«Personne ne peut savoir ce que l’armée et le DSS peuvent décider en dernier recours»



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Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques. Il est enseignant en relations internationales et chercheur associé dans plusieurs universités et centres de recherche (université libre de Bruxelles, université de Montréal et le Centre Jacques Berque à Rabat).

Il est spécialiste du Maghreb, du Moyen-Orient et des questions euro-méditerranéennes. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, il revient sur le livre biographique qu’il a consacré à Ali Benflis, candidat potentiel à la présidentielle de 2019.

Comment vous est venue l’idée d’écrire une biographie sur Ali Benflis ?

Après un travail de terrain d’un an sur la mémoire de la guerre d’Algérie chez les jeunes Français, mais également en Algérie où je me suis rendu, j’ai plongé indirectement dans la vie politique algérienne et l’histoire qui sont profondément liées.

Spécialiste du Maghreb, des processus de transition et des relations euro-arabes, j’ai discuté avec plusieurs amis sur la situation actuelle dans ce pays et l’enjeu de l’élection de 2019.

A l’époque, la question du 5e mandat ne se posait pas encore aussi clairement. Au milieu de la galaxie de prétendants, j’ai voulu réfléchir sur le souhait des personnes que j’ai rencontrées d’une possibilité d’une transition en douceur, qui serait incarnée par un homme mûr, avec l’expérience et le recul. J’ai découvert qu’aucun livre n’avait encore été écrit sur la vie de Ali Benflis.

Après m’être largement informé et renseigné, je me suis rendu compte que ce pouvait être intéressant d’écrire sur lui. Mon éditeur étant spécialisé sur l’Algérie mais pas seulement, cela tombait à point nommé. Dresser le portrait d’un homme qui n’a pas passé plus de cinq ans au pouvoir, qui n’est pas issu du sérail, qui a œuvré pour les droits de l’homme et qui tente de se construire une posture internationale au cas où.

Vous ne l’avez pas interviewé personnellement, est-ce un choix ?

Oui, c’est un choix, car je voulais avoir de la distance. Un peu comme les spécialistes du Moyen Age qui n’ont jamais connu la période, je voulais être à distance de mon objet. Et puis, il n’est pas facile de travailler sur le sujet sans pression ou difficultés. Ainsi, j’étais prêt pour travailler. Depuis la publication du livre, j’ai eu quelques retours positifs de la part de son entourage, c’est tout.

Le livre est plutôt à décharge. Quels sont, à votre avis, les principaux atouts de l’ancien chef de gouvernement en tant que candidat potentiel à la présidentielle 2019 ?

Partant d’un constat sur la situation actuelle en Algérie, qui a complètement disparu des écrans radars de la communauté internationale, alors que c’est un pays avec un potentiel incroyable, une société dynamique, qui rêve de liberté et d’ouverture, je me suis mis à imaginer si la personnalité et le parcours de Ali Benflis pouvaient représenter une option pour 2019.

Je n’ai pas écrit que d’autres candidats ne tenaient pas la route, mais je pense que dans le contexte extrêmement tendu régional et national, il faut quelqu’un au-dessus de la mêlée.

A l’image d’un Essebsi en Tunisie, malgré les critiques et les défauts, certains personnages sont faits pour incarner la transition. Benflis a l’expérience, le parcours, l’âge de la maturité mais aussi l’âge qui ne peut l’inscrire dans une volonté éternelle de pouvoir.

On peut citer en outre son rapport particulier aux droits de l’homme, son intégrité, la force de son parti Talaie El Hourriyet, sa recherche de l’intérêt général et sa volonté de lutter contre la corruption.

Qu’en est-il de ses faiblesses ?

Son âge est aussi un handicap et il a une grande difficulté à s’ancrer localement jusqu’aux confins du pays. Il doit, par ailleurs, poursuivre ses connexions à l’international et étoffer son image auprès des représentants du monde entier. Les contacts se font chez Benflis de l’Union européenne à l’Amérique depuis plusieurs mois.

Sur quelle base jugez-vous que Talaie El Hourriyet est le premier parti d’opposition en Algérie ?

Présent dans près de 800 mairies, soit la moitié du pays, il est représenté dans les 48 wilayas de l’Algérie.

Le club des «Benflissiste» est présent à l’intérieur mais également à l’extérieur, permettant de mobiliser la diaspora algérienne. Ce think tank, composé de plusieurs intellectuels, est un outil de mobilisation et de réseautage important à l’étranger.

Alors que vous dites en substance que l’opposition doit soutenir un seul candidat, en l’occurrence Benflis, vous expliquez qu’il pourrait être le recours des «décideurs». N’est-ce pas contradictoire ?

En 2004, Benflis était le candidat du FLN. Aujourd’hui, il a son propre parti et il est à la tête d’une forme d’alliance de l’opposition, qui est d’ailleurs fragile. Aux élections législatives de 2017, tout l’enjeu résidait autour de ces partis sur l’idée de se présenter ou pas et cautionner le système. Benflis s’est abstenu avec son parti.

Je dis qu’il serait judicieux de tenter de fédérer l’opposition autour d’un personnage qui soit au-dessus de la mêlée. Certains pouvaient représenter un espoir, mais ils n’ont ni les épaules ni les relais nécessaires, ou alors ils sont clairement dans le système. Je crois que personne ne peut savoir ce que l’armée et le DSS peuvent décider en dernier recours.

Dans votre ouvrage, vous constatez que Benflis n’a pas réussi à changer le FLN de l’intérieur. Réussira-t-il à transformer tout un système que vous qualifiez d’objet politique non identifié ?

Il aura tenté. Là est tout le débat dans l’histoire autour de la capacité d’un homme à attirer les foules et à mobiliser des ressources humaines pour changer un système. La domination charismatique à la Max Weber est importante mais ne suffit pas.

Un contexte politique particulier peut vite accélérer les choses. Il peut se passer encore beaucoup de choses d’ici la prochaine élection présidentielle.

En plus de Benflis, vous dites dans votre analyse que la candidature de Saïd Bouteflika est plausible. Pourquoi ?

Elle l’est comme d’autres. Saïd Bouteflika en cas d’éventuelle menace islamiste et terroriste pourrait peser. Le contexte régional est important. Le «régent» d’Alger doit pouvoir compter sur l’armée, de qui il est assez proche. Il peut déjà compter sur Athmane Tartag, le chef du DSS, ce qui n’est pas rien.

Et en ce qui concerne Benflis, pensez-vous qu’il sera candidat en 2019 ?

Le mystère est entier. Il a toujours dit que si Abdelaziz Bouteflika se présentait pour un 5e mandat, il ne serait pas candidat. On ne sait pas ce qui peut se passer dans les mois à venir, mais un sursaut national et démocratique peut survenir au nom de l’intérêt général et de la survie du pays qui l’emporterait sur la survie du système.

Tout doit se faire en douceur, les Algériens en sont convaincus. Mais est-ce possible ? Il faudrait un homme rationnel, dégagé de tout intérêt personnel et avec le recul nécessaire.


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