«Privatisation» de la SNTA au profit des «Emiratis»



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La SNTA avait conclu, fin 2016, un nouveau partenariat avec le même fonds d’investissement émirati avec lequel elle avait créé Staem en 2005, société mixte qui produit aujourd’hui toutes les marques de cigarettes étrangères en Algérie. D’anciens cadres affirment que l’objectif étant de «privatiser la société par étapes». Les travailleurs, eux, craignent de perdre leurs postes d’emploi. Enquête. «La Société nationale des tabacs et allumettes (SNTA) est une entreprise bénéficiaire avec 9 à 10 milliards de dinars de bénéfice net chaque année. De ce point de vue, nous ne comprenons pas pourquoi nos responsables ont accepté de céder le service commercial aux Emiratis», s’interrogent les travailleurs des deux services, commercial et transport, de la SNTA, deuxième pourvoyeur des fonds de l’Etat. Ces derniers remettent en cause les clauses dudit partenariat conclu en juillet dernier par les responsables de leur entreprise publique. Un ancien cadre de la SNTA joint par téléphone et qui a accepté de répondre à nos questions explique sous couvert d’anonymat qu’il s’agit d’un accord portant sur «la privatisation de ces deux départements» au profit de United Tabacco Compagny/Spa (UTC), une société mixte algéro-émiratie où 51% des actions sont détenues par la SNTA et 49% par Staem, une autre société mixte créée en 2005 par la même entreprise publique en partenariat avec un fonds d’investissement émirati. Sauf que dans le cas de Staem, le fonds d’investissement en question détient la majorité des actions avec 51% des parts par rapport à la SNTA qui ne comptabilise, quant à elle, que 49% des actions. Staem produit toutes les marques de cigarettes étrangères, dont Marlboro, Camel, West, Winston, Gauloises et L&M. La SNTA, elle, se limite à la fabrication des marques locales, dont Nassim, Rym, Afras, Cirta, Hoggar et le tabac à chiquer avec Makla et Nedjma. Mais depuis la conclusion de ce deuxième accord de partenariat, c’est désormais l’UTC qui commercialise tous les produits locaux de la SNTA. Aujourd’hui, il ne reste à l’entreprise publique que le service production, car celui de tabac-culture n’est plus qu’un lointain souvenir. «Il n’existe quasiment plus», selon le même cadre. Société Mixte Une société mixte qui en crée une autre, dont les partenaires initiaux sont les mêmes, est-ce normal ? L’ancien cadre affirme que c’est du «jamais vu». «De toute ma vie je n’ai vu pareil partenariat. De plus, une entreprise qui vend son propre service commercial, cela n’existe nulle part. Comme l’UTC sait qu’elle ne peut pas vendre tout ce que produit la SNTA, elle a fini par imposer ses propres conditions à l’entreprise publique, notamment par rapport à la qualité et la quantité produite, confie-t-il. Tous les partenariats conclus par l’Algérie ont été médiatisés, sauf celui-là. Pourquoi ?» L’économiste Ferhat Aït Ali est du même avis. Il affirme lui aussi qu’«il n’a jamais eu affaire à ce genre de partenariats», mais il assure que «ce dernier est tout à fait légal aux yeux de la loi, car cette dernière n’a pas prévu de tels accords», selon lui. «Je trouve que dans la nouvelle entité commerciale, la SNTA détient quasiment 76% des parts des revenus du fait qu’elle est à 51%  en tant que SNTA et à 49% de Staem qui représente 25% de la nouvelle entité, explique-t-il. En termes de montage, c’est une bonne affaire car elle permet ainsi à l’entreprise publique de prélever 75% des revenus après impôts des produits qu’elle vend en partie en amont.» Pourquoi la SNTA a-t-elle cédé son service commercial ? Dans un communiqué transmis à notre rédaction, faisant suite à une série de questions adressées dans le cadre de cette enquête par El Watan Week-end à la SNTA, l’entreprise publique précise : «La nouvelle société dénommée United Tobacco Company-UTC/spa, créée en décembre 2016, est chargée de la distribution de nos produits. Sa création entre dans le cadre du redéploiement stratégique engagé par la SNTA. Ce partenariat a été autorisé par le Conseil des participations de l’Etat (CPE).» Marché Si l’entreprise est florissante, pourquoi a-t-elle recouru à un nouveau partenariat ? Les réponses formulées par la direction de la SNTA semblent vagues. Cette dernière parle tantôt d’un besoin du renouveau de son système de distribution, ce qui a été expliqué auparavant, et tantôt de modernisation de son entreprise et de ses outils de production. «Bien que les résultats engrangés soient bons, la SNTA s’est inscrite, depuis 2014, dans un plan de modernisation de son outil de production se traduisant par le renouvellement de ses équipements et une restructuration de ses sites de production, ce qui lui a permis d’améliorer sa productivité et d’élargir sa gamme de produits. La vive concurrence dans le métier des produits tabagiques impose à la SNTA un redéploiement stratégique. Pour la SNTA, faire le choix des alliances stratégiques a été un axe fondamental de développement dans des domaines complémentaires de ses compétences pour un meilleur positionnement sur le marché», lit-on sur le même communiqué. Un autre ancien cadre de l’entreprise, qui a souhaité lui aussi garder l’anonymat, avoue que l’objectif «étant de privatiser par étape l’entreprise publique». Il explique que «les Emiratis ne sont pas à leur première tentative». «Les Emiratis ont déjà tenté l’ouverture du capital de la SNTA en 2014, mais ils n’ont pas réussi à conclure, confie-t-il. Ils voulaient récupérer tous les actifs de la SNTA dont les biens, les espaces de stockage, y compris les travailleurs. Ainsi, la SNTA n’allait exister que juridiquement et non physiquement. Ça n’a pas marché, raison pour laquelle ils ont opté probablement pour cette option afin de détourner la règle du 51/49.» Le même cadre n’est pas le seul à aboutir à cette conclusion, même les travailleurs interviewés pensent la même chose. Ces derniers craignent «la fin, en Algérie, de la production des cigarettes par le secteur public». La SNTA assure dans son communiqué que «les postes d’emploi des travailleurs ne seront pas touchés, un accord qu’elle dit avoir discuté avec le partenaire social de l’entreprise». Contrats Quant aux travailleurs, ils assurent qu’«ils n’ont jamais été consultés par leur syndicat et avouent craindre d’être les prochaines cibles de la nouvelle structure». D’ailleurs, même l’ancien cadre l’affirme en expliquant que l’UTC «ne peut garder près de 1000 travailleurs sachant que Staem avec une production plus importante ne compte aujourd’hui que 900 personnes». Pour étayer leur analyse, ces derniers s’appuient sur les clauses de leurs nouveaux contrats imposés par le nouvel employeur. «Nous nous sommes retrouvés du jour au lendemain sous la coupe d’une nouvelle entreprise. Nous ignorons encore notre situation vis-à-vis la SNTA et nous réfutons certaines clauses imposées par l’UTC, dénoncent-ils. Avant, quand l’entreprise vous proposait une mutation, la décision se prenait en concertation avec le travailleur, et de plus c’est la SNTA qui se chargeait de son hébergement, ce qui n’est pas mentionné dans le contrat de l’UTC dans son article 9. Dans l’article 11 du ledit contrat, l’UTC ne précise aucunement les motifs de cessation de fonction. Cela veut dire qu’elle nous a imposé des lois vagues afin de lui permettre de nous mettre à la porte quand bon lui semble. Nous n’avions pas le choix. Nous avons signé car nous avons été trahis par la SNTA qui nous a lâchés.» Les travailleurs revendiquent aussi leur dû auprès de la SNTA. «Le changement d’entreprise est-il une cessation de fonction par rapport à la SNTA ? Cela veut dire qu’elle doit nous payer deux mois de salaire sur chaque année de travail écoulée. Sinon, les responsables doivent nous expliquer ce qui s’est passé, pourquoi et comment ? Nous avons tout perdu avec cette nouvelle entreprise. Ne devait-il pas y avoir un accord entre nous et la SNTA avant tout changement de statut ?», s’interrogent-ils. Nous étant rendus à l’usine Staem située sur la route de Boufarik, frontière entre les deux wilayas de Blida et de Tipasa, nous avons n’avons pas pu récolter d’informations vu l’embargo institué. Autoritaire Ici, les contacts sont formellement interdis par l’entreprise. Le réceptionniste nous a fait comprendre qu’«il n’avait même pas le droit de nous communiquer le numéro du standard». «Rédigez une demande avec l’entête du journal et revenez pour la déposer ici. Si le directeur général juge de l’utilité de vous répondre, il vous fixera certainement un rendez-vous pour pouvoir le rencontrer», suggère-t-il. Sur le Net, il n’existe aucune information sur l’UTC, hormis le site d’une entreprise qui porte le même nom et qui a été fondée en 1997 en Caroline du Nord aux Etats-Unis d’Amérique. Dans une publication récente de Staem sur ce que devaient être les prix de vente des cigarette en Algérie après les dernières spéculations, la société algéro-émiratie avait mentionné l’adresse de l’UTC, puisqu’elle avait communiqué aussi les prix des cigarettes locales commercialisées par ce nouveau partenaire de la SNTA. Mais quand nous nous sommes déplacés à son siège social tel qu’indiqué, rue Mouri Arezki à Ben Aknoun, nous n’avons trouvé aucune trace de ladite entreprise. Les voisins du bâtiment ignoraient carrément l’existence d’une société répondant aux initiales d’UTC. Certains parlent de «société écran» ; néanmoins, ce qui est à retenir, c’est qu’à Staem la communication est absente. Sur l’avenir de ce qui reste de public dans ce marché, les deux cadres sont unanimes à prédire : «La prochaine disparition de la SNTA au profit des Emiratis». «L’Etat veut quand même autoriser l’UTC à créer ses usines. Que deviendra alors la SNTA ?» Quant aux travailleurs, «ils ne cachent plus leur mécontentement quant au nouveau cadre de travail et désavouent la nouvelle direction qu’ils décrivent comme autoritaire».


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