Eternels effets d’annonce des pouvoirs publics



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Comme chaque année en période de pré-Ramadhan, les pouvoirs publics multiplient les sorties pour rassurer les consommateurs sur la disponibilité des produits de large consommation, le renforcement du contrôle des prix et de la qualité sur le terrain. Que ce soit du côté du département de l’Agriculture, du développement rural et de la pêche (MADRP) ou du Commerce, les promesses portant sur un mois de jeûne clément sans flambée des prix et sans pénurie, notamment avec l’interdiction de certains produits à l’importation se multiplient. La commission mixte en charge du suivi et de la facilitation de l’approvisionnement du marché en produits de large consommation a commencé à travailler dès janvier via des réunions regroupant les représentants des ministères du Commerce et de l’Agriculture, l’Office national interprofessionnel du lait (ONIL), l’Office national des légumes et viandes (Onilev) et l’Office national interprofessionnel des céréales (OAIC), ainsi que les services des Douanes et des opérateurs économiques publics et privés. Objectif : assurer un approvisionnement régulier du marché en produits alimentaires de large consommation durant le mois sacré, notamment pour le lait, les céréales, les légumes, les fruits et les viandes. Le cap est donc mis sur la satisfaction du consommateur algérien, connaissant ses habitudes alimentaires en de telles périodes. Plan spécial Ramadhan Ainsi, pour le ministre du Commerce, Saïd Djellab, qui a réuni la semaine dernière les cadres du secteur en prévision du Ramadhan et qui a effectué ce samedi une visite sur le marché de gros des Eucalyptus, «les produits sont disponibles en quantités suffisantes et une hausse des prix sera injustifiée en ce mois sacré». Même son de cloche chez Abdelkader Bouazgui. Intervenant le 8 mai dernier lors d’une rencontre consacrée au suivi de l’application des recommandations des Assises nationales de l’agriculture, M. Bouazghi répètera ce qui se dit du côté du gouvernement à l’arrivée de chaque Ramadhan. «Toutes les mesures nécessaires ont été prises, en coordination avec les services du ministère du Commerce pour approvisionner le marché national en produits nécessaires et en quantités suffisantes afin de permettre au citoyen de passer le mois de Ramadhan dans les meilleures conditions». Mais, sur le terrain, la situation est tout autre. En dehors des aspects liés à l’hygiène dans les points de vente, les conditions de distribution et d’étalage, les prix, qui étaient abordables fin avril début mai, ont, en l’espace de quelques jours, pris l’ascenseur. Tomates, oignons, carottes et bien d’autres légumes ont vu leurs prix passer du simple au double. Cédé entre 50 et 80 DA, le kilo de tomate s’est vendu à titre illustratif la semaine dernière entre 120 e 150 DA. Cela pour dire que la spéculation est bien ancrée dans les habitudes des commerçants, au moment où la frénésie des achats s’empare des consommateurs qui prennent d’assaut les marchés pour s’approvisionner en produits nécessaires pour la préparation du repas du f’tour, mais pas seulement, puisque le Ramadhan est le mois de tous les excès pour les Algériens. La demande est donc en hausse, les prix aussi. Le ministre du Commerce ne manquera pas de soulever ce point, estimant que le consommateur demeure le principal acteur sur le marché, insistant sur l’importance d’une consommation rationnelle. Ce que ne manquera pas de noter le président de l’Association nationale des commerçants et artisans (ANCA), Hadj Tahar Boulenouar. Frénésie de consommation «Il y a une demande anarchique sur le marché. Les gens se ruent sur les espaces de vente, alors que la disponibilité existe pour les produits interdits d’importation, dont les stocks de 2017 pourraient couvrir les besoins jusqu’à la fin de l’été. Ce qui pousse les prix vers le haut. Mais la tendance va s’inverser après la première semaine du mois de carême. Et ce, d’autant que nous serons en pleine période de récolte des fruits et de légumes de saison», nous dira M. Boulenouar, pour qui c’est l’occasion pour de nombreux commerçants  véreux d’améliorer leurs recettes sur le dos des citoyens, laminés pourtant par un pouvoir d’achat en pleine érosion. Globalement, même si les consommateurs ont une part de responsabilité à travers leur comportement dans la situation qui prévaut sur le marché des produits de large consommation en cette période de l’année, il faut dire que les questions des prix, de l’organisation des marchés et de la chute du pouvoir d’achat se posent toute l’année. Or, les pouvoirs publics ne prennent en charge toutes ces problématiques que périodiquement. Ce n’est, en effet, qu’avec l’arrivée du Ramadhan que le gouvernement se rappelle de la nécessité d’organiser un marché, marqué pourtant par de nombreux dysfonctionnements, pour lesquels les rencontres et les réunions sectorielles se suivent. Mais de quelle manière est pris justement en charge ce dossier ? Via des solutions conjoncturelles. «A chaque fois que le Ramadhan arrive, on nous ressasse la même chose, comme si la consommation et l’organisation du marché s’arrêtaient à cette période. En tant que consommateurs, nous voulons que les choses soient sérieusement prises en charge toute l’année. Sinon, pourquoi nos responsables se sentent-ils obligés de rassurer ?», s’interroge une mère de famille, pour qui le problème est plus profond. «C’est la gestion de tout un secteur qui est à revoir», soutient pour sa part un autre père de famille. «Ils (les pouvoirs publics, ndlr)savent que le marché manque cruellement d’organisation. D’où ces solutions d’apaisement», estime un retraité. L’ ouverture de marchés de proximité en est l’exemple. Depuis quelques années, le gouvernement dédie des espaces de vente à travers différentes régions du pays pour la vente des produits de large consommation. Des espaces où le producteur va directement à la rencontre du consommateur sans intermédiaire, selon ce qui est prévu. Cap sur les marchés de proximité Le nombre de ces points de vente est en augmentation cette année. Il est passé à 159, contre une centaine l’année dernière. Ces marchés, dont 9 à Alger, sont opérationnels depuis samedi théoriquement, leur objectif est de couvrir les besoins des citoyens à des prix raisonnables. Pour le ministre du Commerce, c’est une manière «d’alléger la charge sur les marchés traditionnels et de contribuer à la baisse des prix». En donnant cette précision, M. Djellab reconnaît donc que les marchés traditionnels ne suffisent pas. Ce qui est justement le cas. De nombreuses localités sont dépourvues de marché. D’ailleurs, à la place des marchés de proximité, dans les régions du Sud et les zones enclavées, des caravanes se chargeront de transporter les produits de base aux habitants avec les mêmes prix appliqués ailleurs. Pour le reste de l’année, ces mêmes populations, pour la plupart démunies, payent le double voire le triple du prix réel faute de marchés locaux régulièrement approvisionnés. C’est dire l’ampleur du travail à faire dans toutes les localités. Ce que rappellera le président de l’ANCA. «Le recours aux marchés est une preuve qu’on a un déficit en marchés de proximité, nous sommes pour cette solution afin de stabiliser les prix, mais on doit réfléchir à construire d’autres structures pour combler le déficit actuel», estime M. Boulenouar. En effet, selon les chiffres de l’association, l’Algérie accuse un manque de 1000 marchés de proximité. Et dire qu’un projet présidentiel a été lancé en 2010 pour la construction de 30 marchés de gros, 800 marchés de détail et 1000 marchés de proximité. En 2017, ce chantier a atteint à peine un taux de réalisation de 30%... L’Algérie ne compte aujourd’hui qu’environ 1600 marchés entre gros (au nombre de 45), détail et proximité, alors que les besoins sont beaucoup plus importants, notamment avec l’extension des zones urbaines dans le cadre des différents projets de réalisation de logements toutes formules confondues. «On devrait avoir au moins 2000 marchés», notera M. Boulenouar, qui mettra par ailleurs en exergue le problème de l’informel. Un phénomène qui prend de l’ampleur pendant le Ramadhan, avec la multiplication des points noirs. Ce qui est également le résultat du déficit en marchés. «Mais où est le rôle des APC dans tout ça ?», s’interrogera le président de l’ANCA, avant de poursuivre : «Pourtant, les points propices à l’informel sont connus.» Des points dont certains ont été éradiqués pour réapparaître au bout de quelques jours. Les services du ministère du Commerce ont d’ailleurs relevé ce point à maintes reprises. En 2017, faut-il le rappeler, l’on a dénombré 1050 marchés informels rasés, sur les 1453 recensés en 2012. Toutefois, 85 nouveaux marchés informels sont apparus, alors que 216 ont fait leur réapparition après leur éradication. Et ce, faute justement de coordination entre les acteurs concernés par le suivi de l’opération.   Informel D’où la persistance des pratiques illégales dans un marché où beaucoup reste à faire pour venir à bout de toutes les défaillances. A l’informel et à la spéculation s’ajoutent, en effet, d’autres anomalies, à l’image de l’absence de la grande distribution, qui se limite pour l’heure aux grandes villes. Et aussi de la prolifération des intermédiaires, essentiellement sur le marché des fruits et légumes, où les producteurs et les consommateurs sont les moins favorisés dans tout ce circuit. D’un côté l’agriculteur ne tire pas grand profit de sa production, qui passe par d’innombrables mains avant d’atterrir chez les consommateurs à des prix loin d’être abordables. Ce sont les barons de l’informel qui profitent amplement d’un circuit de distribution complètement déstructuré. «L’agriculture ne saurait se développer en l’absence d’un circuit de distribution organisé et des opportunités d’exportation et une industrie manufacturière développée», a-t-il noté. Le ministre de l’Agriculture, qui a souligné que «le mois de Ramadhan est une occasion pour évaluer l’organisation des marchés des fruits et légumes et qu’il faut œuvrer à son optimisation» ; il a d’ailleurs déclaré la semaine dernière que l’agriculture ne saurait se développer en l’absence d’un circuit de distribution organisé». Mais que fait-on pour remédier à une telle situation ? Parler dans ce cas de mise en place d’agences bancaires au niveau des marchés de gros afin de recourir au paiement par chèque pour conférer davantage de transparence à la traçabilité des marchandises sur les marchés, d’un système informatique pour le suivi des indicateurs des prix au niveau des marchés de gros et de détail sur l’ensemble du territoire national, semble être une utopie.


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