« Créer des ponts interculturels à l’intérieur de l’Algérie »



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La chanteuse Amel Zen était de passage à Montréal la semaine dernière. Elle y a donné un concert pour la Grande fête Québec Maghreb dans le cadre du Festival des Week-Ends du monde qui se tiennent chaque été dans la métropole canadienne. Invitée par l’organisme Festitam et soutenue par l’AARC, elle a répondu aux questions d’El Watan où elle annonce notamment la sortie prochaine de son deuxième album.

Comment êtes-vous venue à la musique?

Ma relation avec la musique a commencé vers l’âge de 10 ans quand j’ai intégré l’Association Al Kaissaria de musique andalouse à Cherchell. Bien sûr, avant, je cassais la baraque en chantant à la maison !

En 2002 quand j’ai commencé mes études d’architecture à Ecole Polytechnique d’architecture et d’urbanisme (l’EPAU d’Alger), je ne pouvais plus continuer à aller à l’association. Mais pour moi, il n’était pas question d’arrêter ma passion.

J’ai alors intégré l’orchestre d’Alger et l’Orchestre National de Musique Andalouse algérienne en même temps. Je passais mes journées à l’école et je répétais par la suite.

En 2007, après avoir obtenu mon diplôme d’architecte, j’ai fait le casting de la première édition d’Alhane oua Chabab. Je suis arrivée au septième prime. Ca m’avait permis d’accéder au milieu de l’art et de la télévision. Si j’avais à capitaliser cette belle expérience, je dirais qu’elle m’ révélée au public.

A ce moment-là, les médias ont commencé à s’intéresser à vous?

Les journaux se sont intéressés à l’émission. Il a fallu que je travaille et que je produise un album pour qu’ils s’intéressent à moi !

Juste après l’émission, j’ai commencé à travailler en tant qu’architecte tout en continuant à faire de la musique. Je me produisais et j’ai été programmé dans plusieurs événements.

Les cachets me permettaient d’économiser. En fait, c’est l’architecture qui a financé ma musique ! Ainsi, J’ai pu enregistrer mon album et le sortir en 2013.

En 2015, la musique a pris le dessus et j’ai tout lâché pour elle ! Il fallait faire un choix si je voulais devenir professionnelle. Ce n’est pas un coup de tête je savais qu’à un moment, j’allais le faire c’était juste une question de temps.

Est-ce que c’était risqué, financièrement, pour vous?

Oui je suis sortie de ma zone de confort financière, si on peut dire. Il fallait aller chercher les opportunités autrement. Je travaille au service de ma passion comme une chef d’entreprise !

C’est la passion mais aussi je crois en mon projet. Pour moi la musique n’est pas une porte de sortie parce que j’ai échoué dans la vie.

Au contraire j’ai lâché ce qu’on appelle chez nous une assurance pour aller vivre d’une passion risquée dans un pays où on ne peut pas vivre de son art mais c’est un triple challenge et moi j’adore les challenges.

Une chose est sûre, en 3 ans, j’ai produit plus que ce que j’avais fait en 7 ans. C’est ça l’avantage.

Etiez-vous devant un dilemme?

J’avais compris que pour réussir il faut choisir. Il faut se focaliser sur son objectif. On ne peut pas réussir un projet si on n’est pas à 100 % dedans, si on est fractionné en plusieurs morceaux…il n’aboutira pas surtout en musique.

La musique est égoïste elle te veut que pour elle. Mais aussi généreuse parce qu’elle donne beaucoup d’amour et d’espoir aux gens.

En quelque sorte elle est égoïste envers l’artiste mais généreuse envers le public. Mais en même temps dans le processus de création, il y a beaucoup d’euphorie, de satisfaction et d’émotions que ne peut sentir que l’artiste créateur. Ceci personne ne peut connaître…

Et ce n’est pas juste en studio, il y a aussi la scène avec l’énergie du public.. une osmose… Il se passe quelque chose de particulier … On est connecté à une énergie spirituelle au-delà de ce qui se passe dans l’espace …presque une autre dimension. C’est un voyage qui n’est pas permis à tout le monde.

Comment est né votre premier album?

C’est un album éponyme, Amel Zen. J’ai écrit et composé ses chansons. Je me suis faite plaisir.

Il a été inspiré par mon vécu. Après Alhane Oua Chabab, j’avais besoin d’affirmer mon identité, ma couleur artistique. Je n’allais pas vivre dans les reprises. J’étais dans le questionnement pendant les 5 ans après l’émission. J’ai toujours voulu écrire mais pas forcément le déclic.

J’ai lancé mon premier single Mafikche Ennya en 2011. C’est une expérience personnelle qui m’a poussée à son écriture et à sa composition. Et en 2012, je suis entrée en studio. L’album tournait autour de l’enfance, l’identité, l’amour, le ras-le-bol, la recherche de l’équilibre…

Il y a un deuxième album en route. Pouvez-vous nous en parler?

Mon deuxième album devrait être prêt d’ici novembre. On est à un peu plus de 70%. Je l’ai pensé pour créer des ponts interculturels à l’intérieur de l’Algérie et au-delà. Il contient mes influences et comment je vois aujourd’hui la pluralité dans la société algérienne.

C’est un choix. L’Algérie doit s’ouvrir sur le monde qui est global même si on parle beaucoup de frontières, de migrants…J’ai envie de dire que la musique et l’art peuvent vraiment créer des ponts entre les humains, ce dont est parfois incapable la politique.

Qu’est ce qui va caractériser ce deuxième album?

Ça fait plusieurs années que je le prépare. Depuis la sortie du 1er pour être plus précise. Il fallait lui créer une identité sonore qui a commencé avec Tlata dans l’arrangement et le choix du son et qui s’est développé sur l’album – Tlata est un ancien texte de Melhoune de cheikh Mohamed El Nejjar, Tlata zahoua ou mraha – les trois passions.

Les sujets qui y sont abordés sont d’actualité : sociétal, la femme, mon Algérie à moi, la tolérance….

Donc il rejoint aussi en quelque sorte l’actualité, si on pense à l’agression de la jeune joggeuse…

Cette agression est due en premier lieu à une violence. Dans la tête de celui qui l’a agressée, la femme n’a pas le droit d’occuper l’espace public c’est comme s’il réduisait la place de la femme à la cuisine.

Et c’est l’idéologie misogyne, obscurantiste qui l’a poussé à l’acte violent…je n’adhère pas à la thèse de la folie de l’agresseur et qu’on exagère. L’éducation qu’il a reçue veut que la femme rentre dans un moule fixe et doit obéir à des critères bien établis.

Cette éducation lui donne le droit d’agir sur la femme. C’est un problème qui touche aux libertés individuelles et ne concerne pas que la femme.

On est dans une société avec des mécanismes traditionaliste et extrémiste finalement. Je ne dis pas que toute la société fonctionne comme ça. Je dois préciser parce qu’on fait trop de raccourcis.

Quand j’ai dénoncé l’agression, ma vidéo s’est retrouvée sur plusieurs sites où on m’est tombé dessus. On y disait que j’incitais les femmes à sortir de leurs cuisines!

En même temps, il ne faut pas oublier qu’il y avait aussi des hommes qui sont sortis dénoncer cette agression.

On ne peut pas finir sans parler de votre hommage à Lounes Matoub sur votre page Facebook. Qu’est-ce qui vous a poussé à le faire?

J’ai beaucoup de respect pour Matoub. Il était dévoué au point de mourir pour ses idées. Son engagement, son authenticité et son rêve d’une Algérie libre et plurielle … forcent le respect. Matoub a mené un combat pour tous les Algériens.

En plus, la revendication amazighe est légitime. Il est tout à fait normal qu’on revendique son histoire, son identité marginalisée. On m’a posé la question sur la légitimité de continuer d’en parler après l’officialisation de Tamazight ?

L’officialisation est certes une première victoire après un long combat. Elle n’est pas venue comme ça. Il y a eu du militantisme, des gens sont allés en prison, il y a eu le printemps berbère. Ce n’est pas venu sur un plateau d’argent.

Maintenant, il faut mettre les moyens humains et matériels pour sa généralisation aux institutions de l’État, à l’école etc. Il faut arriver au point où tous les Algériens disent qu’elle leur appartient.

 

Samir Ben, Montréal


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