Les véhicules 100% autonomes, ce n’est pas pour demain



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Comment fonctionnent les véhicules sans chauffeur ? Et tout particulièrement leurs capteurs qui leur servent à « voir » la route… et les obstacles. Par Arnaud de La Fortelle, Mines ParisTech – PSL

En mai 2016, le constructeur automobile américain Tesla a été impliqué dans une première mondiale passablement embarrassante : un de ses Modèle S, dont le fameux système d’autopilotage (Autopilot) était activé, s’est crashé dans un camion, tuant son « conducteur ».

Dans cette affaire, les questions de responsabilité sont très complexes. Des éléments tendent à disculper Tesla, mais un fait demeure : le véhicule n’a pas réagi à la présence d’un semi-remorque en travers de la voie. Ce serait un peu comme de rater un éléphant au beau milieu d’un couloir… Comment est-ce possible ?

Le véhicule autonome existe et marche bien : des dizaines de voitures ont roulé sur des millions de kilomètres avec un taux d’accident très bas, similaire aux statistiques humaines. Mais la guerre des statistiques fait encore rage et l’exemple fatal impliquant Tesla a profondément marqué les esprits.

Comment fonctionne un véhicule autonome ? Pour le comprendre, il faut entrer un peu dans la technique et s’intéresser à ses « yeux », à savoir ses capteurs.

Le paradigme robotique

Un véhicule autonome est fondamentalement un robot, c’est-à-dire une « boucle robotique » qui répond à trois étapes : voir, décider, agir. Le robot utilise ses capteurs pour construire une représentation du monde (voir) ; en fonction de cette représentation, et de ses objectifs, le robot sélectionne des actions à mener (décider) ; à l’aide de ses actionneurs, le robot effectue ces actions (agir). Puis recommence.

Le schéma est certes un peu simpliste – il existe en réalité plusieurs boucles de commande -, mais très utile pour la réflexion.

Les trois étapes peuvent conduire à des accidents, mais nous nous concentrerons ici sur la première (voir). Avec tout d’abord cette question : que voulons-nous voir ? Tout n’est pas une réponse, mais beaucoup certainement. Notre propre intelligence du monde est en fait si intuitive – et si vaste – qu’il est difficile de se rendre compte à quel point nos robots sont primitifs. Nous voyons la route, la signalisation, les autres véhicules, les autres usagers de la route, tout l’environnement, etc. Le simple fait de voir la route et de comprendre le marquage pour savoir sur quelle voie l’on circule est encore un sujet de recherche.

Le véhicule autonome marche bien, c’est un fait, mais « bien » ne suffit pas : rater un piéton sur mille (donc un taux de détection de 99,9 % qui est aujourd’hui la limite de la technique), signifie qu’on risque d’écraser un piéton sur mille ; inacceptable (combien de piétons les voitures croisent-elles chaque jour) !

Ce que signifie « voir » pour un robot

Bien voir nécessitent deux choses : les algorithmes de perception – les yeux et le cerveau – doivent être excellents mais aussi très bien contextualisés, afin de ne pas rater les objectifs les plus importants (l’éléphant dans le couloir).

Les capteurs actuels sont les suivants : caméras, radars, ultrasons et scanners laser. Chacun a ses forces et faiblesses : le radar voir très bien les objets métalliques (et même plus) ; la caméra voit comme nous, ce qui est précieux puisque la route est conçue pour être vue ; les ultrasons sont utiles à proximité et à faible vitesse ; les scanners laser (2D ou 3D) offrent une « vision » en profondeur de l’environnement.

De nouveaux capteurs apparaissent sans cesse (caméra 3D, infrarouge, caméras multispectrales ou hyperspectrales, par exemple) sans que les principes ne changent fondamentalement : on sait avoir des données de l’environnement presque par tout temps, même si la grosse tempête de neige reste problématique.

Comment expliquer alors que les véhicules autonomes ne voient pas si bien ? Parce que l’interprétation des données – la construction de la représentation du monde – est encore trop complexe. On sait énumérer un certain nombre d’objets (route, voiture, piéton, panneau) et construire des algorithmes pour les détecter, mais on ne sait pas encore le faire assez bien.

Véhicule autonome, véhicule automatisé

Le monde est extrêmement complexe et la variété des objets qui s’y trouvent est aujourd’hui encore bien trop grande. Nos ruses pour le comprendre se retournent parfois contre nous : le crash fatal a eu lieu en dépit de caméras et de radars dont toutes les Tesla sont équipées.

L’explication qui suit n’a rien d’officiel, mais elle est techniquement crédible. La caméra était éblouie par un soleil de face et ne voyait rien. Le radar qui compensait a « vu » un gros objet métallique statique, puisque le camion passait en travers. Or l’expérience montre que la plupart des gros objets métalliques statiques dans une autoroute fluide, ce sont les panneaux au-dessus de la route : aucune raison de s’y attarder donc (on les filtre). C’est ainsi qu’on rate un éléphant…

On le comprend bien : le principal problème ne vient pas des yeux, mais du cerveau. Nous devons encore faire des progrès dans l’interprétation des données, plus précisément d’un déluge de données : avec tous les capteurs réunis, la voiture peut générer 1 Go par seconde de données capteurs. Il faut donc qu’elle puisse le faire vite et bien. C’est la raison pour laquelle certains spécialistes, dont je fais partie, pensent qu’il n’y aura pas de véhicule autonome avant longtemps, mais plutôt des véhicules automatisés.

La différence entre les deux se résume simplement : un véhicule automatisé peut conduire sur la route alors qu’un véhicule autonome doit conduire sur toutes les routes, ce qui n’est pas pour demain. Entre temps, la question du partage de la responsabilité est une question cruciale et difficile, comme toujours.

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 Par Arnaud de La Fortelle, Directeur du Centre de robotique, Mines ParisTech – PSL

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation

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