«Octobre 88 a été provoqué par le pouvoir politique»



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Pour présenter une nouvelle version du tome 1 de ses mémoires, l’ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, a organisé une conférence de presse. L’occasion pour lui de faire de nouvelles révélations sur la période durant laquelle il était aux affaires. L’ancien membre du HCE a par ailleurs tenu à démentir les rumeurs qui le donnent  partie prenante de tractations autour d’échéances électorales, affirmant son «retrait total» de la scène politique. Je n’ai été(étais) qu’un petit responsable loin d’Alger.» Lorsqu’il s’est présenté, hier devant les journalistes venus l’écouter à l’hôtel El Aurassi, Khaled Nezzar savait qu’il était attendu non pas sur le contenu de son livre mémoires qu’il vient de rééditer, mais sur l’actualité du moment et surtout sur la période durant laquelle l’homme avait assumé les charges de ministre de la Défense. Toujours aussi direct, la mémoire presque intacte, malgré ses 81 ans, le général Nezzar est intarissable de témoignages. Et après chaque «témoignage», il lance une pique. C’est le cas de cette charge contre les politiques qui «allument le feu, et nous demandent après d’éteindre le brasier». Cette situation, l’orateur – qui dit écrire ses mémoires pour donner « un angle » aux générations montantes –  l’a vécue en 1988. Le pays avait connu les pires manifestations de son histoire. Et cela, c’était la faute «du pouvoir politique». «Oui, je le dis aujourd’hui et vous allez le lire dans mon prochain livre, le pouvoir politique avait une responsabilité» dans les événements d’Octobre 1988. «Nous, militaires, étions appelés à faire face aux événements. Mais j’avais compris que ce qui faisait sortir les jeunes, c’était le désarroi, la colère», tente-t-il d’expliquer. «Ce que s’est passé en 1988 et la décennie noire n’était que la résultante des mauvais choix pris depuis l’indépendance.» Un clin d’œil à ce qui se passe aujourd’hui ? «Depuis l’indépendance, les autorités politiques, au plus haut sommet de l’Etat, ont joué sur les équilibres. Des considérations régionalistes, de connivence ou d’allégeance ont toujours primé sur la compétence. C’est pour cela que cela ne marche jamais», a-t-il indiqué. Le général connaît cependant ses limites. S’il consent à «livrer» tout sur son expérience militaire, car «je n’étais qu’un militaire», il ne veut pas s’aventurer sur les questions du présent. Il dément ainsi toute initiative visant à se mêler de la question de la succession de Abdelaziz Bouteflika. «La politique, cela ne m’intéresse pas. Je suis redevenu un simple citoyen. Comme vous, j’ai un avis, mais je n’ai plus le pouvoir», a-t-il précisé. L’homme répondait à une question qui portait sur l’information le donnant porteur d’une initiative pour proposer un «candidat du consensus» lors de la prochaine élection présidentielle. « Avez-vous des craintes pour l’avenir du pays ?» «Oui», répond le vieux général. Mais, «je m’exprime en tant que citoyen, lorsque je rencontre mes amis. Sans plus», a-t-il encore insisté. Car, «cela fait longtemps que j’ai quitté la politique. Et contrairement à certains, je l’ai fait de mon propre gré», a-t-il rappelé. Khaled Nezzar a en effet démissionné de l’armée, en 1994, à l’âge de 57 ans pour «me consacrer à ‘‘mes’’ enfants» et embrasser une nouvelle carrière d’homme d’affaires. S’il a quitté l’armée, Khaled Nezzar ne s’empêche pas de revenir sur les événements qui ont jalonné sa longue carrière. Il dit aujourd’hui qu’il a «toujours été contre» la présence de «la police politique» dans les institutions. Et c’est cette image qui a donné l’impression aux Algériens que «l’armée faisait tout». «Nous avons été mêlés à la politique malgré nous. Ce n’est pas l’armée qui avait décidé d’intégrer le comité central (du FLN, parti unique, ndlr). Nous avions nos voix comme tout le monde», a-t-il rappelé. Puis, selon lui, le rôle de l’institution militaire a été «surdimensionné» et même fantasmé. Car, même lors de la désignation de Chadli Bendjedid comme chef de l’Etat en 1979, la décision n’était prise que par «quelques officiers, Kasdi Merbah et deux autres», mais «pas par l’institution militaire». En revanche, le général Nezzar dit toujours assumer son choix d’avoir opté pour l’arrêt du processus électoral en janvier 1992. Mais là encore, le vieux général rappelle qu’il n’était qu’une voix parmi tant d’autres. «Mais, lorsque le président Chadli avait montré des hésitations, j’avais assumé mes responsabilités.» «Et j’ai la conscience tranquille. La seule chose que je regrette ce sont les morts, les blessés et les destructions de l’économie nationale», indique-t-il. Après le premier tome qui a porté sur sa carrière politique, le général Nezzar a promis de publier un nouveau livre. Intitulé Séquence politique, le nouveau tome couvrira la période de 1988 à sa démission en 1994. Il n’en dira pas plus. Mais il assure que ce qui l’a poussé à écrire des livres, «c’est le sang qui a coulé durant les années 1990».


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