La chanson Ssendu

Idir face à la famille de l’auteur



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Ssendu est l’une des plus belles chansons d’Idir. Aujourd’hui, la famille Yala (Meziane Rachid), propriétaire de la chanson, réclame justice et veut que le chanteur reconnaisse son erreur et déclare que la paternité de Ssendu ne lui revient pas. Enquête. «Ssendu, ssendu tefkeḍ_d udi d amellal, Ssendu, ssendu akken a neččaṛ abuqal. Ndu ndu ay iɣi fked tawarect n wudi akken i tt-nettmenni» (Baratte, baratte et donne-nous un beurre bien blanc. Baratte, baratte pour qu’on puisse remplir la jarre. Baratte-toi, baratte-toi petit lait et donne-nous un morceau de beurre comme on le souhaite). Rares sont les personnes qui ne connaissent pas cette chanson, ou du moins son refrain. Qui dit Ssendu, dit le chanteur Idir. Avec une mélodie douce, portée par la belle voix d’Idir, cette chanson est incontestablement connue… même à l’échelle internationale. Mais rares sont les personnes qui savent que cette chanson n’appartient pas à Idir. Les paroles ont été écrites et signées par Meziane Rachid, M’hamed Yala de son vrai nom. Décédé en octobre 2015, sa famille réclame aujourd’hui «justice et les droits d’auteur». Une démarche que Meziane Rachid allait entamer avant sa mort. Car il a découvert, par un pur hasard, que la chanson qu’il avait écrite n’est pas répertoriée à son nom à la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem) en France… 45 ans plus tard. Très confiant de son vivant, Meziane Rachid ne s’imaginait pas que sa chanson répertoriée à l’Office national des droits d’auteur (ONDA) en Algérie à son nom ne l’était pas en France. De 1974, date de l’enregistrement de la chanson en France, jusqu’à 2015, à aucun moment l’auteur de Ssendu n’est parti réclamer ou chercher ses droits d’auteur. «Il n’a jamais été matérialiste. C’était un vrai artiste», confie sa veuve. En 2015, Meziane Rachid, alors grièvement malade, signe une procuration à son fils pour récupérer les droits d’auteur en France de ladite chanson. Arrivé sur place, la Sacem est catégorique : la chanson est au nom de Hamid Cheriet, nom du chanteur Idir ! Et ce fut la désagréable surprise et l’étonnement de M’hamed Yala et de sa famille. Peu de temps après, le propriétaire de Ssendu décède des suites d’une longue maladie, mais l’affaire reste pendante. Surprise Son fils, Saïd Ouali Yala, décide de reprendre les choses en main. Sa première démarche fut de contacter le chanteur Idir. Après plusieurs mois, le fils se retrouve face à Idir. Promesse lui a été faite : «Nous allons ensemble refaire une autre déclaration à la Sacem», avait promis Idir à Saïd Ouali Yala. C’est-à-dire répertorier et rectifier Ssendu au nom de M’hamed Yala. «A l’époque, le chanteur Idir a essayé de nous convaincre que c’était une boîte d’édition qui était à l’origine de cette situation et les droits d’auteur lui sont versés», explique Saïd Ouali Yala. Faux, dans la mesure où dans le répertoire français, il est écrit noir sur blanc que les paroles et la musique sont de Hamid Cheriet. La famille Yala continue alors ses démarches. Le chanteur Idir ne nie pas, mais ne facilite pas la tâche. Il n’y a pas eu de nouvelle déclaration ni de rectificatif à la Sacem. La société française explique à Saïd Ouali Yala que la démarche relève du juridique désormais et qu’il faut aussi clairement s’entendre avec le propriétaire actuel, c’est-à-dire Idir pour que les droits d’auteur soient versés avec effet rétroactif depuis les années 1970. En octobre 2015, Idir avait clairement affirmé à Saïd Ouali Yala : «Je suis prêt à faire une nouvelle déclaration, car je ne savais qu’elle était de cette nature. J’avais signé un contrat d’édition avec le directeur des éditions Oasis pour la musique de Ssendu, et je lui avais dit que le texte était écrit par votre père, à part le refrain qui est de moi. Et j’ai été étonné lorsque j’ai vu la déclaration dans laquelle le nom de votre père était raturé, alors qu’il a été écrit par mes soins et que l’écriture de mon nom sur le dépôt n’est pas de moi.» Contacté, le compositeur-interprète Medjehad Hamid témoigne que jamais Ssendu n’était «un cadeau de Meziane Rachid à Idir». Il confirme que cette chanson est de Meziane Rachid qui a été «enregistrée à Alger avec un groupe d’artistes, dont lui (Medjahed), Idir, Sid Ali Naït Kaci et Farhat Imazighen Imoula en 1977, sur un disque 33 tours, intitulé Tacumlith». Il dit avoir encore «la bande originale où sont mentionnés tous les détails sur la couverture». Le confident et ami de Meziane Rachid, Medjahed Hamid en l’occurrence, dit avoir eu le privilège de voir et de vérifier le texte original de la chanson composée de 5 couplets. Toute la documentation et les preuves démontrent réellement que Ssendu n’a jamais été à Idir. Aujourd’hui, la famille Yala ne lâche pas prise et compte mandater l’ONDA pour récupérer ses droits et de se charger de l’affaire. Promesse Depuis 2015, des démarches ont été entamées par la veuve Yala et son fils à l’ONDA. On a appris que l’Office des droits d’auteur a transmis la fiche internationale à la Sacem. Objectif : comparer les répertoires. L’ONDA est catégorique : «Ssendu est une œuvre musicale enregistrée à l’ONDA au nom de Cheriet Hamid et M’hamed Yala. Ils se partagent les revenus. La musique est d’Idir, alors que les paroles sont de Yala. Cela est inscrit dans le registre international avec une codification internationale. Malheureusement en France, le chanteur Idir l’a entièrement inscrite à son nom», nous déclare El Houcine-Sami Bencheikh, directeur général de l’ONDA. M. Bencheikh confie qu’il a eu une discussion formelle avec le chanteur Idir et que dernier lui a expliqué qu’il n’avait pas l’intention de voler la chanson, mais seulement de «préserver et protéger l’œuvre en question». Idir, à l’occasion de son passage à Alger il y a au moins une année, affirmait aussi au directeur général de l’ONDA que cela «ne posait pas de problème et qu’il était prêt à rectifier». Depuis... «rien n’a encore été fait», se désole la famille Yala. L’ONDA affiche son «entière disposition» à assister la famille Yala dans sa démarche. «Nous sommes disposés à accompagner la famille et lui apporter notre assistance pour reconnaître les droits de Yala et de verser les droits», promet le responsable de l’ONDA. Car l’Office ne peut en aucun cas entamer des démarches sans l’aval de la famille. «Il faudrait, en effet, que la famille nous mandate pour entamer les démarches», explique encore El Houcine-Sami Bencheikh. L’ONDA, détaille encore la veuve Yala, a établi le répertoire de Meziane Rachid et envoyé les fiches internationales à la Sacem, et depuis plus rien.... Selon les conventions entre les deux organismes, l’ONDA et la Sacem, la paternité des œuvres revient à la documentation algérienne. Autrement dit, c’est la documentation algérienne de l’ONDA qui prime sur celle de la Sacem dans ce genre de situations. En clair, la Sacem s’appuiera sur les détails fournis par l’ONDA pour rectifier la situation. «Nos portes sont ouvertes à la famille Yala», affirme El Houcine-Sami Bencheikh Défense Contacté, le chanteur Idir explique sa version des faits : «Lorsque j’ai composé la mélodie vers 1972, j’avais déjà écrit le refrain avec cette mélodie. Puis, j’ai ajouté un couplet qui ne parlait pas du tout de petit-lait ou du fait de battre le lait, comme l’indique mon refrain. Je parlais à l’époque de tiwizi de llqadd uzemmour, c’est-à-dire des scènes typiques de travaux où l’on montrait la solidarité et le plaisir d’être et de travailler ensemble. Je vous signale que la chanson passait telle quelle sur les ondes de la radio chaîne II. Il y en a peut-être qui s’en souviennent encore. J’ai l’enregistrement à la maison. Par la suite, je me suis mis à fréquenter en tant qu’étudiant ce qu’on appelait à l’époque ‘‘le milieu artistique’’. Et c’est là que j’ai connu Meziane Rachid. Nous avons sympathisé et sommes devenus amis. C’est à cette période que je lui ai demandé de m’écrire un texte relatif à la façon de battre le lait. Il faut noter qu’il y a chez nous beaucoup de thèmes chantés sur ce sujet. Et il m’a livré trois couplets. Les trois ont été interprétés dans le disque Tacemlit où il y avait d’autres chanteurs et d’autres groupes». Mais c’était une chanson de Yala ? «Personne ne songe à déposséder le défunt M’hamed Yala, à commencer par moi. Nous nous sommes revus plusieurs fois par la suite. A une de mes venues au pays, je lui ai posé la question suivante : ‘‘Pourquoi tu n’as pas déposé tes paroles à la Sacem afin que tu puisses devenir ayant droit ?’’ Il m’a répondu que cela ne l’intéressait pas. J’étais étonné de voir cet homme se désintéresser comme ça de ses droits et ne pas donner signe de vie pour son texte pendant des années !», nous dira Idir. Il explique aussi que le dépôt de Ssendu à l’ONDA s’est déroulé normalement, car toutes les parties concernées étaient là. Mais pourquoi donc la chanson a-t-elle été enregistrée autrement en France ? «Je vous repose la question : ‘‘Pourquoi ne l’a-t-il pas déposée ? Il a eu mille fois le temps de le faire. Je suis prêt à rencontrer la famille. Alors qu’ailleurs on me prend carrément pour un voleur. Je n’ai jamais volé personne ! Je suis droit dans mes bottes. Et puis, j’ai fait beaucoup de chansons qui ont eu du succès et cela me permet de ne pas avoir à voler mes amis !» nous répond encore Idir. Il part encore plus loin : «Il est vrai que des choses troublantes sont apparues sur un bulletin de dépôt et j’aimerais tirer cela au clair. Parmi ces choses qui ne sont pas les miennes et d’autres ! Comment voulez-vous que j’enregistre à mon nom une partie d’un texte qui ne m’appartient pas et pourquoi voulez-vous que je le fasse là et pas avec quelqu’un d’autre ? Ceci dit, rien ne se fait par erreur, il y a certainement une explication. Mais si l’erreur date des années 1970, comment ne s’en est-il pas rendu compte depuis ? Pourquoi n’est-il jamais venu me voir ou envoyé quelqu’un ? C’était à lui de venir déposer ? C’est le règlement», clarifie encore Idir. Ce qui met le confident de Meziane Rachid en colère, c’est surtout l’«attitude du chanteur» car, selon lui, «il a pris la chanson comme un bien vacant». Saïd Zanoun, auteur dramatique, parle de «malhonnêteté et d’une situation qui n’est pas digne d’un artiste». «Avec la confirmation des autres artistes, la chanson appartient à Meziane Rachid. Je ne comprends pas pourquoi Idir ne dit jamais le contraire. On devrait imposer aux chanteurs d’annoncer avant leur interprétation le parolier et le compositeur. Pourquoi on étouffe toujours le parolier ? C’est une malhonnêteté autorisée.»  Même témoignage de Belkacem Messoudi, ancien journaliste de la radio : «Rachid m’a toujours dit que cette chanson était de lui.» Et pourtant, selon Zanoun, le règlement de la Sacem est très sévère. L’artiste, en cas de fausse déclaration ou de plagiat risque la radiation. «Bien vacant La justice n’étant pas encore saisie, le chanteur Idir est interpellé par le fils du défunt pour lui demander des comptes. Même si de son vivant le parolier et avant sa paralysie — donc dans l’incapacité d’entamer des démarches — il affichait sa déception envers Idir qui, de son avis, «lui a volé la chanson». «Que Dieu le punisse», disait-il, témoigne la veuve Yala. «Meziane Rachid m’a dit qu’Idir payera cher un jour», nous confie l’ami du défunt. «Je ne cherche pas l’argent, et jamais mon défunt mari n’a couru après l’argent. Aujourd’hui, c’est de la considération que nous voulons. C’est une honte et une humiliation pour l’artiste». L’ami de Meziane Rachid se demande aussi pourquoi Idir n’a jamais reconnu publiquement que la paternité de la chanson revenait à Meziane Rachid. Au contraire, en 2010, lors d’un gala organisé en hommage aux femmes, «il racontait comment il a écrit la chanson». Cette affaire pourrait faire des émules... D’autres textes sont en train d’être décortiqués par la famille Yala. Si d’autres preuves existent à l’ONDA, il ne faut pas les passer sous silence, comme Ersed Ayides, affirme le confident de Meziane Rachid. «Meziane Rachid m’a parlé de deux ou trois autres chansons qu’il avait écrites aussi à Idir», conclut Saïd Zanoun.  


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