Avant-projet de LFC 2018

La pression fiscale s’accentue



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Pour enrayer l’aggravation du déficit de la balance des paiements, le gouvernement a décidé d’introduire de nouvelles mesures fiscales dans une loi de finances complémentaire concoctée, nous dit-on, aux fins de répondre à l’impératif de muscler davantage le dispositif d’encadrement des importations et celui d’approvisionner les comptes de plusieurs ordonnateurs. Une taxe douanière supplémentaire provisoire sur les importations des marchandises finies fait ainsi son apparition dans l’avant-projet de loi de finances complémentaire de l’exercice en cours, dont l’application est prévue dès le 1er juillet. Certains consommables importés seront ainsi fortement taxés, soit à hauteur de 60% à 200%, selon la valeur des produits, apprend-on auprès d’une source gouvernementale. L’Exécutif justifie son impôt par l’impératif de renforcer les mesures de protection de la production nationale et réduire la charge des importations sur la balance commerciale. Il n’entend donc aucunement remettre à plat ses mesures protectionnistes introduites depuis janvier 2018 et qui avaient déclenché un tollé parmi les partenaires commerciaux du pays. Le gouvernement semble déterminé à mener à bien son projet dit d’«encadrement des importations», une condition sine qua non, selon lui, pour rétablir la viabilité des comptes extérieurs. Cette nouvelle taxe douanière dite «supplémentaire provisoire» concernera tous les produits importés, mais dont la production nationale pourrait en être un substitutif. La liste des biens et consommables concernés par cette imposition ainsi les modalités d’application de l’impôt et son recouvrement font partie des textes à publier ultérieurement. Le caractère «provisoire» de cette taxe rappelle en tout cas que le dispositif dit «d’encadrement des importations» répond à une conjoncture marquée par une forte détérioration des positions financières externes de l’Algérie. Mis en application depuis janvier dernier, ledit dispositif repose, faut-il le rappeler, sur trois piliers essentiels. Le premier porte sur des mesures à caractère tarifaire prévues par les dispositions de la loi de finances pour 2018, dont l’élargissement de la liste des marchandises soumises à la Taxe intérieure de consommation (TIC) au taux de 30%, pour 10 familles de produits finis ainsi que le relèvement des droits de douane pour 32 familles de produits finis. Quant au second, il est essentiellement à caractère quantitatif, dont la suspension provisoire à l’importation de 45 familles de produits finis et la mise en place d’un contingent quantitatif pour les véhicules automobiles. Le troisième pilier renvoie à d’autres dispositions à caractère bancaire et administratif, à l’instar de l’exigence d’une domiciliation bancaire préalable et dont la couverture financière a été portée à 120% du montant de l’opération ainsi que de divers documents relatifs à la qualité des produits importés, voire à une autorisation préalable des instances en charge du commerce extérieur. Ces mesures, destinées pour l’essentiel à alléger la charge des importations et à réduire le déficit des comptes extérieurs, ont fini par provoquer une levée de boucliers chez les partenaires européens qui y voyaient une entrave au libre échange. La partie algérienne reste sur ses positions, justifiant son arsenal de mesures par l’impératif de répondre à une conjoncture pesante, mais décide d’en rajouter une couche dans la nouvelle loi de finances complémentaire qui devrait être discutée mercredi prochain en Conseil des ministres.   Les classes moyennes, une cible privilégiée ? Outre l’institution d’une taxe douanière supplémentaire provisoire sur les importations des marchandises finies, le gouvernement a décidé de taxer la vente des produits énergétiques aux industriels ainsi que la consommation du secteur de l’énergie lui-même. Serait-ce un nouvel épisode du renoncement graduel au soutien des prix des produits énergétiques ? La hausse des prix des carburants, de l’électricité et du gaz amorcée graduellement depuis 2016 n’a pas révolutionné la position du gouvernement sur la question des subventions. Ce sont jusqu’ici de petites hausses, mettant ménages et gros consommateurs sur un pied d’égalité. Au chapitre fiscal de l’avant-projet de la LFC-2018 figurent également de nouvelles impositions non moins pesantes pour les ménages qui sont, visiblement, les premiers perdants de cette bataille contre la crise. Depuis le début de la crise, née de la décote du brent, le gouvernement s’est distingué par une offensive fiscale ciblant essentiellement les ménages, avec en première ligne les classes moyennes. Dans l’avant-projet de la LFC-2018, l’Exécutif décide d’aller puiser davantage dans le portefeuille des ménages, révisant ainsi à la hausse les droits d’examen pour l’obtention du permis de conduire et les droits de timbre pour la délivrance du permis de conduire et de la carte grise. L’article 144 de ladite loi de finances stipule que «le droit d’examen pour l’obtention d’une catégorie de permis de conduire est fixé à 200 DA» et que «la délivrance d’un permis de conduire, son renouvellement, son duplicata, la conversion de permis de conduire militaire en permis de conduire civil ou l’échange d’un permis de conduire étranger contre un permis de conduire algérien donnent lieu à la perception d’un droit de timbre de 5000 DA». Une taxe de 300 DA pour la délivrance de la licence de conduite de cyclomoteurs est également instituée. L’article 154 donne lieu, quant à lui, à une hausse considérable de la taxe sur les cartes d’immatriculation automobile (carte grise). Comme lorsqu’il s’agissait de faire avaler la hausse des droits de timbre pour la délivrance des passeports biométriques, le gouvernement a justifié ces nouvelles augmentations par le passage sous peu au permis biométrique. En outre, les catégories visées par cette offensive fiscale post-crise sont souvent les moins organisées pour opposer une quelconque résistance. Au chapitre des dépenses, le gouvernement décide au titre de la LFC-2018 d’approvisionner davantage les comptes de plusieurs ministères. Les départements qualifiés de «prioritaires», à savoir la Défense nationale, la Santé, l’Education et celui de la Jeunesse et des Sports devraient capter l’essentiel des 500 milliards de dinars que compte injecter le gouvernement dans le fonctionnement de ses institutions. Par le moyen de ladite LFC, le gouvernement veut pousser le capital privé résident et étranger à investir dans l’agriculture. Désormais, le privé national et les étrangers pourraient obtenir des concessions pour exploiter des terres agricoles relevant de domaine privé de l’Etat. Une révolution qui pourrait faire grincer des dents. En somme, dans son état embryonnaire, la LFC-2018 a une forte connotation fiscale, confirmant une tendance amorcée depuis 2016 sur fond de luttes contre les effets néfastes du contre-choc pétrolier de juin 2014.  


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