Entretien avec Abdelmadjid Tebboune 

« On ne fait pas d’injonction à l’Algérie »



...

Abdelmadjid Tebboune est ministre de l’Habitat. Il a également hérité du département du Commerce, à titre intérimaire, depuis 3 semaines. Dans cet entretien exclusif à TSA, le ministre revient sur les principaux dossiers de ces deux secteurs. Quotas d’importation, déclarations de Christian Estrosi, logements AADL/LPP, impact de la crise budgétaire, la Grande Mosquée d’Alger… Toutes les réponses d’Abdelmadjid Tebboune.

Une réunion interministérielle s’est tenue dimanche pour déterminer les quotas d’importations de divers produits. Quelles ont été les décisions du gouvernement en la matière ?

Il n’y a encore eu aucune décision. La réunion finale aura lieu dans quinze jours. Le comité interministériel, réuni hier, planche sur la question, fait des propositions, mais c’est au Premier ministre de trancher.

Un responsable politique français (Christian Estrosi) a réclamé un quota pour la pomme des Alpes. L’avez-vous accordé ?

Je n’ai rien à dire, si ce n’est que ce Monsieur a dû se tromper de pays, il ne devait pas s’adresser à l’Algérie. Car on ne donne pas d’injonction à l’Algérie, ce temps-là est fini. Peut-être que sa montre s’est arrêtée avant 1962 ?

Comment avez-vous accueilli cette réclamation française ? Avez-vous réagi officiellement auprès du concerné ou des autorités françaises ?

C’est une injonction ! Non, il n’y a pas lieu de réagir à de tels propos. La relation entre la France et l’Algérie est claire. Elle se décide entre El Mouradia et l’Élysée [les Présidences, NDLR], éventuellement entre le Palais du Gouvernement et Matignon [les Premiers ministères, NDLR] tandis que les ministères des Affaires étrangères jouent le rôle de transmettre les messages.

Cette politique de quotas a-t-elle porté ses fruits, pour protéger la production nationale ? La liste des produits concernés va-t-elle être élargie ?

Cela fonctionne. Le but est d’abord de réguler et contrôler les importations, pour savoir ce qui rentre et éviter les abus. Mais sans jamais priver le consommateur algérien ou créer des pénuries. Les importations doivent être un appoint de la production nationale et non pas s’y substituer. Nous importons parfois peu de quantités pour des montants importants. Il y a aussi des produits qui sont inutiles. Vous imaginez que l’on importe pour 18 millions de dollars de « chewing-gum » chaque année ? Ou des dizaines de millions de dollars de mayonnaise ? Il n’est pas interdit d’en importer, pour ceux qui en ont besoin, mais ce sont des produits de deuxième, troisième ou quatrième nécessité, il faut rationaliser. N’est-on pas capable de fabriquer ces produits ici ?

    | LIRE AUSSI : Quotas d’importation : l’Algérie cédera-t-elle aux pressions des pays étrangers ?

C’est valable pour tous les secteurs d’activité. Quitte à commencer par du montage SKD, cela crée quand même de l’activité et de l’emploi en Algérie, ce qui est le but du gouvernement.

La politique des importations d’automobile est simple : pas d’usine, pas de quotas ?

C’est clair : tous ceux qui n’investissent pas en Algérie n’obtiendront aucun quota. Mais cela ne concerne pas uniquement les usines de montage. Ce que l’on entend par « investissement » inclut également les réseaux de distribution et de services après-vente, la fabrication de pièce de rechange ou l’installation d’équipementiers… Il y aura effectivement des marques concernées par l’interdiction d’importation, à l’image de certaines marques chinoises qui n’ont pas mis en place de projet industriel ou semi-industriel.

Le gros de la facture d’importation est lié aux services et biens d’équipements. Travaillez-vous à réduire ces importations ?

Il y a des importations incompressibles. Tout ce qui sert à la production nationale, que ce soit les intrants ou les équipements ne seront pas concernés. Bien sûr, nous encourageons la production nationale qui a vocation à se substituer aux importations. C’est valable dans l’agriculture, pour les logements que nous construisons à près 100% avec des matériaux fabriqués localement, ou pour les autres secteurs.

    | LIRE AUSSI : Pourquoi l’Algérie peine à réduire ses importations

Votre département a appelé à des investissements dans le secteur de la grande distribution. Quelles mesures (foncier, réglementation…) comptez-vous mettre en place ?

Nous encourageons les investisseurs algériens à se lancer dans ce secteur. Il y a peu d’acteurs sur ce créneau en Algérie, avec à peine 44 unités à travers le territoire national. C’est largement insuffisant et il faut donc aller vers plus de projets dans le domaine. L’investissement est libre et il n’y a pas de contraintes particulières.

Vous avez promis la mise en place effective du RCE dès le 1er trimestre de l’année en cours. Est-ce réalisable en si peu de temps (techniquement, logistiquement) ?

Nous avons déjà mis en place ce registre de commerce électronique il y a près de 4 mois. J’ai annoncé qu’il fallait avoir fini de le faire d’ici le 1er trimestre 2017, soit le mois de mars. Nous allons essayer d’atteindre cet objectif, mais l’essentiel est d’avancer sur ce dossier. Le but est de mettre fin au phénomène des registres de commerce loués et toutes sortes de fraudes.

    | LIRE AUSSI : Registre de commerce : le nœud de la fraude, du blanchiment d’argent et de l’évasion fiscale

Comment faire pour (ré)intégrer les commerçants dans le circuit officiel ?

C’est un travail de longue haleine. Ce circuit est informel en termes d’impôts, de fisc et de contrôles de l’État, mais ces activités s’inscrivent largement dans un circuit économique officiel. Nous régularisons progressivement la situation.

La Grande Mosquée d’Alger sera-t-elle livrée en 2017 ?

Oui, je m’y suis personnellement engagé. J’avais dit que le gros œuvre serait terminé en 2016, nous l’avons réussi à un mois près. Et je répète que la Grande Mosquée d’Alger sera prête en 2017 : nous entendrons l’Adhan [appel à la prière, NDLR] et on priera dans la grande salle de prière de la mosquée. Il y a également les passerelles qui enjambent l’autoroute que l’on doit livrer en priorité, pour donner accès aux parkings de l’autre côté [de la structure]. Mais il faut savoir que c’est un projet d’ensemble, avec un centre culturel et d’autres installations. Nous les livrerons au fur et à mesure.

Concernant l’Habitat, la crise budgétaire actuelle a-t-elle remis en cause certains projets de construction de logements ? Y aura-t-il de nouveaux lancements ?

Remise en cause, non. Des difficultés… Oui. Mais nous n’avons annulé aucun projet et nous continuerons à lancer de nouveaux projets. Pour preuve, vous avez dû voir l’annonce de construction de 13 000 logements AADL à Oran.

Où trouvez-vous les ressources financières pour assurer la poursuite des programmes ?

Il y a des secteurs auxquels il ne faut pas toucher. Le Président de la République, Abdelaziz Bouteflika l’a dit, le premier ministre, Abdelmalek Sellal, l’a dit et nous l’avons répété. Le logement, la santé, l’éducation sont prioritaires et il est hors de question de les remettre en cause. En termes de budget, nous avons quasiment les mêmes montants alloués cette année qu’en 2016 ou 2015. Preuve que les crédits restent constants et que nous poursuivons la politique de logement.

Les dossiers des LPP/AADL ont pris du retard, de nombreux bénéficiaires attendent toujours. Quand et comment ces dossiers seront-ils livrés ?

Nous construisons à un rythme soutenu. Nous arrivons à livrer des logements dans des délais de 10 mois après leur lancement. Mais de manière générale, il faut compter entre 24 mois et 32 mois. Nous avons atteint des délais et une efficacité pratiquement incompressibles. Le citoyen algérien est impatient et c’est compréhensible. C’est pour cela que nous avons mis en place le système de pré-affectation à partir d’un taux de réalisation de 70%, pour le rassurer et lui montrer que le projet, son bâtiment et son appartement sont bien là.

Il y a eu quelques problèmes avec certains projets, en raison d’un changement de terrain, ce qui n’est pas de notre ressort. Par exemple, lorsque l’on nous attribue du foncier, nous lançons les études et la sélection des entreprises. En cours de route, il arrive que ce terrain soit retiré et que l’on change d’emplacement. À ce moment-là, nous refaisons le même processus de sélection, ce qui prend au moins 6 mois. Et cela peut arriver deux ou trois fois pour le même projet, donc on prend jusqu’à 1 an et demi de retard. Mais tous les projets seront livrés.

L’Algérie manque de main-d’œuvre dans le BTP, alors que 30 000 offres d’emploi dans le secteur restent non-pourvues, obligeant de recourir à la main-d’œuvre étrangère. Pourquoi ?

Je pense que l’explication est d’ordre sociologique. Les jeunes Algériens ont atteint un stade où ils refusent le travail qui implique une grande pénibilité. C’est un signe de développement, qu’il faut voir comme un élément positif. Certains pays comme la France, pour ne citer que celui-ci, ont connu un tel phénomène dans les années 1960 et au-delà, d’où leur recours à l’immigration maghrébine notamment.

C’est la même chose dans l’agriculture : des exploitants ont du mal à trouver de la main-d’œuvre pour récolter les olives ou les pommes de terre, même avec des salaires de fonctionnaire moyen à 30 000 à 45 000 dinars par mois ! Mais il ne faut pas le voir comme un élément négatif. Les jeunes Algériens sont prêts à travailler. Les mêmes qui rechignent à faire ces travaux pénibles, et c’est humainement compréhensible, sont ravis de suivre des formations et travailler en tant que chefs de projets ou d’équipe dans le secteur du bâtiment.

Il y aurait en Algérie, près de 800 000 logements vacants. Pourquoi les propriétaires ne louent pas ces biens ?

Je peux vous assurer que c’est un chiffre fallacieux. Il n’y a aucune statistique précise. Mais nous avons mené un audit, conduit par le ministère durant une année, pour évaluer les supposés logements vacants de l’OPGI, notamment à Alger. Nous n’en avons trouvé que 152 ! Et dans la plupart des cas, il s’agit de propriétaires qui peuvent être amenés à changer de lieu de résidence, que ce soit pour leur travail ou pour des raisons familiales et décident alors de laisser leurs logements fermés. C’est leur droit ! À l’étranger, dans des pays avancés, la situation est pire, au point où certains ont envisagé de réquisitionner ces logements. Ce serait une « bavure démocratique ».

Quelles mesures pour contrôler les petits promoteurs et l’auto-construction, qui ne respectent pas les règles d’urbanisme (façades, finition, espaces verts, équipements publics…) ?

Nous sévissons. C’est le sens de la Loi 08/15. Nous contrôlons ce que font les promoteurs et nous établissons des listes noires. Et ceux qui sont « black-listés » n’ont plus qu’à changer de métier, car ils ne pourront plus obtenir de marché. Sans préjuger de ce que peut faire la Justice par la suite.

Pour les propriétaires de maisons, nous les obligeons à terminer leurs façades. Ce qu’ils font à l’intérieur de leurs murs les regarde, mais ils se doivent de respecter le citoyen, les normes environnementales et du voisinage. Sinon, il y a de fortes amendes financières. Je peux comprendre que certains dans des villages isolés n’ont pas forcément les moyens de terminer leurs maisons. Mais ceux qui ont des magasins qui brassent des milliards, alors qu’ils ne veulent pas acheter quelques sacs de ciments pour finir leur façade, seront fermés.

En ce qui concerne les équipements et structures d’accompagnement, tous les nouveaux projets sont tenus de respecter des engagements et mettre en place ces structures. Pour les anciennes constructions, nous régularisons la situation au fur et à mesure. Il faut savoir que cette situation est héritée de la décennie noire. Vous pouvez imaginer que l’État avait d’autres priorités à gérer. Ce sont des préoccupations que l’on peut avoir lorsque l’on atteint un certain niveau de sécurité.

Vous avez hérité de deux portefeuilles, à savoir l’Habitat et le Commerce. Deux dossiers lourds. Comment arrivez-vous à gérer ces deux ministères ?

Je vous laisse l’imaginer [sourire]. J’ai en charge le ministère du Commerce, mais je ne gère pas dans le détail, comme je le fais à l’Habitat. Je donne les grandes orientations et les grandes lignes de la politique à suivre, et j’interviens lors des prises de décisions ou pour les signatures. Mais pour le reste, il y a une très bonne équipe en place, avec un excellent secrétaire général, directeur du commerce extérieur… Je fais donc confiance à une équipe compétente.

Au ministère de l’Habitat, nous avons mis en place des automatismes. Lorsque je suis arrivé, il y avait une équipe restreinte d’un directeur général et quelques directeurs. Sachez que j’ai signé 28 décrets depuis mon arrivée, pour réorganiser la structure. Désormais, chaque dossier est suivi par une personne dédiée, ce qui permet d’être plus efficace.


Lire la suite sur Tout sur l'Algérie.

Publier des annonces gratuites

Petites annonces Babalweb Annonces

Publier une annonce gratuite

Autres sites

Sciencedz.net : le site des sciences
Le site des sciences en Algérie


Vous cherchez un emploi? Essayer la recherche d'emploi en Algérie
Babalweb Annonces Babalweb Annonces
Petites annonces gratuites