«Il ne faut pas tomber dans la banalisation de la triche ou le fatalisme»



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Dans cet entretien, la ministre de l’Education nationale, Nouria Benghabrit, parle sans filtre des conditions dans lesquelles se dérouleront les épreuves du baccalauréat, prévues dans quelques jours. La ministre est revenue sur les perturbations ayant secoué les établissements, et nous livre sa vision concernant le projet de réorganisation des examens, situant les blocages. La responsable du secteur de l’Education fait aussi le point sur les préparatifs et les mesures prises pour sécuriser l’examen. - Quelle lecture faites-vous des résultats de l’examen de fin du cycle primaire ? Je dirais que les résultats sont satisfaisants. N’oublions pas que l’année scolaire a connu des perturbations qui ont eu un impact négatif sur le climat scolaire. Même si ces perturbations n’ont touché qu’un nombre réduit d’établissements et n’ont concerné le cycle primaire que dans une infime proportion, leur effet sur le plan psychologique est indéniable. Pour ces raisons, nous nous réjouissons des résultats obtenus. Ceci m’amène tout naturellement à remercier les équipes pédagogiques et notamment les inspecteurs qui se sont mobilisés pour garantir le droit à l’enseignement aux élèves et assurer le suivi du rattrapage des cours. - Ces résultats reflètent-ils des lacunes dans l’apprentissage des matières essentielles ? Nous n’avons pas attendu les résultats de cet examen pour faire une évaluation des acquis des élèves. Nous savons exactement où se situent les lacunes à la faveur des différentes évaluations menées tant au niveau national qu’international. Au niveau national, il y a eu premièrement les deux conférences nationales d’évaluation du système éducatif en 2014 et 2015 ; deuxièmement, le questionnaire que nous avons soumis pour avis aux enseignants, via notre plateforme numérique, sur le système d’évaluation pédagogique et auquel ont répondu plus de 95% de ces enseignants (350 000 enseignants) ; troisièmement, le travail de recherche qui a été effectué durant une année entière pour recenser les erreurs récurrentes que commettent les candidats aux examens nationaux. Ce sont plus de 65 000 copies qui ont été expertisées, ce qui a permis de relever et d’analyser plus de 460 000 erreurs. Au niveau international, il y a eu : la participation de nos apprenants aux olympiades internationales de mathématiques ; au championnat de mathématiques de la jeunesse méditerranéenne et surtout au Programme international du suivi des acquis des élèves (PISA) en 2015. Le diagnostic établi, des alternatives pédagogiques ont été arrêtées pour y remédier sur la base d’un référentiel national des apprentissages, des évaluations et de la formation Marwattt. Cette alternative est une capitalisation maximale des résultats des enquêtes lancées par le ministère de l'Education, des travaux de recherche des équipes et laboratoires de recherche universitaires mais surtout le fruit d’une dynamique pluridisciplinaire et institutionnelle entre les acteurs du système éducatif et scolaire (les inspecteurs, les concepteurs de programmes, les formateurs, les concepteurs des manuels) et les institutions nationales : les ministères de la Culture et des affaires religieuses, le Haut Conseil de la langue arabe, le Haut Conseil de la langue amazighe… - Il y a un consensus sur la nécessité de la suppression de cet examen et les recommandations de la conférence nationale sur l’évaluation de la réforme l’attestent. Qu’est-ce qui bloque cette mesure ? Le consensus exprimé est celui de la nécessaire révision de son mode d’organisation. Un premier pas a déjà été fait, celui du maintien des élèves dans leur propre établissement afin de pallier à la dimension de stress lié au déplacement de ces derniers dans de nouveaux sites. - Le baccalauréat se déroulera dans quelques jours. La grève du Cnapeste a-t-elle influé sur les conditions dans lesquelles se dérouleront les épreuves ? Il est tout à fait clair que la suspension de la scolarité des élèves, quelle que soit la légitimité ou non des raisons invoquées, ne peut qu’affecter les apprenants et perturbe le processus d’apprentissage. Ce genre de situation est générateur d’inégalités, que nous combattons. Elle porte préjudice au principe d’équité qui est l’un des fondements de notre système scolaire. Ceux qui ont les moyens ont recours aux cours payants, dont les tarifs en période de perturbation de la scolarité connaissent une hausse importante, et ceux qui n’en ont pas accumulent les retards. Il faudrait véritablement un sursaut de conscience et de mobilisation positive pour que – tous ensemble – nous puissions travailler d’abord à la régularité de la scolarité, sans laquelle nous ne pouvons exiger de bons résultats des élèves et un meilleur positionnement de l’école algérienne dans les classements internationaux. Ceci étant dit, toutes les mesures ont été prises par le ministère de l’Education nationale (MEN) afin d’assurer la continuité des cours. Il y a eu, d’abord, toutes les mesures organisationnelles : encadrement et accompagnement des établissements concernés par les perturbations, par le biais des collèges inspectoraux qui sont chargés de mobiliser les inspecteurs afin d’accompagner les enseignants ; laisser les portes des établissements ouvertes devant tout enseignant désireux de donner des cours de soutien et permettre aux élèves de réviser en groupes, les mardis après-midi et les samedis matin ; exploitation de la première semaine des vacances de printemps ; impulser le rôle des parents et les sensibiliser quant à la nécessité d’accompagner et de suivre l’assiduité de leurs enfants. Et puis, il y a eu toute une batterie de mesures d’ordre pédagogique : réaménagement des emplois du temps (temps scolaire) pour une utilisation optimale ; réajustement des plans et les progressions annuels (régulation) ; mise à la disposition des élèves des classes de terminale des comptes électroniques leur permettant d’accéder à la plateforme pédagogique de l’Office national d’enseignement et de formation à distance… Toutes ces mesures nous ont permis de rattraper le retard enregistré. Tout le programme a pu être achevé. De plus, la programmation de l’examen après le mois de Ramadhan conformément au souhait de la majorité des candidats, qui ont exprimé librement leur choix à la faveur de la consultation lancée par le MEN sur le sujet, donnera plus de temps aux candidats pour les révisions et leur permettra de passer leur examen dans de meilleures dispositions. Pour notre part, nous avons pris, avec les secteurs concernés, toutes les mesures leur permettant de concourir dans de bonnes conditions. - Pensez-vous que le plan de rattrapage a effacé toutes les conséquences de ce débrayage ? Les effets psychologiques, avant tout, sont indéniables. Mais, je pense sincèrement qu’aucun travers ne peut saper la détermination de réussir que peut avoir un candidat. Le travail paie toujours. En tout cas, nous sommes optimistes et nous souhaitons bonne chance à tous les candidats. - La fuite des sujets constitue la hantise de toute la communauté éducative. Le «partage» des sujets de la 5e et du BEM sur les réseaux sociaux quelques minutes après le début des épreuves montre-t-il une défaillance du dispositif de sécurisation des examens ? Risque-t-on de revoir le même scénario au bac ? Tout d’abord, je tiens à préciser qu’il ne s’agit pas de fuites puisqu'aucun sujet n’est sorti avant le début des épreuves. Il ne faudrait pas faire d’amalgame. Pour ce qui est du «partage», pour reprendre vos propos, c’est un phénomène que beaucoup de pays à travers le monde connaissent compte tenu des avancées spectaculaires des technologies de communication. Néanmoins, chaque année nous essayons de nous perfectionner au mieux en tirant les enseignements des événements passés. Les enjeux exigent que nous nous adaptions sans cesse pour garantir l’égalité des chances à tous. Cela n'empêche pas qu’il faille accomplir un travail important en matière de moralisation de la vie scolaire, notamment des examens scolaires nationaux. Toute la société doit se mobiliser pour bannir de tels comportements. Il ne faudrait surtout pas tomber dans la banalisation ou le fatalisme. Si nous avons pris nos dispositions pour garantir la sécurité et donc, la crédibilité de nos examens nationaux, j’en appelle à la réaction, à la dénonciation, à une prise de position contre les actes isolés qui tendent à porter préjudice à la sérénité des examens nationaux. - Des observateurs considèrent que l’objectif derrière la diffusion des sujets est de discréditer le baccalauréat et vous inciter à quitter votre poste. Qu’en pensez-vous ? Au-delà de toutes les lectures faites, une chose est sûre, de tels actes nuisent à l’image du pays et, même plus grave, ils peuvent attenter à sa stabilité au regard du contexte géopolitique prévalant dans la région et tant la place de cet examen est grande dans les représentations sociales. - Vous avez tenté à plusieurs reprises depuis votre prise de fonction la «refonte» du baccalauréat. qu’est-ce qui bloque ce projet ? D’emblée, permettez-moi de préciser qu’il ne s’agit pas d’une refonte, mais d’une réorganisation. Vous savez, l’examen du baccalauréat revêt un tel degré d’importance aux yeux de la société que toute proposition de réaménagement exige un niveau élevé de maturation et un consensus au sein de la communauté éducative. Le réaménagement proposé repose sur le principe d’intégration du contrôle continu à partir de la 2e AS qui valorise le travail durant toute l’année. En plus d’encourager la continuité dans l’effort, la prise en compte de cette option permettrait de lutter contre un phénomène qui s’est installé depuis quelques années maintenant et qui consiste à déserter les lycées dès la fin du 2e trimestre. Cette dérive est dangereuse car l’élève quitte le lycée appauvri de compétences essentielles. Son profil de sortie du cycle secondaire se trouve ainsi tronqué. La réorganisation du bac, telle qu’elle a été débattue avec les partenaires sociaux, permettait de passer à un bac de cinq jours à trois jours car le candidat ne passera en épreuves écrites, durant l’examen, que les matières qui font la spécificité de sa filière. Le reste des matières sera évalué en contrôle continu. Donc, toutes les matières seront prises en compte à la différence que certaines le seront dans le cadre du contrôle continu, d’autres, qui constituent «l’empreinte identitaire» de la filière en quelque sorte, le seront lors de l’examen du baccalauréat. La société est unanime à dire que le baccalauréat tel qu’il est actuellement est très lourd aussi bien pour les finances publiques que pour le candidat. La dernière mouture du projet sera représentée aux partenaires sociaux qui l’ont réclamée, à juste titre, puisqu’ils ont été associés au débat sur la question. Une fois le projet approuvé par l’ensemble des partenaires, il sera de nouveau présenté au gouvernement. - La révision des coefficients des matières scientifiques dans le moyen et le secondaire et l'allégement des programmes — des recommandations des experts du secteur — n’arrivent pas à voir le jour sur le terrain. Avez-vous les mains liées concernant la définition des matières secondaires ? Où se situe le blocage ? Le cycle sur lequel nous travaillons jusqu’à aujourd’hui c’est d’abord celui du cycle obligatoire à savoir, le primaire et le moyen. La priorité c’était l’actualisation des programmes du cycle obligatoire et les mettre en conformité avec la loi d’orientation de l’éducation nationale, le système d’évaluation et la formation. - Ne pensez-vous pas que le dialogue avec le partenaire social (parents d’élèves, syndicats) a échoué concernant les réformes avancées ? Pas du tout. Les partenaires sociaux sont associés à la réflexion sur plusieurs sujets d’importance dans le cadre de commissions mixtes : règlement intérieur des établissements scolaires, rythmes scolaires, problématique des ratios professeurs principaux, formateur/établissement, œuvres sociales… Plusieurs dossiers ont ainsi été enrichis et finalisés. Nous considérons le partenaire social véritablement comme une force de proposition. - Les parents d’élèves soulèvent des préoccupations concernant les écoles privées. Leur gestion vous échappe-t-elle ? Cette année, le nombre total des établissements privés d’éducation et d’enseignement est de 380, répartis sur 27 wilayas. Soit un taux d’un peu plus de 1%, par rapport au nombre d’établissements scolaires publics. Dès lors, on comprend très vite que le nombre d’élèves qui fréquentent les établissements privés est infime, comparé à celui des établissements publics. Ceci étant dit, nous encourageons l’investissement dans le secteur de l’éducation, car cela répond à une vraie demande sociale. Toutes les initiatives à même de multiplier les chances de scolarisation de nos enfants sont les bienvenues. La diversification de l’offre éducative peut être considérée comme une valeur ajoutée à charge pour nous, ministère de l’Education nationale, d’assurer le suivi et le contrôle nécessaires. Une commission travaille sur l’amélioration des cahiers des charges d’agrément et l’amélioration des modalités de suivi et de contrôle. - Quelles sont les mesures que votre département compte mettre en place pour améliorer les conditions de déroulement du baccalauréat dans quelques jours ? Tout ce que je peux vous dire, c’est que l’Etat a mobilisé toutes les ressources nécessaires pour assurer le bon déroulement des examens nationaux, dont le baccalauréat. Pour le MEN, la préparation des examens nationaux commence au lendemain de la rentrée scolaire. C’est, maintenant, un processus bien huilé que nous améliorons sans cesse pour être au diapason des nouveautés. Je peux rassurer d’ores et déjà les candidats que toutes les mesures ont été prises pour qu’ils puissent concourir dans de bonnes conditions. L’intérêt de nos élèves est une préoccupation majeure. - Qu’en sera-t-il des candidats du Sud ? Même si le contexte est différent, nous préférons parler de candidats tout court. L’examen du baccalauréat est un examen national, et assurer les meilleures conditions à nos candidats, tous nos candidats, est au cœur de nos préoccupations. Il s’agit d’une question d’équité, l’un des principes fondateurs du système éducatif national. A titre d’exemple, des mesures seront prises à l’échelle locale pour assurer la continuité de la climatisation en cas de forte hausse des températures.    


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