«Il faut entreprendre une nouvelle politique sur la base du physique des territoires»



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Akli Moussouni est ingénieur agronome. Il a exercé comme expert indépendant pour les programmes de coopération européenne (GTZ et DIVECO). Actuellement, il intervient pour l’encadrement des projets en relation avec les investisseurs nationaux dans l’agriculture et l’industrie agroalimentaire. Connu pour ses interventions ayant trait au développement rural, il dissèque dans l’entretien qu’il a bien voulu nous accorder les ressorts d’un éveil économique pour les collectivités territoriales. Quelles politiques envisager pour déclencher un processus de diversification de l’économie à travers les produits de terroir ? L’Algérie, qui dispose d’une lecture géographique et culturelle diversifiée, a intérêt à adopter des «chartes de pays» qui puissent permettre de fonder des stratégies fiables autour des spécificités locales. Les programmes de développement des communes doivent être élaborés sur une base territoriale au-delà des limites administratives communales d’une zone homogène. Il y a lieu de relancer ces communes par rapport aux richesses dont elles disposent, sur lesquelles peuvent être fondées des stratégies efficaces, en les accompagnant de mécanismes de gestion dite «intercommunale» qui n’existe pas dans le jargon de notre économie. Il est important de tirer les leçons de la gestion sectorielle de ces communes, contraignante pour avoir morcelé l’entreprise du développement régional, au même titre que celui de la propriété privée. C’est donc la configuration de nouvelles politiques sur la base du physique des territoires qu’il y a lieu d’entreprendre. Ce n’est qu’à ce moment qu’il est possible de déclencher l’investissement conséquent porteur de richesses et d’emplois par rapport à des créneaux cachés ou considérés secondaires. Les mécanismes d’investissement doivent favoriser la valorisation des richesses existantes et non l’inverse à travers les «porteurs de projets» dont l’activité n’est pas planifiée, tel que cela se fait de nos jours. Lesquels «projets» dans bien des cas sont mort-nés. Cette politique doit être accompagnée d’outils d’orientation pour concevoir des réseaux de commerce et des marchés à investir avec les produits du terroir. Beaucoup d’atouts mal exploités... Jusqu’à quand ? Les opportunités économiques offertes par le contexte local dont la population peut tirer profit sont nombreuses, mais qui ne sont malheureusement pas du tout ou très peu exploitées. Le nord du pays bénéficie de conditions bioclimatiques avantageuses du fait de l’intensité de la chaleur et de l’humidité, notamment dans les vallées entourées de montagnes, en particulier très favorables, par exemple au maraîchage péri-urbain, capable d’approvisionner les agglomérations en légumes frais pré-cuits et autres produits de cuisine. Un des créneaux potentiels porteur d’emploi. Les productions artisanales, mal façonnées, d’un coût excessif du fait du caractère archaïque des procédés manuels qui les ont générés ont fait que ces métiers enregistrent de plus en plus de départs des outils qui ont permis de les générer, alors qu’il est possible de les reconfigurer techniquement pour de nouveaux marchés. Globalement, les thématiques abordées par ces activités sont départagées entre le produit agricole et les savoir-faire collectifs. Aussi, le recyclage des déchets ménagers et autres résidus de la transformation pour la production d’engrais organiques et de l’alimentation animale, ainsi que l’exploitation des essences de la biodiversité pour l’industrie des cosmétiques et pharmaceutiques, etc. sont autant de créneaux qu’il y a lieu d’aborder. C’est une aberration que des milliers de jeunes filles arpentent chaque jour les rues des agglomérations à la recherche d’un hypothétique emploi, alors qu’on importe de la mayonnaise et des vinaigrettes ! C’est donc un défi humain, technique et économique qu’il y a lieu de relever progressivement pour mettre fin à contexte de sous-développement porteur de tous les dangers. La manne pétrolière n’est plus de mise, comment envisager le financement d’une telle politique ? «A faire les choses, les moyens sont le tout», disait un proverbe français. Les nouvelles technologies de l’information et de communication sont un moyen à exploiter. Les potentialités dormantes humaines et matérielles sont un autre moyen autour duquel il y a lieu créer des organisations. Rassurer le porteur de projet sur le retour sur investissement privé est un autre moyen à débloquer. Le maintien du financement de la CNAC et de l’Ansej tels qu’ils sont opérés jusqu’alors est un impair qu’il y a lieu de réorienter pour financer des toiles actives dont les agrégats sont interdépendants. Parmi les bailleurs de fonds extérieurs, on peut citer la Commission européenne à travers son mécanisme d’appui au développement des PME/PMI en termes de soutien à la formation professionnelle absolument indispensable pour la mise à niveau et le recyclage des intervenants. Le Fonds international de développement agricole (FIDA) en appui aux projets intégrés, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en termes d’études des projets pilotes, la Banque africaine de développement (BAD) en termes de financement des actions à engager, la Banque mondiale en soutien aux actions en faveur de la femme rurale, etc. sont autant de pourvoyeurs de fonds dont les quelques enveloppes octroyés à l’Algérie n’ont jamais été utilisés à bon escient ou carrément renvoyés au profit des pays tiers. Avant d’aborder le volet «financement», c’est donc la pertinence des investissements et la manière de les encadrer qui pose problème, qu’il y a lieu de maîtriser pour ne pas reproduire des semblants de programmes très coûteux pour des résultats mitigés, à l’image du «renouveau rural». Beaucoup de villages en Kabylie organisent des festivités liées aux produits du terroir pour leur promotion. Quelle lecture faites-vous de ces événements ? Ce sont des fêtes de l’espoir dans un contexte où le produit du terroir, relégué aux oubliettes, aurait pu contribuer au développement de ses fiefs. En effet, les spécificités culturelles et matérielles des régions ont été sacrifiées sur l’autel de l’«équilibre régional» à travers les programmes sectoriels destinés à améliorer le bien-être du citoyen certes, mais très limités en termes de développement local. Devant le manque de perspectives, la société, éprise d’espoir, s’organise dans une effervescence festive autour des reconnaissances collectives dont avaient bénéficié les produits du terroir. L’idée de remettre ces derniers sur la sellette du développement en tant qu’opportunité a été initiée sans compter sur le processus contre-productif du morcellement du patrimoine familial et la déperdition des pratiques d’usage de ces produits. Aussi, il s’en est suivi le lessivage des terres par l’érosion pour cause de dégradation du couvert végétal par une succession de feux de forêt. Les ressources hydriques, à leur tour, du fait de l’accumulation des périodes de sécheresse, surexploitées, sont réduites au minimum. Quant aux valeurs immatérielles de la société, elles continuent de perdurer tant bien que mal à travers un artisanat traditionnel maintenu par des métiers manuels en voie de disparition. L’organisation des villages, sous l’égide de comités auxquels, est venue se joindre depuis une quinzaine d’années à un mouvement associatif très dynamique mais non organisé autour d’actions d’ampleur pour être significatives. Ce dernier est agréé par l’administration, mais sans le renforcer avec une législation qui permettra de l’engager dans la décentralisation, pourtant incontournable. Les instances élues, sans moyens d’intervention conséquents par rapport à des exigences de plus en plus importantes de la population, sont prises en sandwich entre le tarissement des apports de l’Etat et les nouvelles exigences du citoyen. Ces communes, dépourvues de richesses, accusent une insuffisance flagrante, faisant qu’il n’est pas aisé de recommander des alternatives par rapport à leur contexte actuel. Le citoyen, quant à lui, vit soit du commerce ou de la commande de l’Etat ou de l’apport de l’immigration qui se réduisent en peau de chagrin. L’université a produit une armée de diplômés, mais dont la formation n’est pas prise en charge sur un terrain miné par des dispositifs d’emploi non engagés pour servir de toiles actives. Ces diplômés, dans la plupart des cas sans emploi, quittent le pays sans espoir de retour pour contribuer à l’économie d’autres Etats après avoir été formés à coups de milliards pour des mirages. Ironie du sort, on fait appel aux produits du terroir au moment où on les a asphyxiés pour servir à leur tour d’«oxygène» pour une nouvelle économie. Est-il possible d’envisager la construction de la filière du tourisme en tant que secteur éclaireur ? Je pense que oui. De Hassi Messaoud à Tizi Ouzou, il est temps pour l’Algérie de «changer son fusil d’épaule». Plus précisément au village Tiferdoud, par exemple, le plus haut de la Kabylie, est une symbolique que ses habitants ont érigé en citadelle capable de séduire le touriste le plus réservé. Ici, les citoyens comme dans plusieurs villages ont décidé d’agir ensemble pour le bien-être de tous. Ils ont entamé une démarche d’organisation à couper le souffle pour dépoussiérer un potentiel touristique dormant composé d’innombrables sites naturels, des vues panoramiques, une architecture spécifique et l’artisanat ancien ainsi, que des spécialités culinaires ancestrales, etc. Ces curiosités hallucinantes, l’Algérie en renferme une infinité, que peu de pays en disposent et qui peuvent être mis à profit pour construire sur une base solide une filière de tourisme particulière. C’est une démarche qui a été entamée depuis plusieurs années par l’association Amnir (guide en tamazight). Par ailleurs, dans un autre village, Ath Hamou d’Iferhounen, elle a organisé avec le comité du village le montage réel d’un circuit de randonnée doté de toutes les commodités pour lequel il y eu la formation d’une cinquantaine d’intervenants. Sans le savoir peut-être, cette action vient déclencher un processus modèle qu’il y a lieu de renforcer et de généraliser. C’est donc toute une image à vendre pour ces villages qui comptent contribuer pleinement à la construction de filières des produits du terroir pour laquelle il y a lieu de mettre en place les outils légaux. L’Algérie, de par son immensité et la diversité de ses territoires, allant de la Méditerranée au centre de l’Afrique, peut présenter au monde un catalogue pittoresque et culturel des plus enviables. M. M.


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