A peine 272 enfants ont obtenu la pension alimentaire



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Deux ans après sa création par ordonnance présidentielle, le Fonds d’aide aux mères divorcées ayant la garde d’enfants mineurs n’arrive pas à jouer le rôle qui lui a été assigné, c’est-à-dire se substituer aux pères qui sont dans l’incapacité ou refusent de payer la pension alimentaire. Sur les 48 directions de l’action sociale, seulement 138 femmes avec 272 enfants ont bénéficié de ce dispositif, qui reste méconnu. La situation a irrité la ministre de la Solidarité, ordonnatrice du Fonds, qui annonce la mise en place d’un groupe de travail, composé de membres de son département et de la Justice. Institué au début de l’année 2015 sur fond de polémique et de violentes critiques par les islamo-conservateurs, le Fonds d’aide aux femmes divorcées ayant à charge des enfants mineurs n’a toujours pas donné les résultats escomptés. Les mères divorcées ayant la garde des enfants ne se bousculent pas devant ce dispositif leur permettant de bénéficier de la pension alimentaire (nafaka), que le mari refuse ou est dans l’impossibilité de payer. A ce jour, des 48 directions de l’action sociale (DAS), seulement 138 femmes avec 272 enfants à charge ont bénéficié de cette aide. Ce qui représente un chiffre extrêmement insignifiant comparativement au nombre de décisions de divorce, où la femme obtient la garde des enfants mineurs. Une situation qui a mis la ministre de la Solidarité et de la Condition féminine, Mounia Meslem, en colère, au point d’en faire état publiquement lors de sa dernière visite, il y a quelques jours, à Tamanrasset. «Très peu de mères divorcées ont sollicité ce Fonds. Le nombre de celles qui ont introduit des demandes au niveau des directions de l’action sociale est insignifiant. Pourtant, l’Etat a dégagé des sommes colossales pour cette catégorie. Il faut que la société civile et les associations se penchent sur ce problème», a-t-elle lancé devant les caméras des chaînes de télévision. Institué par la loi 15-01 du 4 janvier 2015, ce Fonds constitue une solution idoine pour remédier à l’incapacité ou au refus des pères d’assurer le versement de la pension alimentaire à leur ex-épouse, qui assure la garde des enfants mineurs, dans le but de protéger ces derniers et de leur garantir une vie décente. Les bénéficiaires ne sont pas uniquement les mères divorcées, mais aussi toute femme à qui le juge assure une pension alimentaire, ou toute autre personne à laquelle il confie les enfants mineurs, comme la grand-mère, la tante maternelle ou paternelle, ou une proche par alliance. La pension alimentaire fixée après le refus ou l’incapacité du débiteur à payer «Les redevances financières sont versées au bénéficiaire, en cas de non-exécution totale ou partielle de l’ordonnance ou du jugement fixant la pension alimentaire, en raison du refus du débiteur de payer, de son incapacité de le faire ou de la méconnaissance de son lieu de résidence. La non-exécution est établie par un procès-verbal dressé par un huissier de justice», souligne la loi, qui précise : «La demande du bénéfice des redevances financières est présentée au juge compétent accompagnée d’un dossier comprenant les documents fixés par arrêté conjoint du ministre de la Justice, garde des Sceaux, du ministre chargé des Finances et du ministre chargé de la Solidarité nationale. Le juge compétent statue sur la demande par ordonnance gracieuse, dans un délai maximum de cinq jours, à compter de sa saisine. Cette ordonnance est notifiée par voie du greffe au créancier et au débiteur de la pension alimentaire, ainsi qu’aux services compétents dans un délai maximum de quarante-huit heures du prononcé de la décision. Le juge des affaires familiales statue par ordonnance gracieuse dans un délai maximum de trois jours à compter de sa saisine sur toute difficulté entravant le bénéfice des redevances financières. Les services compétents ordonnent le versement des redevances financières au bénéficiaire par, notamment, voie de virement bancaire ou postal, dans un délai qui ne peut dépasser vingt-cinq jours à compter de la date de notification de l’ordonnance. Ces services continuent à verser les redevances financières mensuellement jusqu’à la déchéance du droit du bénéficiaire. Si le débiteur de la pension alimentaire arrête l’exécution de l’ordonnance ou du jugement ayant fixé la pension alimentaire après avoir commencé le paiement, les services compétents continueront à verser les redevances financières, en vertu d’une ordonnance gracieuse rendue par le juge compétent». Dans son article 7, la loi stipule en outre que «les bénéficiaire et/ou le créancier de la pension alimentaire doivent informer le juge compétent de tout changement de leur situation sociale ou juridique pouvant porter atteinte à leur droit au bénéfice de la pension alimentaire dans les dix jours de sa survenance. Il notifie par voie du greffe aux services compétents tout jugement ou arrêt portant révision du montant de la pension alimentaire dans un délai maximum de quarante-huit heures à compter de leur prononcé et le trésorier de wilaya procède au recouvrement auprès des débiteurs de la pension alimentaire pour le compte du fonds de la pension alimentaire des redevances financières versées par ce dernier. Le principal ordonnateur de ce fonds est le ministère de la Solidarité nationale et de la Condition féminine». Dans son chapitre lié aux dispositions générales, il est indiqué que les ordonnances gracieuses prévues ne sont susceptibles d’aucune voie de recours, que toute fausse déclaration pour bénéficier du fonds est passible des peines de la fausse déclaration prévues par la législation en vigueur, que toute personne ayant reçu des contributions financières indues est tenue de les restituer. Comment expliquer qu’un tel dispositif ne trouve pas preneur, alors que des milliers, voire des dizaines de milliers de femmes divorcées ayant la garde d’enfants mineurs souffrent le martyre pour assurer une vie décente à leur progéniture parce que le père refuse ou est dans l’incapacité de payer la pension alimentaire ? Pour de nombreux avocats avec lesquels nous nous sommes entretenus, «il y a un manque d’information et comme une chape de plomb sur l’existence de ce fonds». Une réponse qui n’exclut pas le fait que même les avocats ne semblent pas bien informés sur ce dispositif puisqu’ils sont rares, pour ne pas dire inexistants, ceux qui accompagnent et assistent leurs mandantes dans leur quête du droit à la dignité de leurs enfants. Mieux, encore, une telle situation démontre également que les juges chargés des questions familiales n’orientent pas, ou le font exceptionnellement, les mères divorcées qui obtiennent la garde des mineurs. Les statistiques relatives aux dossiers traités par le ministère de la Solidarité en matière d’accès au fonds restent insignifiantes, alors que de l’avis de tous, le nombre des divorces prononcés au niveau des tribunaux connaît une forte progression, atteignant les 40 000 ruptures de contrat de mariage par an, avec une hausse moyenne de 7% chaque année. Visiblement, il y a un grave problème d’information autour de ce fonds, alimenté par le Trésors public. Il y a nécessité, voire urgence à rendre ce dispositif accessible à toutes les femmes qui y ouvrent droit. Une première mesure semble sur le point d’être appliquée. Il y a quelques jours, un groupe de travail interministériel (Justice et Solidarité) a été installé et chargé d’étudier et de proposer des actions pour permettre au fonds de répondre à l’objectif pour lequel il a été institué.    


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