Veillée d’armes au Sahara occidental



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Pour la première fois depuis le cessez-le-feu, il y a plus d’un quart de siècle, les capitales européennes qui suivent de près le conflit du Sahara occidental craignent que les armes se remettent à crépiter. Cette ancienne colonie espagnole ne replongerait pas pour autant dans un conflit armé généralisé, comme ce fut le cas de 1975 à 1991, mais un affrontement armé viendrait interrompre une longue trêve. Il rappellerait aussi à la communauté internationale que le contentieux, qui remonte à 1975, n’est toujours pas résolu.

L’appel, vendredi, du roi Mohamed VI du Maroc au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, est interprété par des diplomates européens comme un avertissement voilé : si la Minurso, le contingent des Nations unies, ne prend pas des « mesures urgentes » pour mettre fin aux « provocations » du Front Polisario, les Forces armées royales (FAR) s’en chargeront. Dans le communiqué publié après l’entretien téléphonique, le cabinet royal souligne d’ailleurs que les bravades des Sahraouis indépendantistes menacent le cessez-le-feu.

Une menace prise au sérieux par l’ONU

Les « provocations » dont parle le souverain consistent, explique Mhamed Khadad, coordinateur du Polisario avec la Minurso, « à ne pas laisser passer », entre le mur militaire construit par les FAR au Sahara et la douane mauritanienne, « les camions marocains qui arborent sur leur carrosserie un drapeau du Maroc ou une carte qui comprend le Sahara ». « C’est de la propagande pour l’occupation que nous n’acceptons pas », ajoute-t-il au téléphone.

Antonio Guterres a pris la chose au sérieux au point de recevoir immédiatement le représentant du Polisario à l’ONU, Ahmed Boukhari, pour l’exhorter à la retenue. Si le Conseil de Sécurité s’était lui aussi penché sérieusement, depuis la mi-août, sur la situation à Guerguerat, le Polisario et l’armée marocaine ne seraient pas aujourd’hui sur le pied de guerre.

C’est le 14 août 2016 qu’une poignée d’hommes du génie civil marocain, escortés par des gendarmes, ont traversé à Guerguerat, à la pointe sud du Sahara, le long mur construit par les FAR pour goudronner en zone tampon la piste de moins de cinq kilomètres qui sépare le rempart marocain de la douane mauritanienne.

Le Polisario s’est alors démené pour que l’ONU empêche ce qui, d’après lui, était une violation du cessez-le-feu, une incursion marocaine dans ce qu’il appelle le « territoire libéré» du Sahara occidental. Mais le Conseil de sécurité n’a pas bougé. Le mouvement indépendantiste a donc pris l’initiative et envoyé ses éléments, le 28 août, bloquer l’avancée marocaine. Le Maroc, qui venait d’entreprendre des démarches pour intégrer l’Union Africaine, a alors fait preuve de retenue. Ses hommes se sont arrêtés à 120 mètres de leurs adversaires.

Depuis, la situation s’est davantage détériorée même si la Minurso s’interpose pendant la journée -elle se retire la nuit- entre les deux ennemis.  Les Marocains n’ont pas rebroussé chemin et le Polisario s’est mis à construire en dur démontrant qu’il était venu pour y rester. Il a renvoyé aussi cette semaine deux ou trois camions marocains qui exhibaient des symboles hostiles à sa cause, selon les Sahraouis.

Sur la vidéo, un chauffeur de camion relate comment les forces armées du Polisario l’ont intercepté, sous menace et insultes, au niveau du point frontalier El Guerguerat vers l’Afrique

Tamponner les passeports

Ceux-ci laissent entendre qu’ils pourraient prendre d’autres mesures pour exercer leur autorité sur un territoire qu’ils considèrent comme le leur : fouiller les véhicules qui vont ou viennent de Mauritanie ou tamponner les passeports avec le sceau de la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Abdallah al-Bellal, chargé de la Défense de la RASD, n’a même pas exclu la fermeture du passage vers la Mauritanie lors d’une interview avec le site mauritanien « Masara ». Ce verrouillage empêcherait le Maroc d’exporter ses produits agricoles chez ses voisins du Sud.

Après avoir réintégré l’Union Africaine, le Maroc pense avoir les coudées franches pour donner enfin la réplique. Sa gendarmerie pourrait, par exemple, essayer d’escorter les camions jusqu’à la frontière mauritanienne. Le journal marocain online « Le Desk » croit savoir que Rabat soupèse la possibilité juridique d’invoquer la poursuite à chaud pour s’en prendre au Polisario à Guerguerat sous prétexte qu’il entrave le trafic frontalier. « Il ne faut pas être prophète pour prévoir ce qui se passerait si une telle initiative était prise : cela serait la guerre », annonce Mhamed Khadad.

Les deux parties semblent être tentées non par la guerre totale mais par l’affrontement armé limité du côté de Guerguerat. Le Maroc, parce-ce qu’après avoir rongé son frein, pense, depuis son accession à l’UA fin janvier, avoir les mains libres. De loin plus fort militairement, il a envie d’administrer une raclée à ceux qui l’ont défié l’empêchant, dans la pratique, d’élargir son contrôle du Sahara occidental jusqu’à la frontière mauritanienne. Seuls pourraient l’en dissuader le Conseil de Sécurité ou la France, son principal allié de poids sur la scène internationale.

Sortir le conflit de l’oubli

Même s’il était délogé de Guerguerat par la force, le Polisario y retrouverait aussi son compte. Plus encore que son prédécesseur, son nouveau chef, Brahim Ghali, cherche à sortir le conflit de l’oubli dans lequel il plongea peu après le cessez-le-feu de 1991. Il souhaite que la communauté internationale s’y intéresse à nouveau et force le Maroc à négocier, ce qu’il se refuse de faire depuis 2011 à Manhasset, dans la banlieue de New York. Reste à savoir si Alger le suivra dans cette démarche. Pour Ghali, déterrer la hache de guerre, ne serait-ce que brièvement, c’est aussi démontrer à cette jeunesse sahraouie, qui souhaite reprendre les armes, qu’il tient compte de ses aspirations.

Le Maroc ne veut plus négocier le sort de « son » Sahara. Il n’évoque même plus très souvent cette offre timide d’autonomie pour le Sahara qu’il avait formulée en 2007 et qui avait été applaudie à Paris et Madrid car ces capitales avaient aidé discrètement à la rédiger. Il table désormais, pour asseoir son contrôle sur ce grand morceau de désert, sur l’effondrement de l’Algérie frappée par une grave crise économique à cause de la chute du prix des hydrocarbures et qui n’arrive toujours pas à trouver un successeur à son président malade.

La santé fragile d’Abdelaziz Bouteflika nuit déjà à la politique étrangère de l’Algérie face à un roi marocain qui ne cesse depuis l’automne de parcourir l’Afrique. Sans une Algérie débout, il n’y aura plus de Polisario, pense-t-on plus que jamais à Rabat. C’est la deuxième fois qu’on y fait ce calcul. La première fut dans les années quatre-vingt-dix quand l’Algérie subissait les coups des groupes terroristes, mais alors, il ne s’est pas vérifié.


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