EDITO

De Bamiyan à Ain Fouara



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En mars 2001, on s’en souvient, à la suite d’un décret du Mullah Omar, les talibans procédèrent à la destruction, à coups d’explosifs, des deux Bouddhas géants de la falaise de Bamiyan en Afghanistan. Les démarches, vaines, tentées par l’UNESCO, par diverses organisations et par plusieurs gouvernements pour dissuader les talibans d’accomplir l’acte iconoclaste, puis l’émotion presque universelle, pays musulmans y compris, exprimée devant ce qui fut considéré comme un sacrilège, ou du moins comme un acte de barbarie, firent ressortir, autant que le deuil d’une œuvre appartenant au patrimoine de l’humanité, une confrontation entre des valeurs apparemment inconciliables : condamnation des images taillées et de l’idolâtrie, d’une part, préservation, voire « culte » même de ce que l’Occident, et pas seulement l’Occident, considérait comme un bien commun, universel, de l’autre. À Sétif, au motif que toute représentation d’un visage humain serait sacrilège selon une doctrine, un barbu a également pris l’initiative de vandaliser la statue d’Ain Fouara. Le passage à l’acte fut bien préparé psychologiquement, puisqu’en 2015,  l’imam de la mosquée à Aba Dhar El-Ghifari, à El Khroub qui s'est mis à prêcher sur Aïn Fouara qui se trouve bien loin de lui, dans la bonne ville de Sétif. L'imam a tout simplement décrété, lors du prêche du vendredi, qu'il était illicite de se rendre à la fontaine de Aïn Fouara et de boire de son eau. La fontaine a été sculptée par un "infidèle" qui avait, selon lui, le perfide objectif de mettre une femme nue au "cœur de la ville des martyrs ". Car, a ajouté l’imam particulièrement vindicatif, "pour boire de son eau, il faudrait s’incliner fortement dans une attitude qui ressemble à la prosternation". Elle a été sculptée par l’artiste français, Francis de Saint Vidal, et a été achevée le 26 février 1898.  Selon une légende, la jeune femme dont il s’est servi comme modèle était une Française de Sétif. Un jour que la statue était exposée au musée du Louvre, le gouverneur militaire de Sétif tomba en extase devant elle et demanda au sculpteur de l’offrir à Sétif pour en faire une fontaine monumentale.


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