« Il y a au moins des contacts suivis entre des cadres du FFS et certains cadres du régime »



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Rachid Halet est membre de l’instance présidentielle du FFS – composée de cinq personnes. Dans cet entretien, il explique les raisons à l’origine de son exclusion du parti et de la nouvelle crise qui intervient près d’une année après le décès du leader historique du FFS, Hocine Aït Ahmed.

Le FFS vient d’annoncer votre exclusion du parti. Un commentaire ?

C’était prévisible. Vous savez à quoi servent les commissions de disciplines au sein des partis politiques. En fait, ce sont surtout des commissions d’épuration. Le problème n’est pas la radiation que je rejette pour les raisons que j’ai déjà expliquées dans ma déclaration car elle ne réglera pas le problème. Celui-ci peut être résolu avec l’éviction de l’équipe qui a squatté la direction du parti. Seul son départ à l’occasion du sixième congrès peut changer les choses. Ils (Chérifi Mohand Amokrane, Ali Laskri et Aziz Balloul que Rachid Halet qualifie de putschistes dans sa déclaration, NDLR) nous ont complètement gangrené les instances de la direction.

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Vous avez été traduit devant une commission de discipline. Que vous reproche-t-on exactement ?

En apparence, c’est lié à un témoignage (au sujet du poste qu’aurait proposé Khaled Nezzar à Hocine Aït Ahmed en 1992 puisque Rachid Halet avait assisté à la rencontre entre les deux hommes, NDLR). J’ai déclaré que Khaled Nezzar avait dit à l’époque qu’il y aurait un processus politique après l’interruption du processus électoral et que Ait Ahmed pouvait jouer un rôle et qu’il aurait une place de premier plan. À ce propos, la proposition de Nezzar était suffisamment imprécise pour que chacun l’interprète à sa manière. Il était légitime pour Aït Ahmed de comprendre qu’il s’agissait d’une proposition de présidence du HCE. Mais ce n’était pas forcément la présidence. Certains membres de l’instance présidentielle du parti ont par la suite accumulé un dossier disciplinaire à base de prises de positions publiques.

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Donc, c’est un faux prétexte, selon vous. Pourquoi vos camarades au sein de l’instance présidentielle du parti veulent vous écarter en réalité ?

À leurs yeux, je suis quelqu’un d’incontrôlable et d’imprévisible. Je suis un homme libre qui a une réflexion autonome. À propos de ce témoignage, j’estime que le parti est important mais mon honneur n’est pas moins important. En toute modestie et humilité, s’il s’agit de parcours, je n’ai pas à rougir du mien. Je suis un vieux militant qui a fait ses preuves. Je constituais quand même pour eux un danger. Ils n’ont pas besoin d’un vrai parti national. Ils veulent d’un parti porte-clés pour leurs intérêts particuliers. Ce putsch s’inscrit d’abord dans la succession dans le parti puisqu’ils veulent garder à tout prix le contrôle du FFS. Ensuite, il y a des échéances proches et d’autres un peu plus lointaines qui ont probablement eu un impact. Il s’agit évidemment des élections législatives, des élections locales, du sixième congrès du parti et peut être les présidentielles à venir en 2019.

Quel est l’enjeu des législatives pour ceux que vous qualifiez de putschistes ?

Ceux qui contrôlent les élections législatives et les élections locales, contrôleront le sixième congrès du parti. Et ceux qui contrôleront le parti peuvent demain s’inscrire dans des logiques beaucoup plus vastes.

Vous accusez justement ces « putschistes » de vouloir monnayer leur soutien à l’occasion de la succession du chef de l’État en 2019…

Il est vrai qu’il est trop tôt pour parler de 2019. Mais on ne peut pas rester insensibles à certains événements. Dans ma déclaration, j’ai cité à titre illustratif les cas des sénateurs Tamadartaza et Chabati qui, dans un laps de temps très court, ont joué pour l’un le facteur de Bouteflika tandis que l’autre s’était rendu à l’OTAN alors que vous connaissez la position traditionnel du parti par rapport à cette question. Je ne peux pas croire à des coïncidences quand il y a deux cadres qui font des choses pratiquement tabous. Je suis sûr qu’ils ont eu des contacts avec au moins certains membres dans la présidence. Ce dont je suis sûr aussi est qu’il y a au moins des contacts suivis entre des cadres du parti et certains cadres du régime. Rappelez-vous que Mohand Amokrane Chérifi était présent lors de l’annonce de la candidature de Monsieur Bouteflika pour un quatrième mandat. Cela fait trop de coïncidences.

Le FFS tiendra son conseil national à partir du 9 décembre prochain. Sa participation aux élections législatives est quasi-certaine ?

Je ne sais si le conseil national du parti décidera de la participation mais tout porte à le croire. On ne peut pas exclure le fait que certains veuillent capituler à tout prix et abdiquer au moment où le pouvoir a adopté une démarche unilatérale et a exclu tout le monde du processus de réformes. Il y a de très fortes chances qu’ils décident de la participation.

Participerez-vous au prochain conseil national ?

Je n’irai pas. Je pense avoir fait ma part de chemin. Si je vais là-bas, on va tomber dans la polémique et éventuellement dans la bagarre. Cela deviendra très spectaculaire. J’ai envie que les membres du conseil national s’assument. J’espère que pour l’honneur du conseil national, les gens n’iront pas à la mangeoire comme disait Hocine Aït Ahmed. Donc, je préfère que les gens décident en leur âme et conscience. Ils ont une responsabilité pour l’avenir du parti.


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