«Il faut soustraire l’équipe nationale aux manipulations»



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- M. Madjer, commençons par le dernier chapitre, celui de la rencontre face à l’Iran et les commentaires qui ont suivi cette sortie (défaite 1-2 concédée à Graz). Votre avis sur ce match et tout ce qui a été dit et écrit sur ce rendez-vous. Pour être franc, j’ai noté que beaucoup de réactions et commentaires étaient disproportionnés par rapport au contenu et résultat du match. Certes, l’équipe nationale a concédé une courte défaite devant un mondialiste, faut-il le rappeler, mais il n’y a pas le feu comme certains ont voulu l’accréditer aux yeux de l’opinion publique. Dans le même temps, beaucoup de grandes sélections, à l’instar de l’Argentine et du Portugal, champion d’Europe en titre, ont essuyé de lourdes défaites, 1-6 pour l’Argentine devant l’Espagne et 0-3 pour le Portugal face aux Pays-Bas. Sans qu’Argentins et Portugais ne convoquent de tribunaux populaires pour juger et condamner joueurs et sélectionneurs. J’assume la responsabilité de cette défaite contre l’Iran en tant que premier responsable technique de la sélection. Il y a eu une dramatisation disproportionnée après la défaite. Comme si l’Algérie était championne du monde en titre et qu’elle avait concédé une défaite cinglante et humiliante devant une équipe d’inter-quartiers. Dans ce que j’ai parcouru dans des articles sur ce match, je n’ai relevé aucune note positive. Le tableau a été assombri totalement sans aucune retenue. Ce n’est pas mon avis. Comme si l’équipe nationale n’avait pas le droit de perdre un match, même amical. - D’une manière générale, l’opinion sportive n’aime pas lorsque l’équipe nationale perd un match, fût-il amical. D’accord, mais il ne faut pas exagérer aussi. Où est l’humiliation de perdre par un but d’écart contre un mondialiste ? On ne gagne pas toujours en football. Parfois, on peut bien jouer mais ne pas gagner. En football, très souvent, la vérité tient à peu de choses. Dans le contexte actuel marqué par les attaques contre la personne de Madjer, l’homme, et non pas le sélectionneur, même une victoire ne m’aurait pas épargné le déluge de dénigrement que je subis depuis les premières heures de ma nomination comme sélectionneur. Je ne suis pas surpris. Mieux, j’accepte cette situation à condition qu’elle ne touche pas les joueurs et ne déteint pas sur le groupe. Des cercles font le forcing pour créer et alimenter une polémique très dangereuse, dont l’objectif est de créer la division entre les enfants d’un même pays. Mon message est le suivant. Attention, vous jouez avec le feu. Attaquez-moi avec la férocité que vous voulez, mais laissez les joueurs de côté. Ne vous servez pas d’eux dans un combat qui n’est pas le leur. Eux, ils viennent jouer en équipe nationale pour défendre les couleurs de leur pays quelle que soit l’identité du sélectionneur. Dois-je rappeler que Madjer est en poste depuis 7 mois seulement ? Mon collègue Carlos Queiroz est à la tête de l’équipe d’Iran depuis 7 ans. Je ne dis pas cela pour éluder la question, mais pour fixer le contexte de ce rendez- vous. Je saisis cette occasion pour affirmer que je ne me plains pas. Tous ceux qui sont passés avant moi à la tête de la sélection ont tous été confrontés à la même situation. J’ai suffisamment de caractère pour continuer à travailler, avancer pour atteindre les objectifs fixés par la fédération - La tâche ne s’annonce pas facile. Je le savais avant de prendre mes fonctions. L’équipe nationale est chère à tous les Algériens. Il faut juste la soustraire aux manipulations. Tout le reste est normal. C'est-à-dire les critiques, les observations, les avis et le débat contradictoire, j’y souscris complètement. - Il vous a été reproché, à juste titre, de ne pas aller à la rencontre des journalistes, d’avoir boycotté la conférence de presse lors de l’annonce de la liste des joueurs retenus pour le match face à l’Iran. Cet épisode a failli tourner au drame national parce que Madjer n’a pas tenu de conférence de presse. Ceux qui ont tout fait pour donner ce cachet à cette péripétie ont subitement perdu la mémoire. Ils n’ont pas rué dans les brancards lorsque des sélectionneurs avant moi ont boycotté des conférences de presse lors de matchs officiels. Ils ont retrouvé la voix qu’ils avaient perdue quand leurs confrères ont été interdits d’accès à des conférences de presse. Il ne faut pas se méprendre sur mes propos. Ils visent essentiellement ceux dont le credo est «tolérance zéro pour les coachs algériens». Ils se reconnaîtront. Pour les étrangers, tout était permis. Les journalistes et citoyens algériens prenaient connaissance des informations sur l’équipe nationale via des médias et supports étrangers sans provoquer de vagues. Je réaffirme ma totale disponibilité vis-à-vis des journalistes algériens. Aucune des deux parties (presse-sélectionneur) ne peut exister sans l’autre. Je réitère ce que j’ai déclaré lors de ma première conférence de presse, je suis là pour collaborer avec la presse. Je reste toujours sur cette ligne. - C'est-à-dire que le contact avec la presse sera renoué ? C’est une relation de travail normale entre deux parties appelées à collaborer ensemble pour offrir aux Algériens toutes les informations sur l’équipe nationale. Comme tous les sélectionneurs du monde, je me soumettrai à toutes les exigences et conditions liées à l’exercice de la fonction de sélectionneur et cela dans le respect mutuel et de tous les acteurs du football, dont la presse demeure une partie incontournable. Le contraire de la part des médias doit aussi être vrai. La relation ne peut pas être à sens unique. - Beaucoup d’encre a coulé sur vos choix et décisions lors du match contre l’Iran. La non-titularisation de Taider, la sortie de Hanni avant l’heure de jeu et le remplacement de Mahrez dans le dernier quart d’heure. J’ai convoqué Taider sans aucun engagement initial de ma part pour qu’il soit titulaire. C’est un joueur pour lequel j’ai beaucoup de respect et de considération. Il y a quelques semaines encore, il jouait en Italie. Durant le stage à Sidi Moussa, j’ai constaté, avec le staff technique et médical, qu’il n’était pas au niveau physique qu’on lui connaissait. J’ai fait un choix. Il n’a pas joué les deux matchs mais cela ne signifie nullement qu’il est en dehors de mes calculs. Lorsqu’il sera en possession de tous ses moyens, je ne vais pas me priver de ses services. Pour Hanni, ce n’est pas la même chose. A l’approche de la demi-heure de jeu contre l’Iran, j’avais deux options. Maintenir le même dispositif tactique, alors qu’on perdait 0-2, ou opérer un réajustement tactique qui passait obligatoirement par la sortie d’un joueur du milieu. J’ai remplacé Hanni par Benmoussa et cela m’a permis de faire glisser 4 joueurs (Ferhat, Mandi, Medjani, Bensebaini) dans l’optique de revenir au score. La suite, chacun peut se prononcer. Le remplacement de Riyad Mahrez n’est ni une insulte à son immense talent et encore moins à un manque de respect à ce grand joueur. Des parties ont exploité le remplacement de Mahrez pour en faire presqu'une affaire d’Etat. S’en est suivie bien sûr une dramatisation dont seuls les auteurs connaissent les motivations et mobiles. Ronaldo a vécu la même situation lors du Portugal-Pays-Bas sans que cela ne suscite un déchaînement de la part des commentateurs et analystes portugais. Mahrez est une valeur sûre de l’équipe nationale. Je ne suis pas fou pour me passer des services d’un si grand joueur. - Contre l’Iran, l’équipe nationale a bouclé un parcours de 5 matchs sanctionnés par 3 victoires, 1 nul, contre le Nigeria transformé en victoire sur tapis vert, et une défaite. Votre commentaire sur le parcours des Verts ? J’ai pris l’équipe nationale dans des circonstances très difficiles, marquées par une élimination de la Coupe du monde 2018, de multiples changements de sélectionneurs durant la dernière phase des éliminatoires de la Coupe du monde (Rajevac, Leekens, Alcaraz, Madjer). Les joueurs, et c’est tout à fait normal, ont mal vécu cette période. Ce sont des compétiteurs et il s’agissait de la Coupe du monde, une compétition qui fait rêver tous les joueurs du monde. Petits et grands. L’objectif principal était de remonter la pente, de sortir la tête de l’eau. Les attentes sont toujours grandes lorsqu’il s’agit de l’équipe nationale. Après 7 mois à la tête de la sélection, je crois que nous sommes sur la bonne voie, mais que le chemin sera encore long, semé d’embûches, avant d’atteindre notre objectif principal qui est de revenir au premier plan. La qualification à la CAN-2019 est le premier objectif. Atteindre le dernier carré est le second. Remporter le trophée au Cameroun figure en bonne place de nos priorités durant la période à venir. Cela demandera du temps, beaucoup d’efforts et de travail. On ne bâtit pas une grande équipe nationale en quelques mois. Nous avons alterné le bon avec de larges victoires avec une qualité de jeu qui augure d'une bonne suite, mais aussi un rendement qu’on peut améliorer. Tous les joueurs auront leur chance et ce sont les meilleurs qui seront retenus et joueront. Contre le Nigeria (1-1), j’ai aligné une équipe amoindrie par l’absence de la moitié des cadres. La période était difficile après la consommation de l’élimination de la Coupe du monde 2018. La sélection était dans le trou. Je salue au passage le professionnalisme et l’engagement des joueurs. Quelques jours plus tard, le Nigeria a écrasé l’Argentine (4-2). Il y a eu ensuite le match contre la Centrafrique, qu’on a battu avec la manière à l’occasion du retour de l’équipe nationale au stade du 5 Juillet. L’équipe nationale appartient à tous les Algériens qui ont le droit de la voir évoluer partout en Algérie. Jouer au stade du 5 Juillet ne m’a jamais fait peur. Le public, il faut le gagner en jouant bien, en remportant des matchs et ne pas le craindre. Une équipe qui a peur de son public, qui le fuit, n’ira pas loin. - Vos commentaires après les sorties contre le Rwanda, la Centrafrique et la Tanzanie n’ont pas apaisé le climat autour de l’équipe nationale. Je n’ai rien dit de mal. J’ai simplement fait remarquer, après Rwanda-Algérie (1-4) joué avec une équipe composée uniquement de locaux, que lorsqu’on ne voit pas un match (il n’était pas retransmis), il faut s’abstenir de commenter son contenu. Cela n’a pas plu à certains, mais j’ai dit ce que je pensais. La victoire contre la Centrafrique a été obtenue avec la manière. On a rétorqué que c’était une équipe faible. Les mêmes commentaires ont suivi Algérie -Tanzanie (4-1). - C’est ce que vous disiez en tant que consultant lorsque vous commentiez les matchs des Verts. Effectivement, j’ai dit à la fin du match Algérie-Tanzanie (7-0 à Blida) qu’il fallait relativiser le jugement du fait que l’adversaire n’était pas un foudre de guerre. Me suis-je trompé au sujet d’une équipe qui a encaissé 7 buts ? Pour en revenir au match du 5 Juillet, le contexte n’était pas le même. Les Verts sont à la recherche du niveau qui était le leur à l’époque du match de Blida. Mes déclarations de l’époque ont été exhibées pour m’apporter la contradiction. C’est de bonne guerre. - Quel bilan faites-vous des 7 premiers mois passés à la tête des Verts ? Je qualifie le bilan de positif, même si je suis conscient qu’on pouvait faire mieux. Nous sommes dans les temps avec la feuille de route arrêtée par le staff technique en accord avec la fédération. Les contours de la sélection se dessinent de jour en jour. Elle sera prête lors des échéances officielles. Elle a une âme. Je suis critiqué sur mes choix. C’est normal. C’est le lot de tous les sélectionneurs et entraîneurs dans le monde. Je suis optimiste et même confiant en ce qui concerne l’avenir de la sélection. Le courant passe très bien avec toute la composante de la sélection. J’ai beaucoup de respect pour les joueurs. Aucun joueur absent lors des 2 derniers matchs n’est banni de la sélection. Comme aucun de ceux qui ont fait le stage et joué contre la Tanzanie et l’Iran ne jouit du droit d’être titulaire s’il n’est pas en forme et compétitif. Je ne fermerai jamais la porte de la sélection à ceux qui le méritent. J’ai beaucoup de respect et d’estime pour les joueurs. J’ai été joueur et je sais ce que représente la sélection pour eux. Je suis un coach qui ne demandera à personne la permission de convoquer ou faire jouer un joueur. Les plus méritants seront toujours récompensés. Ensuite, j’accorde le droit à chacun d’apprécier ou non mes décisions, de les commenter. Le dernier mot revient toujours au sélectionneur. Il faut respecter ses choix et, bien sûr, les commenter ensuite. Je suis un homme qui accepte la critique. Elle fait partie du quotidien professionnel de tous les entraîneurs du monde. Madjer ne déroge pas à la règle. - Il vous est reproché, entre autres, de faire la part belle aux joueurs locaux au détriment des professionnels évoluant à l’étranger. Ceux qui propagent ce discours haineux insultent l’intelligence des supporters algériens. Pour moi, le seul point qui compte au moment d’établir la liste des sélectionnés ou de composer l’équipe c’est le niveau des joueurs, leurs qualités, leur forme, leur degré de compétitivité, la complémentarité entre les éléments et les compartiments où ils sont appelés à évoluer. Je ne fais aucune différence entre un joueur qui évolue en Algérie et un autre qui joue à l’étranger. J’étais un joueur formé en Algérie, j’ai joué à l’étranger et j’ai porté plusieurs fois le maillot de l’équipe nationale. Je ne pourrais jamais faire de différence entre deux joueurs algériens. Qui n’est pas content que des joueurs qui jouent en Algérie et d’autres qui évoluent à l’étranger forment la sélection nationale ? La dichotomie joueurs locaux- joueurs pros est un cancer que des esprits malveillants propagent à des fins qui n’ont strictement rien à voir avec le sujet et l’objet de l’heure. Tous les joueurs sont des Algériens sans aucune restriction. Les seuls points qui les départagent, ce sont la valeur, la qualité, la forme et le rendement. - On termine cet entretien sur la relation Madjer-presse. J’ai toujours entretenu de bonnes relations avec la presse algérienne. Cela date du temps où je jouais au NAHD et en équipe nationale. Durant mes deux carrières (joueur-sélectionneur) je n’ai jamais eu de problème avec les journalistes. Ma disponibilité envers eux n’a jamais été prise en défaut. Même lorsque j’ai essuyé de virulentes critiques, je n’ai jamais dévié de ma ligne de conduite. Malheureusement, le contraire n’a pas toujours été vrai. Le respect doit être mutuel et pas à sens unique. Je continue à considérer que les journalistes doivent jouir d’une totale liberté dans leurs appréciations et jugements du fait footballistique mais sans toucher à la dignité d’un homme. Les critiques, les avis contradictoires ne m’offusquent nullement quand c’est fait avec objectivité et professionnalisme. Qui peut nier que je fais l’objet, depuis des mois, d’attaques personnelles qui n’ont rien à voir avec mon rôle et ma mission ? Après ma nomination, de nombreux titres de la presse étrangère m’ont sollicité pour des entretiens. J’ai refusé. J’ai dit, mes premières sorties médiatiques seront réservées aux journalistes algériens. J’ai tenu cet engagement. Madjer restera toujours disponible pour la presse algérienne.


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