Lait

Les sept péchés de la filière



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Evoluant dans un marché où la consommation est croissante, l’industrie laitière peine à suivre le rythme. Son développement bute sur un nombre important d’obstacles. Manque d’innovation, faible production et encadrement insuffisant sont autant de défis à relever par la filière. Les chercheurs Mohammed Kaci et Salah Yahiaoui nous expliquent pourquoi. 1 - Une maigre production face à un marché en volume Si la demande sur le lait et les produits laitiers est tirée par la croissance démographique, l’amélioration du niveau de vie et l’urbanisation, et les Algériens sont parmi les populations les plus consommatrices de lait, la production nationale estimée «très faible» se développe à un rythme qui ne suit pas le marché et n’arrive pas à la satisfaire. Pourtant, pour les experts, l’Algérie a toutes les capacités pour couvrir la demande et plus. «Le lait et les boissons lactées sont un marché porteur en développement. Si on investit dans ce secteur, on peut réussir», affirme Mohammed Kaci. En effet, selon l’étude, la capacité de l’industrie laitière varie entre 2,9 milliards de litres et 3,2 milliards de litres. Cette capacité se traduit par une disponibilité par habitant variant entre 72 l/an et 80 l/an. A ce lait industriel, il faut ajouter le lait autoconsommé et le lait en poudre instantanée. Seulement, en réalité, ce potentiel est sous-utilisé, car 20% des entreprises travaillent à pleine utilisation, les autres sont à moins de leur capacités. Par ailleurs, pour compenser le décalage, l’Algérie importe le déficit de la production sous forme de poudre de lait et de matières grasses. 2 - Le prix n’est pas rémunérant Pour nourrir le cheptel, assurer le contrôle vétérinaire et ainsi assurer une bonne production de lait cru, les agriculteurs producteurs ont besoin de faire un maximum de bénéfices sur les ventes de leurs produits. Cependant face au prix du lait cru, estimé non rémunérant, nombreux sont les agriculteurs producteurs qui se retrouvent dos au mur. Il est à noter que les niveaux des prix constituent, à coup sûr, une contrainte au développement de l’industrie laitière. L’équilibre financier ne peut être atteint que par l’effet volume. Cela explique les stratégies de diversification vers des produits à plus forte valeur ajoutée, comme les dérivés du lait. Et la subvention de l’Etat n’arrange pas les choses. En effet, contrairement à la Tunisie qui a libéré le prix du lait en mettant fin aux sachets et en supprimant la subvention, l’Algérie reste le seul pays qui produit encore du lait en sachet. Finalement, la subvention de l’Etat bloque le développement du lait conditionné. «Certaines familles, même aisées, préfèrent acheter le lait en sachet à 25 DA, plutôt que du lait conditionné, pensant qu’il est sûrement mieux contrôlé et contient plus de valeurs nutritionnelles.» 3 - Une économie qui ne porte pas ses fruits Si l’industrie agroalimentaire (IAA) a contribué à 57% de la production de l’industrie manufacturière en 2015, la sous-branche du lait, elle, n’y a pas joué un rôle majeur. Ce marché prend place parmi les industries à faible contribution, avec moins de 5% de la production des IAA. Ce poids tient essentiellement aux prix relatifs du lait. «L’industrie laitière enregistre le plus faible taux de valeur ajoutée des IAA. Cette structure est caractéristique d’une activité dont les produits sont peu élaborés et les prix relativement faibles. L’activité est dominée par le lait de consommation, principalement le lait pasteurisé, produit mis sur le marché à un prix subventionné et à un niveau relativement très bas», expliquent les chercheurs. En effet, l’industrie du lait se résume en trois modèles. Le premier, la production du lait pasteurisé qui est dominée par le secteur public et enregistre une faible rentabilité économique. Cette industrie marque une incapacité d’assurer l’équilibre financier que par le volume et n’arrive pas à se développer en dehors de la subvention d’exploitation de l’Etat. Suivie de l’industrie des boissons lactées, dont la rentabilité est plus satisfaisante et le marché du lait cru conditionné appelé marché de «niche», assuré par des entreprises de petite taille. Côté importation, pour couvrir son déficit en matière de production, l’Algérie importe de la poudre de lait, du lait en poudre et les matières grasses. «Ces importations sont une donnée structurelle de l’économie laitière nationale. Les facteurs liés à l’accroissement démographique et à l’urbanisation imprègnent à la demande des rythmes plus soutenus que l’offre de la production locale. Par ailleurs, les exportations du lait conditionné et des boissons lactées sont marginales, donnant à l’industrie, le profil d’importatrice nette», soulignent les spécialistes. 4 - L’encadrement technique et vétérinaire n’est pas généralisé Si certains éleveurs et producteurs de lait bénéficient d’un encadrement technique et d’un suivi vétérinaire de leur cheptel, nombreux ceux qui ne le sont pas. Cette situation intervient face à l’administration qui n’a pas les moyens de contrôler tout le potentiel du pays, ou aux agriculteurs producteurs qui choisissent de ne pas suivre la politique d’encadrement de l’Etat et préfèrent écouler leurs produits via des circuits directs. «Le rôle des chambres d’agriculture de wilaya dans l’accompagnement des éleveurs est effacé. Ces derniers sont face à une articulation insuffisante avec les laiteries, où le prix garanti du lait cru stable est largement inférieur à des coûts de production réels et continuellement croissants, ce qui explique en grande partie la préférence des éleveurs pour un écoulement de leur production par des réseaux de collecteurs non raisonnés. Il y a un grand nombre de petits collecteurs qui souvent travaillent au profit du circuit de l’autoconsommation.» Selon les experts, cela impacte la production nationale et la rentabilité du secteur. Car dans le cas contraire, en constituant un noyau important de vaches bonnes laitières, appliquant le contrôle sanitaire contre les maladies et les zoonoses et en organisant la filière, l’Algérie parviendra à améliorer la productivité, la qualité du lait collecté et par-delà l’intégration agro-industrielle. 5 - Concentration des laiteries au Nord Sur le plan géographique, il est à noter que 80% des 174 laiteries répertoriées par la base de données de l’ONIL et immatriculées au registre du commerce sont implantées au nord du pays. Alger domine avec 73%. Les wilayas des Hauts Plateaux abritent 16% des entreprises et 4% seulement se concentrent dans les régions du Sud. Ce phénomène de concentration joue un rôle important sur la distribution et la disponibilité du lait et des boissons lactées dans certaines régions à production très limitée. 6 - Immense retard côté packaging En vendant le lait pasteurisé conditionné dans des sachets en plastique, l’Algérie marque un retard pesant sur le volet conditionnement et se place loin derrière ses voisins marocains et tunisiens qui ont, depuis longtemps, supprimé les sachets en plastique. Cependant, en attendant que le secteur public suive l’exemple, les entreprises privées ont adopté des méthodes de conditionnement moderne et diversifié suivant les tendances internationales. Les types de conditionnements sont liés à la nature des produits, au mode de consommation et aux coûts des emballages. Des emballages en carton, de type tetra-pack, et des sachets multicouches sont utilisés. Par ailleurs, l’autre problème posé par l’emballage du lait et des produits lactés est l’étiquetage sans oublier l’information de l’acheteur. Selon les experts, l’étiquetage du lait et des boissons lactées vendus en Algérie n’informe pas le consommateur de la composition de la boisson, du suivi des normes internationales ou affiche carrément parfois de fausses informations. 7 - Une industrie figée, en panne d’innovation Plongées dans le souci de couvrir la demande nationale, les entreprises publiques ont coincé l’industrie laitière algérienne pendant des décennies, loin d’une réelle volonté de changer les choses. Lait en poudre, liquide, fermenté ou gélifié… on en trouve pas plus que ça sur le marché ! L’innovation au secteur de la production algérienne en lait et produits laitiers est loin de connaître son essor. En effet, l’étude «Lait et boissons lactées» affirme que la rivalité domestique contraint les entreprises à innover, à abaisser les coûts, à améliorer la qualité et les services, à investir dans des méthodes et des nouveaux produits. En d’autres termes, la rivalité oblige les entreprises à innover en permanence afin de se différencier de leurs concurrentes et répondre le mieux possible aux exigences du marché. Expliquation : «Le fait que les entreprises concurrentes parviendront un jour à copier les sources actuelles de compétitivité signifie également qu’une stratégie tournée vers l’innovation constitue une source de compétitivité plus durable qu’une stratégie axée sur l’imitation.»


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