Jeux et enjeux autour d’un projet qui n’en finit pas de finir



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«Nous importons pour 600 millions de dollars de dérivés de phosphate. C’est un minerai que nous exportons à 80 dollars/ la tonne et importons ses dérivés pour 800 dollars/tonne. Il existe un projet pour développer cette filière mais il tarde à voir le jour.» Décryptée, cette déclaration d’il y a quelques jours de Ali Bey Nasri, président de l’Association nationale des exportateurs algériens (Anexal), laisse transparaître un message interpellateur destiné à ceux qui sont derrière le blocage du fameux méga-projet d’engrais phosphatés. Dit autrement, ceux que la mise sur pied de ce pôle pétrochimique, projet vieux de plus d’une décennie, semble incommoder au plus haut point. Car, à en croire M. Nasri, ce que leur rapportent l’exportation du phosphate à l’état brut et l’importation d’engrais est loin d’être négligeable. Sinon comment peuvent s’interpréter les tergiversations persistantes à doter le pays de sa propre industrie agrochimique, alors que toutes les conditions sont réunies pour en faire un grand exportateur de produits hautement rémunérateurs? En tout cas, s’il est quelqu’un qui sait où se situe le blocage, c’est bien Ahmed Ouyahia. N’est-ce pas lui qui avait tout fait pour que le projet puisse aboutir et qui était tout fier d’écrire «…Avec sa réalisation, l’Etat entend injecter une industrialisation dans une région qui a perdu la quasi-totalité de ses installations industrielles des années soixante-dix, y créer des emplois directs et indirects, générer une synergie de développement au niveau de toute la région du nord-est du pays et enfin fournir à l’agriculture du pays un surcroît d’engrais nécessaires à sa modernisation », dans une correspondance adressée fin octobre 2008 aux ex-dirigeants de Ferphos, lorsqu’il était à la tête du gouvernement. Rebondissements et déconvenues du projet En effet, se souviennent encore ces mêmes ex-dirigeants contactés par El Watan Economie, «il existe une résolution du CPE en vertu de laquelle le projet devait officiellement être concrétisé. En 2007, nous avions obtenu l’accord du CPE pour le lancement du projet avec le pakistanais Engro en association avec des Japonais et des Koweitiens à Bouchegouf (Guelma). Une joint-venture a même été créée entre Sonatrach/Ferphos (51%) et Engro (49%). Le chef du gouvernement d’alors (Ahmed Ouyahia) avait saisi officiellement les ministères de l’Intérieur, de l’Agriculture, le wali de Guelma et le DG des forêts d’alors, leur ordonnant de mettre le terrain à la disposition du projet. Il fallait une procédure de déclassement du terrain (950 hectares) qui était du ressort exclusif du gouvernement». En 2012 déjà, tiennent-ils à rappeler, date initiale d’entrée en production de l’ensemble des lignes, trois unités de quelque 4500 tonnes/jour d’acide sulfurique, 1500 tonnes/jour d’acide phosphorique et 3000 tonnes/jour de produits intermédiaires entrant dans le processus de fabrication de l’ammoniac, prévues dont les coûts d’investissement étaient d’à peine un milliard de dollars, notre pays était en mesure de placer plus de 2 millions de tonnes d’engrais sur le marché extérieur. Capacités qui devaient générer une manne d’au moins 500 millions de dollars/an et concourir de manière significative à la diversification des exportations hors hydrocarbures ainsi qu’à la sécurisation des besoins de l›agriculture nationale en engrais, 300 000 à 400 000 tonnes/an. Nous sommes en juin 2017 et pas l’ombre d’un pas n’a été franchi pour concrétiser le projet. En témoigne, notamment : «Bien que les accords aient été signés avec nos partenaires algériens en juillet 2016, pour l’instant, nous attendons de voir comment vont évoluer les choses. Nous n’avons rien d’officiel et de concret à vous annoncer à propos du grand projet algéro-indonésien portant sur la mise sur pied entre les wilayas de Souk Ahras, Skikda et Tébessa d’une plate-forme pétrochimique qui sera spécialisée dans l’exploitation et la transformation de phosphates», nous a indiqué Al Munir Mukhtar, en marge du tout récent passage à la Chambre de commerce et d’industrie Seybouse Annaba, à Annaba de l’ambassadrice de la République d’Indonésie en Algérie, Safira Machrusah. C’est le leader Indorama, déjà présent en Afrique à travers ses usines du Sénégal et du Nigeria, qui s’avèrera, ainsi, être le énième nouvel arrivant au projet pétrochimique Oued Keberit (Souk Ahras), version 2016. Les trois désormais associés, les groupes industriels publics algériens Asmidal, Manal (Manajim El Djazaïr) et Indomara ayant, convenu de réaliser trois unités dotées de capacités théoriques de plus de 4500 tonnes/jour d’acide sulfurique, 1500 tonnes/jour d’acide phosphorique et de 3000 tonnes/jour de produits intermédiaires entrant dans le processus de fabrication de l’ammoniac, l’entrée en production effective annoncée pour 2019. En somme, devraient être transformés sur place jusqu’à cinq millions de tonnes de phosphates bruts essentiellement destinées au marché extérieur.   Valse de… partenaires S’agissant des investissements nécessaires, de 01 milliard en 2007, ils sont passés à 5,7 milliards de dollars actuellement. C’est dire qu’au fil des années, des rebondissements et des déconvenues, ce projet en a connus plus d’un. Délocalisé d’une wilaya à une autre, Jijel, Tébessa, Annaba puis Guelma, il aura d’abord parcouru un long et laborieux périple avant d’élire domicile à Oued Keberit, entre El Aouinet, à une soixantaine de km au nord de la wilaya de Tébessa et la wilaya de Souk Ahras. Aussi, outre les atermoiements interminables, c’est une valse de partenaires, issus d’horizons divers, dont il sera marqué depuis sa mise au point, voilà plus d’une décennie, à l’initiative de l’ancienne équipe dirigeante du défunt Ferphos Group (dissous en 2015). Et, les derniers à avoir quitté le bal ne sont autres que les Qataris : Avant l’arrivée, en juillet 2016, de l’indonésien Indorama, c’était, en effet, avec Qatar Petroleum International (QPI) que l’Algérie s’était officiellement associée. Toutefois, au printemps 2015, la puissante compagnie intervenant dans l’industrie pétrochimique et pétrolière avait précipitamment décidé de se retirer du projet Oued Keberit pour de prétendues raisons internes;  « une profonde opération de restructuration et de réorganisation et la révision de la stratégie d’investissement à l’étranger ». Or, en réalité les motivations seraient de toute autre nature. Si pour certaines sources pensent que « le départ de QPI était curieusement intervenu environ une année après que le Norvégien Yara, son allié traditionnel s’en fut séparé. Sans son principal partenaire Yara, QPI était persuadé qu’il lui était techniquement et technologiquement quasiment impossible de s’engager, en solo, dans un projet de l’envergure d’Oued Keberit. La perte d’un partenaire de la taille de Yara (il est présent dans 50 pays, dispose d’un savoir faire technologique mondialement reconnu, trône sur les marchés mondiaux du négoce et du fret d’engrais avec 440 000t/an de capacités de transport) auraient découragé QPI à s’engager dans la filière agrochimique en Algérie». D’autres sources imputent la reculade des qataris, à l’instar des pakistanais d’Engro, aux algériens : « Vu tous les problèmes et toutes les difficultés insurmontables  auxquels ils s’étaient heurtés, les qataris comme les pakistanais ont, en quelque sorte, été poussés à se désengager du projet et aux dessous de table, des dizaines de milliers de dollars,  qu’ils avaient du verser à leurs vis-à-vis algériens qui se reconnaîtront. Si je parle de ces deux Groupes en particulier, car il y en a eu d’autres, c’est parce qu’ils sont les seuls avec lesquels des JV avaient été officiellement scellées. Aux autres ex et nouveaux partenaires, l’Algérie, à travers les groupes industriels publics Asmidal, Manal (Manajim El Djazaïr), y est liée par de simples MoU -Memorandum of understanding- (protocoles d’accord)», nous a-t-on révélé.   La «touche» Bouchouareb Mieux, après le départ de QPI, et sous la pression des plus hautes autorités du pays, la crise financière commençait à pointer du nez, l’ancien ministre de l’Industrie, Abdessalem Bouchouareb devait mettre en branle ses réseaux de contacts personnels aux fins de dénicher un autre partenaire potentiels. Avaient, alors, été sollicités vers la fin 2015 le français Roullier, leader européen de l’agrochimie, de l’agroalimentaire ainsi que des technologies marines et le puissant Groupe russe EuroChem, qui figure dans le Top 5 des producteurs mondiaux d’engrais et dont est propriétaire l’oligarque Andrey Melnichenko. Echaudé par «les expériences malheureuses vécues par Engro et QPI » et le « manque de sérieux dont ont fait preuve nos autorités à leur égard», EuroChem aurait décliné l’offre d’association algérienne, ont indiqué nos sources. Ne sachant plus à quel saint européen se vouer, Bouchouareb et son équipe de Manal et Asmidal se sont tournés vers l’Asie; trois nouveaux accords signés, l’été 2016, avec l’indonésien Indorama. Les deux parties ayant convenu de créer une société minière entre ce même Groupe et Manal pour l’exploitation du gisement de phosphates de Bled El Hedba à Bir-Atter dans la wilaya de Tébessa. En outre, Asmidal et le nouveau « partenaire » indonésien s’étaient engagés à mettre en place une société exclusivement dédiée à la transformation de phosphates en acide phosphorique et phosphate de diammonium au niveau des deux sites industriels projetés à Oued Kebarit et Hdjar Essoud (Skikda). Annoncée pour le 2ème trimestre de l’année en cours, le démarrage des lignes de production devait générer un chiffre d’affaires d’au moins 1,7 milliards de dollars/an. Et ce, outre les « 600 M$/an attendus de l’exploitation d’un autre site industriel appelé à produire dès 2017 des engrais à partir du gaz naturel, dans le cadre d’une coentreprise associant Indorama, Asmidal et l’Office national des explosifs (Onex) », se (re) réjouissait M. Bouchouareb. Les mirages qu’il fait miroiter depuis des années, l’ancien big-boss du secteur de l’industrie et des mines semble s’y attacher. Alors que les indonésiens étaient toujours en attente d’un quelconque signe de la part de leurs interlocuteurs algériens pour être fixés sur le sort du projet les concernant, un nouvel accord de «partenariat» sera noué, mi-février 2017, entre le couple Manal-Asmidal et le saoudien Radyolla, toujours dans la filière agrochimique. Mais cette fois-ci, M Bouchouareb verra plus grand, le gigantisme sera de mise; trois contrats distincts portant sur la valorisation, l’exploitation, la transformation et la commercialisation des phosphates pour 15 milliards $ d’investissements, sois près du triple et 14 fois plus ce qui a convenu au départ avec Engro  puis avec Indorama. C’est, une fois encore peine perdue. « Je peux vous dire qu’avec l’approche actuelle, il faudra attendre 2030 ou au-delà pour parvenir à concrétiser le projet. Bien que le dernier partenaire, le saoudien Radyolla se soit engagé à se conformer au contenu du protocole d’accord le liant à notre pays, en réaction à la polémique d’il y a quelques jours consécutive aux informations relayées en sa défaveur par les médias nationaux, la transformation des phosphates en Algérie n’est pas près de se réaliser. Qu’on arrête de mentir aux algériens. Avons-nous, les infrastructures portuaires, la logistique, le rail, qu’exige le traitement, aussi bien à l’import qu’à l’export, de dizaines de millions de tonnes de produits brut ou transformés, pour ne citer que ces exemples de contraintes ? Mettre la charrue devant les bœufs relève de l’illogisme, du non-sens », tranche un ex haut cadre dirigeant de Somiphos Tébessa.


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