Notre agriculture souffre comme tous les autres secteurs de l’improvisation et de la prééminence de cercles et personnels étrangers au monde agricole et scientifique dans les sphères de décision en la matière



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– La question du foncier agricole se pose avec acuité contre le développement du secteur en Algérie. Qu’en pensez-vous ?

Le problème du foncier en général, et pas seulement agricole, se pose avec acuité depuis le recouvrement de notre indépendance, mais peut-être faut-il se focaliser sur notre approche du foncier et plus généralement sur nos problèmes de gouvernance et de perception des choses pour resituer toute la problématique dans son contexte général.

Ce genre de problèmes tranchés presque partout ailleurs dans le monde ne se pose que chez nous de manière quasi kafkaïenne, au même titre que d’autres problèmes qui n’existent que chez nous. Mais, objectivement, il faut remonter aux spoliations coloniales de tribus entières qui ont permis de créer des domaines agricoles sur des terres usurpées qui ont échu à l’Etat à l’indépendance faits de propriétaires privés et collectifs identifiés avec actes après le départ des colons.

Tant que ces surfaces foncières étaient propriété de l’Etat représentant une collectivité nationale ayant remplacé de facto les collectivités tribales d’avant la colonisation, le problème était mis sous le boisseau faute de solution définitive. Mais dès que l’Etat s’est mis en tête de reformer sa vision du foncier, la débandade est apparue aussi bien dans le plan d’affectation de ces surfaces que dans les intentions des uns et la frustration légitimes ou non des autres.

La logique d’accaparement ayant prévalu sur la logique d’exploitation, chacun y est allé de ses nuisances et malices pour s’affirmer par la propriété acquise par un état de fait et non par la mise en valeur ou les résultats attendus de l’exploitation éventuelle de ces terres. L’administration, qui comme partout dans le monde est constituée des éléments les moins productifs et productivistes de la société, s’est retrouvée en position de décider de qui devait accéder à quoi sur des biens sur lesquels son unique droit est celui hérité de la colonisation.

Le résultat a fait que le choix s’est fait en fonction des critères tout à fait subjectifs de cette administration, qui sont tout sauf utilitaristes, et surtout pas légitimes. Une vente au prix coûtant de ces surfaces foncières au profit du Trésor public aurait été plus juste et surtout plus à même de ramener des exploitants sérieux que cette répartition erratique de surfaces à des parties qui n’apportent ni l’argent, ni la volonté de produire, ni même un droit quelconque à jouir du bien d’autrui, d’une manière encore plus odieuse que les colons qui au moins ont mis en valeur ses terres pour eux, mais mis en valeur quand même.

– En termes de surfaces fertiles, nous en sommes à combien ?

Sur 32 millions d’hectares, soit 300 km2, de surface agricole utile, à peine 8 millions entre le Nord et les Haut-Plateaux sont considérés comme des surfaces de cultures diverses, le reste est de la terre de parcours pour les cheptels ovins des steppes et ne peut en aucun cas constituer une terre fertile. Ceci dit, cette surface ne couvre pas les nouvelles aires exploitées au sud, qui sont devenues fertiles du fait de l’ensoleillement et de la présence d’eau, dans un climat aride, alors que le climat semi-aride du Nord produit moins faute d’une pluviométrie conséquente.

Avec les nouvelles méthodes industrielles d’agriculture intensive, la fertilité des sols n’est pas affaire de nature des sols eux-mêmes uniquement, mais d’apports en fertilisants productifs à court terme et destructifs à moyen long terme. Sinon, il faudrait que les partisans de cette théorie nous expliquent comment un Chinois peut faire pousser plus de maraîchages dans un tuyau de PVC en hydroponie qu’eux sur un hectare de terres supposées fertiles, avec des apports en fertilisants massifs.

La fertilité des terres et leur productivité dépendent du plan de cultures établi au préalable et de l’exploitation des terres en fonction de leur nature première et des cultures qui peuvent y être implantées, en tenant compte de toutes les recherches et innovations faites ici et ailleurs en matière de rotation des cultures, de la rationalisation de l’irrigation et des cultures traditionnellement prospères dans certains terreaux, ainsi que de la qualité des semences et des techniques d’exploitation.

Notre agriculture souffre comme tous les autres secteurs de l’improvisation et de la prééminence de cercles et personnels étrangers au monde agricole et scientifique dans les sphères de décision en la matière.

– Selon vous, que faut-il faire pour sortir de cette impasse et développer l’économie agricole ?

Concrètement, il faudrait une deuxième Révolution agraire qui aurait pour certains les allures d’une contre-révolution dans leurs acquis antérieurs. Recenser toutes les surfaces acquises ou concédées du domaine public sous l’effet des rapports de force antérieurs, qui n’auront pas été cultivées ou exploitées par leurs supposés bénéficiaires, et qui parfois sont en éternelle jachère ou sous-louées à des métayers, alors que les loueurs n’ont de droit de propriété qu’une attribution douteuse, les ramener au domaine public.

Fixer une valeur locative à ces terres à l’hectare, qui est proche de la réalité du marché locatif, et pondérer cette valeur en fonction de la valeur des investissements consentis pour leur mise en valeur, de la conformité des cultures avec un plan de production national conforme aux besoins du marché et aux équilibres des écosystèmes, en aidant les exploitant en matière de capacités d’irrigation là où cela est possible et en matière de conseils techniques et de protection des végétaux là où cela est nécessaire aux frais de l’Etat.

Quant aux terres privées, celles destinées à l’arboriculture, elles sont à soutenir pour le compte des propriétaires de plein droit, et les autres à intégrer dans le plan par effet de location à un prix et relocation à une autre supérieur à d’autres parties si elles ne sont pas exploitées, ou une intégration des propriétaires dans le plan s’ils ont l’intention prouvée de les exploiter.

En résumé, il faut une politique agricole nationale, qui ne se limite pas au foncier, mais s’étend à la promotion et la protection de toute la filière sous contrôle de l’Etat et des services non administratifs, en amont et en aval, dans la transparence la plus totale. Et cela ne se fait pas avec des règlements et législations qui changent au gré des événements ou des intérêts des uns et des autres.

Peut-être qu’une priorité accordée aux agronomes, vétérinaires formés et aux agriculteurs déjà reconnus pour leur productivité dans la location de ces fonciers et les aides publiques, par réduction des frais de métayage et des apports en fonds et en nature, au profit de ces catégories serait une bonne amorce. La priorisation des exploitations agricoles réussies en matière d’énergies renouvelables et d’autonomisation pourrait aussi faire avancer le périmètre irrigué du Sud. Sinon, tant que les cercles d’accaparement stériles et une bureaucratie paralysante sont aux avant-postes de la décision, parler d’un autre résultat que celui que nous constatons est une illusion.


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