour l’Algérie. Car dans le cas contraire, on aura un problème de sécurité énergétique, mais aussi un problème plus ample de sécurité dans le Sud de la Méditerranée. Le rapport ne dit pas qu’il faut faire tout ce que l’Algérie demande, pas du tout, mais l’Union européenne doit être sensible aux difficultés dans lesquelles se trouve l’Algérie aujourd’hui.

L’Europe a donc un rôle important à jouer pour permettre à l’Algérie de sortir de sa situation actuelle ?

L’idée c’est que l’Union européenne devrait offrir des motivations pour que l’Algérie mène à terme ses réformes énergétiques et économiques de la façon la plus compréhensive que possible. Pour cela, il faut que l’Europe offre un discours énergétique qui soit attirant pour l’Algérie en lui offrant un accès au marché énergétique européen, etc. Il faut faire des concessions des deux côtés.

Dans le cas où ces concessions ne sont pas faites de part et d’autre, qu’est-ce qui se passera pour l’Algérie ?

Dans ce cas, dans quelques années quand il n’y aura plus de réserves de change et quand la dette externe commencera à devenir très forte, il va falloir faire des ajustements structurels très très importants qui vont donner beaucoup de problèmes politiques. À mon avis, il vaut mieux faire les réformes même d’une façon graduelle que de les faire dans trois ou quatre ans quand il sera trop tard et les ajustements mèneront à une grande instabilité et contestation sociales.

L’endettement extérieur est donc pour vous inévitable pour l’Algérie au train où vont les choses ?

Oui. Si les prix du pétrole ne remontent pas, si les investissements n’arrivent pas et que la production et les exportations de gaz n’augmentent pas, ça va être très difficile de tenir. Ça peut tenir un ou deux ans, mais pas plus que ça.


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