Le jeune loup de Yakourène à la conquête du parlement



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Il a la fougue de la jeunesse et déjà la lucidité militante. A 34 ans, Yassine Aïssiouane a hérité de la lourde tâche de conduire la liste du Rassemblement pour la culture et la démocratie  (RCD) de Tizi Ouzou. Un pari pas si simple pour le plus jeune des têtes de liste des législatives dans une circonscription électorale à enjeux politique majeur où la bataille pour remporter des sièges est extrêmement serrée. Bastion traditionnel des deux partis rivaux, le  RCD et le FFS, la carte politique et électorale de la Tizi a connu un éclatement depuis quelques années. D’autres partis sont venus mettre à mal l’hégémonie historique des deux formations les mieux implantées dans ce haut lieu de la lutte démocratique. C’est dans cette configuration et surtout en pleine mutation générationnelle, dont Yassine Aissiouane en est le signe d’un rajeunissement du parti, que le RCD repart à la conquête de son électorat dans cette circonscription-pivot. Figure montante du parti fondé par Saïd Sadi et d’autres compagnons de longue lutte, le jeune Loup du massif de Yakourène se dit conscient de la charge qui pèse sur ses épaules. «C’est un défi pour moi que de conduire fièrement la liste de mon parti à Tizi Ouzou. Une mission que j’assume avec gravité, sérieux et sérénité. Au RCD, la jeunesse n’est pas un slogan creux, mais une réalité», nous confie le candidat entre une émission de télé et une réunion de préparation de la campagne pour laquelle il est déjà bien rodé. Dans cette bataille, il peut compter sur l’expérience des Lila Hadj Arab, ancienne députée et figure du barreau, Mohand Arezki Hamdous ,et du vétéran Hamid Ath Saïd également. Dans ses interventions publiques, il déroule aisément le programme politique rappelant la doctrine et le long et non moins facile parcours de son parti. Une filiation politique et intellectuelle avec la première génération militante est pleinement assumée. A son âge, il a déjà son parcours dans le parti auquel il adhère dès l’âge de 18 ans. Séduit par «la philosophie, la vision, le programme et les valeurs du parti», Yassine n’a pas beaucoup hésité à faire son choix, dit-il. Mais pas seulement. La figure du chef historique du parti, Saïd Sadi, a également pesé dans son choix. «Le personnage du docteur incarnait pour moi le combat démocratique et le combat contre l’islamisme, la défense de la citoyenneté, de la cause amazighe, de la laïcité, bref le courage de faire face à un pouvoir autoritaire qui a tout confisqué, à commencer par l’indépendance nationale», couronne-t-il. En retrait de la vie partisane, Saïd Sadi doit admirer avec fierté l’évolution du trentenaire à qui il prodigue quelques conseils si besoin. Né dans une région où le fait de s’engager dans la lutte politique et citoyenne est quasi naturelle, le jeune fils de Yakourène n’a pas échappé à cette règle, d’autant plus que la période coïncide avec les événements meurtriers de Kabylie où 126 jeunes avaient été assassinés par les forces de la gendarmerie. Le lycéen connaissait bien certains jeunes parmi les victimes. C’est une douloureuse épreuve qui marque à jamais. Ce fut un moment tragiquement fondateur pour lui et pour toute une génération. Il est de cette génération de 2001 née dans la tragédie qui a sans doute renforcé en lui la conviction de l’engagement. Vingt années plus tôt, c’est celle du printemps démocratique d’Avril 1980 à laquelle il s’identifie naturellement. Son engagement politique prend forme à l’université de Tizi Ouzou où il sort ingénieur en mécanique. C’est dans ce campus universitaire que Yassine Aissiouane va se forger une âme de militant. Bastion des luttes étudiantes, l’université, qui porte le nom de l’illustre intellectuel Mouloud Mammeri, est la fabrique des militants politiques et syndicaux. De l’université, on ne sort pas seulement avec un diplôme scientifique, mais aussi et surtout avec un autre obtenu dans les luttes du mouvement étudiant. Une vieille tradition de lutte estudiantine dans ce parcours d’étudiant mène tout naturellement vers un parti. Jouant un rôle central dans la wilaya, l’université a de tout temps été le cœur des combats démocratiques, ce qui fait d’elle un enjeu pour les partis politiques. La fameuse Coordination locale des étudiants (CLE) regroupant les comités autonomes était le fer de lance des luttes politiques et sociales. Très actif, l’étudiant Aissiouane a fait ses «cours» dans cette «école» si particulière. Il sort avec un «diplôme» de maîtrise de l’inextricable mécanique politique du pays. «Les années de fac étaient déterminantes, mon engagement actif dans le mouvement étudiant accompagné d’un travail politique fait dans des batailles idéologiques a été un apprentissage politique et forgé le caractère du militant que je suis», dit-il de cette période avec un brin de nostalgie. Siéger à l’Assemblée nationale n’était pas son ambition centrale encore moins son rêve. «J’assume ma part du devoir de militant dans le parti au service d’une ambition collective», se définit la chef de file des candidats du RCD à Tizi Ouzou tout en se disant «honoré» d’être reconnu par son parti. Au Parlement, où il compte avec ses camarades en faire une tribune de «résistance, pour mieux défendre les positions du parti et surtout aider à trouver des solutions aux problèmes des populations», il y va avec une expérience d’élu local. En 2012, à l’âge de 29 ans, il est élu membre de l’APW de Tizi Ouzou. Pur produit de la lutte de terrain, à l’Assemblée national, il sera sans nul doute un trublion député.


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