«Pour Alstom, l’Algérie est un marché important et un positionnement stratégique» 



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Rencontré à Sétif, lors de l’inauguration du tramway de cette ville des Hauts-Plateaux, le patron du groupe Alstom pour la région Afrique et Moyen-Orient nous parle, dans cette interview, de l’avenir de l’usine de montage de tramways implantée à Annaba, sur l’expérience de Cital, sur les perspectives du marché algérien ainsi que du rapprochement Alstom-Siemens.  Propos recueillis par Ali Titouche Si on vous demande de commenter la cartographie des projets d’Alstom dans la région Moyen-Orient et Afrique, que diriez-vous et quelle place allez-vous donner à l’Algérie ? Cela fait plusieurs années que nous sommes sur le marché algérien, soit depuis une trentaine d’années plus précisément. Naturellement, donc, le marché algérien a depuis toujours été un des plus importants de la région pour le groupe Alstom. L’investissement dans les projets de métro et de tramways a fait que le marché algérien devienne un des plus attrayants, même si, avons-nous constaté, il y a aujourd’hui un léger ralentissement par rapport aux années précédentes. Je fais allusion à ce petit ralentissement dans les investissements d’EMA (Entreprise du métro d’Alger) et de la SNTF (Entreprise nationale du transport ferroviaire). Assurément, il y a encore des investissements à venir dans le métro et le tramway et nous restons ainsi confiants et optimistes sur l’évolution du marché algérien. Pour Alstom, l’Algérie est un marché important oui, mais c’est aussi un positionnement stratégique pour le groupe, étant donné que nous disposons de plus de 300 personnes hautement qualifiées sur ce marché, spécialisées surtout dans la conduite des projets, l’engineering, etc. Ce sont des ressources locales que nous gardons et nous utilisons sur d’autres marchés. Nous l’avons déjà fait pour des marchés au Moyen-Orient et nous comptons aussi les utiliser sur des projets en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest. Sur ce marché, nous comptons justement dépêcher nos ressources algériennes pour manager les projets d’Alstom dans cette région d’Afrique.      Les projets de tramways lancés par l’Algérie ces dernières années ont permis à Alstom et ses partenaires d’investir dans une industrie de montage à travers une plateforme située à Annaba. Quel sera l’avenir de cette base industrielle, si les commandes venaient à baisser et/ou à se raréfier, sous le poids de la crise financière que connaît l’Algérie, voire après la réalisation des projets de tramways prévus ? Sur la partie Annaba, où nous avons un investissement dans une coentreprise avec l’EMA, la SNTF et Ferrovial, nous sommes effectivement en train de livrer les derniers trains assemblés à Annaba. Cependant, cette entreprise continuera à vivre grâce aux travaux de maintenance de tous les trains que Cital a mis sur les rails. A terme, il y aura plus de 200 trains qui passeront aux ateliers de Cital pour les besoins de maintenance. Je vous rappelle aussi que nous sommes sous-traitant de la Setram, qui est la société chargée de l’exploitation des tramways algériens pour tous les travaux de maintenance des infrastructures.    Vous voulez dire que la maintenance des tramways et des infrastructures est la future vocation de l’usine Cital ? En partie oui, mais il y a aussi le marché du métro qui promet de belles perspectives. Nous sommes en train de discuter justement avec l’Entreprise du métro d’Alger sur les perspectives de ce marché. Nous avons aussi les trains régionaux qui promettent d’autres perspectives ainsi que les trains Coradia prévus pour l’Algérie ; un dossier qui souffre malheureusement d’un petit blocage que nous espérons surmonter, car il y a un vrai besoin en trains régionaux. Nous avons bon espoir que Cital puisse reprendre cette activité, puisque nous avons préparé toute la partie industrielle nécessaire à cette activité. Nous avons le marché des 17 Coradia et nous espérons réaliser à terme les projections de 80 trains initialement faites. La SNTF est intéressée. Le ministère des Transports aussi. Donc, j’ai bon espoir que Cital puisse se développer davantage et étendre son activité industrielle aux trains Coradia. Cital a-t-elle vocation à grandir davantage et à négocier des contrats à l’étranger ? En Afrique par exemple… En effet. Nous avons le projet de la ville tunisienne Sfax comme exemple. Elle est la prochaine cible de Cital en matière d’approvisionnement en matériel roulant. Des négociations ont été menées avec des responsables de la ville de Sfax qui sont venus visiter Cital. Les études sont en cours et l’appel d’offres va sortir probablement d’ici la fin de l’année. Quel bilan pouvez-vous dresser de l’expérience Cital ? Avez-vous d’autres ambitions et/ou projets sur le marché algérien ? Nous venons d’inaugurer le tramway de Sétif après celui de Sidi Bel Abbès et de Ouargla qui sont en exploitation au niveau matériel roulant. Au niveau maintenance, vous avez le matériel roulant (48 rames) au niveau d’Alger qui est maintenu depuis 2008, Oran aussi (30 rames), Constantine (24 rames), où la maintenance du matériel roulant est assurée exclusivement par Cital qui est sous-traitant de l’exploitant Setram. Donc, l’expérience est là, les process sont de qualité et de dernière génération et nous avons bon espoir que cette expérience puisse s’exporter. Cette ambition était même à l’origine de la création de cette joint-venture. L’objectif était de rayonner sur le continent africain d’abord et d’élargir le champ de vision de Cital sur le reste de la région. Cital a investi sur beaucoup de compétences techniques depuis sa création, tant sur la base industrielle de Annaba qu’en terme de management des projets et d’engineering. Nous avons investi dans l’intégration, puisque nous avons aujourd’hui beaucoup de fournisseurs locaux. Nous avons quelque chose comme 300 références algériennes, tant au niveau de l’assemblage qu’au niveau maintenance et infrastructures. Nous avons par exemple des fournisseurs algériens sur les parties vitrage et câblage et nous sommes en train de négocier avec un autre fabriquant de cartes électroniques. Nous avons pu ainsi donner naissance à un écosystème de sous-traitants et à une base de compétences grâce au transfert technologique. Nos fournisseurs algériens peuvent également s’exporter avec nous sur d’autres projets en Afrique et/ou dans la région MENA.   Dans le monde, la baisse de compétitivité d’Alstom est-elle à l’origine du rapprochement avec Siemens ? C’est plutôt le contraire ! Vous avez le cas de GE qui a racheté la partie Power d’Alstom il y a de cela deux années, parce que le marché est en baisse et qu’il y avait un problème de charges. Le rachat d’une partie d’Alstom par GE était plus une consolidation qui s’était faite à cause du problème du marché. Avec Siemens, c’est plutôt le contraire, puisque vous avez deux compagnies qui se développent, parce que le marché est en développement. Les deux compagnies sont en bonne santé ; les résultats sont en progression. Le rapprochement des deux compagnies est une préparation de l’avenir. On se prépare pour la digitalisation, l’autonomie du transport… des défis qui nécessiteront des investissements importants, les financements et les compétences des deux compagnies. C’est une consolidation positive pour les besoins d’un positionnement stratégique sur le marché mondial.   En France, le groupe Alstom vit-il réellement de la commande publique ? Le marché français reste solide pour nous, mais il est un des marchés de la région. L’Europe, la France comprise, ne représente que 40% de l’activité d’Alstom. Les 60% restants des marchés d’Alstom sont en Asie pacifique, au Moyen-Orient, aux Etats-Unis et en Afrique. Vous pouvez ainsi constater qu’Alstom a réussi à s’implanter un peu partout dans le monde, alors que Siemens reste plutôt sur le marché européen. Mais avec cette compagnie, nous allons développer davantage la partie digitalisation et signalisation, où Siemens est un peu plus fort que nous, alors que cette compagnie va utiliser la force d’Alstom en termes de positionnement sur les marchés extérieurs.  


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