La mort lente de l’université algérienne



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L’accumulation de dérives inscrites dans un long processus pourrissant a conduit l’université algérienne dans un cul-de-sac. Elle est l’autre versant de l’impasse algérienne. L’université va mal. Très mal. Enfoncée dans une crise multiforme, l’état de l’université algérienne semble atteindre un seuil critique. Une régression historique. Elle est devenue au file des années un grand corps malade. Le phénomène de la violence physique qui s’empare des campus prend des proportions alarmantes. Il se greffe aux autres maux et révèle l’ampleur du désastre. L’année universitaire se termine avec un sinistre bilan. Des agressions dont font l’objet des enseignants dans les universités d’Alger, de Batna, de Bordj Bou Arréridj, de M’sila et dans d’autres campus du pays menées par des nervis au service de l’administration sonnent l’alerte. L’assassinat de l’enseignant par deux étudiants dans des conditions troubles a heurté au plus point la communauté universitaire. Une goutte qui a fait déborder le vase de la colère des enseignants. Des figures universitaires se sont saisi de ce drame pour secouer une institution détournée de sa vocation. Dans un sursaut de dignité, les Nacer Djabi, Khaola Taleb Ibrahimi, Rachid Tlemçani, Abdelkader Yefsah, Louisa Aït Hamadouche, Zoubir Arous Achour Fenni, Redouane Boudjemaâ et d’autres universitaires connus pour leur engagement intellectuel se sont rassemblés, jeudi dernier, devant le siège du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique pour crier leur indignation. Leur exaspération d’une université malmenée et réduite à l’état de l’anarchie. Soutenus par quelques acteurs politiques et de la société civiles et des députés du RCD, les indignés estiment qu’il «n’est plus possible de se taire alors que l’institution universitaire sombre dans l’abîme». «La résignation est une forme de complicité dans le crime commis contre le savoir.» Dénonçant la violence qui gangrène les campus universitaires et dont souvent les enseignants sont les victimes, les contestataires s’inquiètent plus que jamais de la mise au pas d’une institution supposée être la vigie de la société. Figure intellectuelle engagée, la linguiste Khaola Taleb Ibrahimi s’emploie avec une énergie inoxydable à résister contre la mise à mort de l’université. «Ce qui arrive à l’université algérienne me désole et me heurte profondément. Elle est détournée de sa mission. Les rapports avec la société se sont inversés. C’est la société avec toutes ses tares qui a investi l’université. Nous assistons à l’intrusion des comportements violents et totalement étrangers à l’institution universitaire. Nous devons nous dresser contre ces dérives. Nous devons nous battre massivement pour restituer à l’université algérienne ses missions fondamentales de sorte qu’elle arrive à tirer le reste de la société vers le progrès», assène-t-elle. Il faut dire que lors du sit-in d’hier, la mobilisation n’a pas été au rendez-vous. Cela n’a pas entamé la détermination des universitaires qui ressentent le besoin urgent d’engager un «débat national sur l’état des lieux de l’université et comment la sortir de son délabrement mortifère». Le sociologue Nacer Djabi, qui a récemment tiré la sonnette d’alarme en expliquant sa retraite universitaire, juge qu’en l’état actuel des choses, «il est quasi impossible de réformer l’université qui est livrée aux organisations estudiantines pourtant minoritaires mais qui font la loi dans les campus». Soumise à un contrôle bureaucratique et policier, l’université algérienne est totalement caporalisée. «Son organisation, son fonctionnement et son administration ne peuvent que mener vers la catastrophe», s’indigne Redouane Boudjemaâ. Radical dans sa critique, il dresse un tableau sombre de l’institution. «Elle est à l’image du pouvoir politique. Les recteurs, les doyens et chefs de département sont cooptés sur la base d’allégeance politique. Ils sont pour l’essentiel issus du FLN, du RND ou imposés par la présidence de la République ou le DRS. C’est devenu l’unique critère pour aspirer à des postes de responsabilité. La compétence, le parcours, la production scientifique ne sont pas les conditions requises. On a nommé des doyens alors qu’ils n’ont pas le baccalauréat», charge-t-il. De cette situation découlent toutes les dérives. Octroi de diplômes de complaisance, promotion clientéliste, instauration de privilèges, mais surtout la marginalisation des compétences et des enseignants et chercheurs à l’esprit critique et autonome. D’autres enseignants présents au rassemblement devant le ministère accusent les organisations estudiantines de «faire régner la loi de la terreur». «Elles ne se soucient guère des questions de fond, leurs préoccupations se résument à négocier par le chantage les quotas pour les postes de graduation, à se partager les privilèges et s’offrir des postes d’emploi. Elles ont un comportement de baltagia (voyous) à tel point que les doyens et les chefs de département leur obéissent», regrette une enseignante. D’évidence, l’accumulation de dérives inscrites dans un long processus pourrissant a conduit l’université algérienne dans un cul-de-sac. Elle est l’autre versant de l’impasse algérienne. Conçue pour produire du savoir et de la connaissance, préparer les élites et surtout être la locomotive des idées du progrès et d’émancipation, pour être un haut lieu de l’intelligence nationale et un terrain fertile aux idées novatrices et modernes, l’université algérienne est détournée de sa vocation. Elle fait bien pâle figure. Elle est la caricature d’elle-même. Ce n’est pas le fruit du hasard. Mais d’un choix politique consistant à faire d’elle un espace à émasculer le cerveau national. Le mal universitaire est profond, le remède ne peut qu’être radical. Il ne sert à rien de se suffire de quelques amendements. C’est tout un système qu’il convient de révolutionner. La solution n’est pas seulement entre les mains des enseignants et des étudiants, mais également dans celles de toute la société parce qu’il y va de son avenir.  


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