Contribution – Le corruption en Algérie date des époques ottomane et française



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Par Nouredine Benferhat – La meilleure manière de cerner le phénomène de la corruption est de s’intéresser aux différentes formes de corruption et plus particulièrement à celles que la pratique régalienne du pouvoir et les solidarités claniques ont fini par banaliser, avec pour corolaire l’absence de l’éthique publique, la délégitimation de l’Etat en tant qu’incarnation de l’intérêt général.

La corruption dans notre pays date du temps des administrations ottomane et française. C’était le tribut à payer aux caïds et autres suppôts qui faisaient suer le burnous (arrag al-barnous), dont le cheikh Al-Arab était l’exécuteur, pour échapper aux spoliations et au bannissement. Les structures tribales féodales ont maintenu et légitimé cette forme de corruption. La Guerre de libération, nourrie des idéaux de justice, de solidarité et d’égalité, a établi des règle civilisées de sociabilité. La lutte de clans après l’indépendance a réveillé les atavismes, empêchant la mise en place d’une échelle du mérite et des valeurs qui aurait permis de rendre hommage aux grands hommes et aux moudjahidine en leur accordant les honneurs qu’ils méritent au lieu de banaliser leur action et leur rôle en leur octroyant des prébendes.

L’Algérie évolue alors avec deux catégories de citoyens : ceux qui ont su monnayer leur passage au FLN en exacerbant les clivages régionalistes et clanistes pour faire main basse sur le pays. Ils accaparent les résidences, pillent les biens de l’Etat, monopolisent les bourses pour leurs enfants, possèdent des écoles réservées à leurs seuls enfants, ne souffrent d’aucune pénurie, ont accès à tous les privilèges. Et puis, la masse méprisée dont des moudjahidine sans appui qui n’arrivent pas à faire prévaloir leur droit. Ceux-là sont humiliés, méprisés et subissent l’effet des perversions de ceux qui usent et abusent des privilèges. Privés des droits élémentaires, ils redécouvrent les affres de la soumission, de l’atteinte à la dignité et, pour survivre, ils sollicitent, se soumettent.

Bien qu’il n’existe aucun étalon de mesure qui permette d’apprécier l’étendue de la corruption, nous pouvons dire qu’en l’absence d’institutions et de contre-pouvoirs dissuasifs, elle s’est répandue partout, devenant la norme. Pour illustration, nous pouvons citer la loi sur la déclaration du patrimoine votée il y a plusieurs années par le défunt CNT ; elle devait traduire la volonté du pouvoir d’aller vers un assainissement de la vie publique. Les pressions de certains barons l’ont vidée de sa substance en excluant de la déclaration les biens appartenant au conjoint et aux enfants.

Quelle dérision et quelle imposture quand on sait que les hommes qui ont exercé un pouvoir – et ceci est à l’honneur de l’Algérie – sont issus de milieux modestes, que leur conjoint n’a jamais disposé de fortune et leurs enfants sont bien trop jeunes pour avoir constitué en si peu de temps un patrimoine !

Aucune réaction d’hommes politiques pour dénoncer cette parodie. Ce silence de la classe politique montre les limites quant à sa réelle intention à lutter contre ce fléau. Cette absence de transparence et la duplicité du système qui entretient la confusion entre la chose publique et les affaires privées sont la raison de la descente aux enfers vers la désocialisation d’une population atteinte dans son affect. Ne nous faisons pas d’illusions ! La démocratie et le marché libre ne sont pas toujours un remède à la corruption, le passage d’un régime autoritaire à la démocratie n’entraîne pas nécessairement le recul de la concussion. Une nation qui se démocratise sans élaborer ni appliquer les lois relatives aux conflits d’intérêts, aux abus de biens sociaux, à l’enrichissement financier et à la corruption risque de voir ses nouvelles institutions encore fragiles sapées par des aspirations à l’enrichissement personnel et soumises aux manœuvres sournoises des loups et des lobbies. Les deux chambres (APN et Conseil de la nation) sur lesquelles beaucoup d’espoir avait été fondé ont déçu par leur frilosité et par le repli sur leurs intérêts corporatistes.

Au lieu de participer à élaborer des lois en phase avec la conscience d’un peuple en attente d’équité et de justice, elles ont couvert par leur silence la gabegie et les pratiques mafieuses qui minent le développement du pays et fait douter de l’Etat. La perversion du sens du service public autorise tous les excès, une culture délétère se répand au détriment de la rigueur et de la probité, éloignant les hommes vertueux et transformant le droit du citoyen en devoir monnayable.

La corruption n’est pas un délit banal assimilable à une violation du code de la route ou à une escroquerie. Elle constitue une violation des devoirs de la charge et une négation des valeurs qui sont censées créer un système politico-administratif démocratique fondé sur l’Etat de droit : la destruction des intérêts privés et publics, le traitement égal des citoyens, le choix des hommes selon des critères de compétence, etc.

Dans sa majorité, la population est scandalisée sans pouvoir dénoncer les pratiques de certains responsables qui ont usé de leur fonction pour s’enrichir et piller le patrimoine national, elle est outrée par l’impunité dont ils continuent à profiter, comme elle abhorre les complices et les lâches qui usent d’une rhétorique moralisante pour couvrir leur vilenie.

La corruption dans un Etat de droit n’a que de rares occasions de se développer là où le fonctionnaire ou l’homme public ne peut que répondre positivement au citoyen, car les conditions requises sont réunies. La délivrance de pièces ou documents administratifs est soumise à des règles strictes qui ne laissent guère de marges d’appréciation au fonctionnaire. En revanche, la petite et grande corruption peuvent se glisser là où le décideur dispose d’un certain pouvoir discrétionnaire. Apprécier une invalidité physique qui donne lieu à une pension, choisir le meilleur contrat (l’exemple de la décision au temps de Abdelhamid Brahimi de faire avaliser par la Présidence tous les contrats de plus de dix millions de dinars), décider des projets et des crédits, choisir les hommes en dehors des critères de la compétence sont des décisions qui ne peuvent être enfermées dans des procédures quasi automatiques et laissent l’entière liberté aux hommes politiques d’agir au détriment de l’intérêt national.

Le ménage fait au sein de l’Etat ne saurait suffire si les responsabilités qui ont conduit à la désignation de ces hommes ne sont pas établies. Sans chercher à régler des comptes, la nation est en droit de demander des comptes aux responsables politiques qui détiennent le réel pouvoir. La paix exige une réforme en profondeur ; elle ne saurait se satisfaire de l’éviction de quelques lampistes.

N. B.


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