«Légaliser le droit au change est l’unique moyen de casser ce marché»



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- Pourquoi cette hausse de la devise au marché parallèle ? Quand a-t-elle débuté et comment s’explique-t-elle ? Cette hausse somme toute pas très prononcée fait suite à un mouvement d’inquiétude sur la valeur du dinar, qui a dû pousser quelques montants de plus sur ce marché, pour sécuriser la valeur des détentions, mais n’aura pas d’autres effets de hausse, avant la dégringolade du dinar sur le marché officiel qui suivra dans les mois à venir. Pour l’Etat, étant responsable lui-même de cet état de fait, je le vois mal, en assumer les correctifs, qui iront à l’encontre des visions et des intérêts de certains centres de décision bureaucratiques et mêmes spéculatifs. - Quelles sont les répercussions de cette situation sur l’économie ? Pour l’économie, il n’y aura pas plus de conséquences que celles qu’on voit déjà. L’économie étant un mot de trop pour designer le système d’accaparement décisionnel de la rente en Algérie ; sans Hassi Messaoud, on peut dire que le Lesotho a une économie et pas nous. - Des solutions à cette situation ? La solution est de désacraliser la devise et de ne pas en réserver l’accès aux initiés du commerce extérieur et des combines sur la facturation. Tout ce qui fait l’objet d’un monopole ou d’une interdiction d’accès entraîne un marché noir et des activités illégales. De ce fait, légaliser le droit au change est l’unique moyen de casser ce marché, mais je doute fort que l’Etat actuel accepte dans sa configuration d’emprise sur la société, en dehors des règles saines de l’économie et même de celles du droit. Je pense, sincèrement, que ce refus de vendre des devises officiellement dans les banques aux Algériens selon des besoins définis et des règles transparentes quant à l’origine des devises et des dinars qui servent à les acheter, obéit à la pression de cercles qui ont tout intérêt dans l’existence d’un seul marché, qu’ils alimentent et ponctionnent dans l’opacité et l’illégalité la plus totale, en y poussant délibérément le reste des Algériens de force, pour faire écran de fumée et boucliers humains. Sinon aucune logique économique, ni règle morale ou juridique ne justifie l’existence d’un marché dit illégal, et l’inexistence d’un autre légal, pour l’accès à la devise. Et par expérience personnelle, j’ai appris que tout ce qui ne s’explique pas logiquement, s’explique autrement. - Qu’en est-il des bureaux de change dont on a annoncé l’ouverture ? Il n’y a pas et il n’y aura jamais de bureaux de change en Algérie au sens universel du terme, tant que des intérêts sont aux commandes à la Banque d’Algérie et ailleurs. La loi prévoit que ces derniers peuvent acheter mais pas pour vendre de la devise, comme si les gens étaient des imbéciles pour vendre à 13 ce qu’ils achètent à 20. Et si tout ce beau monde a une sainte horreur du FMI, et autres instances internationales, suivis par quelques naïfs et idéologues de la guerre froide, ce n’est pas par patriotisme à fleur de peau, mais juste parce que ces genres de pratiques peu orthodoxes n’ont pas cours là où officient ces instances, mais si elles ne sont pas faites de pères Noël, elles non plus.  Au fond, le problème global de l’économie algérienne est dans la prise de position de force dans les sphères de décision, des pires échantillons de la bureaucratie médiocre des années 1980, arrivés à l’âge de la légitimation par l’ancienneté dans la nuisance confondue avec l’expérience dans l’utilité. Le problème algérien est un problème d’absence de classe politique, ce qui a laissé un vide, pour des carriéristes promus politiques par la force des choses, mais aussi des complots dont seuls les habitués des couloirs des administrations ont le secret.


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