Entre Sunna et plaisir des enfants

Le mouton de l’Aid, un sacrifice à tout prix



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Sur le carreau depuis le Ramadhan et l’Aid El Fitr, les Algériens s’apprêtent dans quelques jours, à célébrer l’Aid El Adha avec d’autres dépenses et non des moindres, à savoir l’achat du mouton à sacrifier.

«C’est plutôt nous les pères de famille, qui serons sacrifiés sur l’autel des dépenses», s’écrie Mahmoud ironiquement. Ce citoyen, rencontré en compagnie de ses enfants, un adolescent et son cadet, butine, selon lui, de maquignon en maquignon, à la recherche de la bonne bête,où le rapport prix/qualité rentre avant tout dans le budget consacré à la circonstance. Une mission loin d’être de tout repos en cette période charnière des prix fluctuants. Les connaisseurs prévoient généralement une baisse pour la veille du jour du sacrifice, ce qui n’est pas un axiome. Et Mahmoud en sait quelque chose, de ce côté. L’expérience vécue l’an dernier lui a donné à réfléchir. «Sur conseil d’un proche, j’ai attendu le dernier jour pour acheter la bête. Contre toute attente, les prix avaient pris de la hauteur par rapport à quinze jours d’avant. Je n’étais pas le seul à subir la douche froide. En fin de compte, on a beau faire ses calculs, les maquignons ont toujours le dernier mot», dira, dans ce sens, le client échaudé. D’autres préfèrent en faire acquisition plusieurs jours avant l’Aid, comme c’est le cas de Sid-Ahmed, qui confie faire plaisir aux enfants en confiant à leurs soins le mouton durant cette période. Pour les Algérois du centre, Birtouta est un repère incontournable pour tâter le pouls du marché. Dans cette espèce de Wall Street de l’ovin, les prix de référence sont de véritables indicateurs. Il faut dire que ce lieu constitue depuis longtemps, un point de regroupement des maquignons affluant des wilayas à vocation pastorale. De Djelfa, M’Sila, Ain Defla et de plus loin encore, ils sont présents à ce forum, en attestent les plaques minéralogiques des camions. Quant aux prix, chacun justifie les siens en vantant la qualité de son produit.

Djellali, la dragée haute

Si le mouton algérien a la cote à l’échelle internationale, en raison du goût particulièrement savoureux de sa viande, la race dite d’Ouled Djellal dans la wilaya de Biskra, est inscrite au patrimoine mondial. D’abord pour sa belle morphologie, le bélier d’Ouled Djellal, El Djellali comme l’appellent les connaisseurs du domaine, est très demandé par les becs fins, notamment du Moyen Orient. Sa chair donnant en bouche un fond d’armoise (Chih), foisonnant dans la région où il vit, est très estimée dans les pays du Golfe. Cette race fait d’ailleurs l’objet de contrebande à nos frontières de l’Est. A telle enseigne, dira un citoyen au fait de ce trafic, que sa réputation a fait de lui un met de choix dans les grands restaurants de Tell Aviv. Les Israéliens auraient tenté d’en faire l’élevage, mais le mouton, fier d’être purement algérien, n’a pas pu survivre ailleurs. Les multiples expériences ont abouti à des échecs. La réputation en dehors des frontières a joué un rôle positif pour l’engouement local, et favorisé ainsi la hausse des prix de ce mouton racé. Les prix ne sont pas à la portée des bourses modestes. Ils fluctuent entre 8 et 12 millions de centimes la pièce. Et même à ce prix, on a du mal à en trouver. Pour ce faire, un déplacement est nécessaire dans la commune dont il est originaire. Du moins pour s’assurer de l’AOC (appellation d’origine contrôlée).

A 80 millions pour les paris

Timides en d’autres mois de l’année, les combats de béliers connaissent leur apogée durant la période précédant l’Aid El Adha. Les quartiers populaires de la capitale et de beaucoup de villes du pays vivent au rythme de ces coups de tête, entre deux béliers dressés spécialement à cet effet. Une pratique abhorrée par l’Islam au vu de son caractère basé sur les paris et le jeu, et aussi en raison de la violence suscitée et le mal qu’on fait subir aux bêtes impliquées. Choyées pour ce qu’elles rapportent comme gains à leurs propriétaires, ces dernières, aux noms de stars en vogue, voyagent de ville en ville pour disputer des trophées de plusieurs dizaines de millions. A Bachdjarah (El Harrach), un amateur et éleveur de ce genre de béliers a exigé la rondelette somme de 80 millions, pour céder sa bête qu’il a acheté lui-même du coté de Sidi-Belabbès pour 35 millions de centimes. «Il y a à boire et à manger dans cette activité», nous dit un spécialiste de la question, poursuivant «avoir personnellement assisté à une transaction, où un bélier a rapporté 100 millions à la suite de plusieurs combats gagnés». La mise, comme au poker, peut aller d’un à une dizaine de millions par combat.

Caprices d’enfants

Acheter le mouton de l’Aïd est, pour beaucoup de familles, synonyme d’une dépense qu’il faut préparer des mois avant l’évènement. Une sortie d’argent non sans conséquences sur leur escarcelle. A l’exemple de ce citoyen affirmant avoir serré la ceinture et réduit le budget familial, pour épargner de quoi se procurer la bête, et satisfaire ainsi les préceptes de la Sunna. Mais aussi et du coup satisfaire les enfants. Pour d’autres, la mission semble plus ardue et va jusqu’à l’endettement. Sans l’avouer directement, car l’Islam interdit le recours à cette pratique pour répondre au rite de «Sidna» Ibrahim El Khalil. Satisfaire le caprice de ses enfants, devenu de nos jours un acte de «redjla» et de «nif» (le père de famille au sens viril et moral). Hacène, pas loin de la cinquantaine, a déjà fait son devoir dans la moiteur de cette fin d’après-midi d’un mois d’août insupportable. Nous l’avons rencontré au niveau du point de vente de «Haouch El Gazouze», un lieu-dit entre Birtouta et Khraïcia, au moment où, tout heureux, il venait de conclure une transaction longuement négociée avec un maquignon de Sidi Aïssa. Le bonheur de notre ami, il l’a exprimé avec un sourire large comme l’autoroute, que ses deux gamins ont agréé en l’imitant. «Le maquignon, dit-il, a fini par me le céder à 43.000 DA. Je ne pouvais en mettre un dinar de plus». Toutefois, le papa a craqué en avouant l’avoir surtout acheté pour faire plaisir à ses enfants. «Je ne peux supporter qu’ils soient malheureux devant les enfants des voisins. Vous voyez, ils sont aux anges et c’est toute ma satisfaction», s’est justifié le père, en jetant un regard de complicité à sa progéniture.

Douara, bouzelouf, petit gigot

Les bouchers, se léchant les babines, ne chôment pas actuellement. Ils sont même très sollicités par ceux qui n’ont pas, pour diverses raisons personnelles, acheté de mouton. Pour faire comme tout le monde, ces derniers ont passé commande, chacun chez son boucher habituel, de quoi honorer la fête. Des abats, douara et bouzelouf (tripes et tête de mouton), un gigot ou une épaule et le tour est joué. Moussa, cadre moyen dans une petite entreprise, est de cette catégorie modeste qui préfère, comme il le dit, garder les pieds sur terre. «Je ne peux, confie-t-il, me permettre un mouton à 40 ou 50.000 DA. Avec un salaire de 35.000 DA, c’est tout juste si j’arrive à boucler sans gros dégâts les fins de mois. J’ai une famille de cinq personnes, et suis seul à les nourrir. Le peu d’économies que ma femme, c’est elle qui s’occupe du budget, ait pu épargner servira à couvrir les frais de la rentrée scolaire dans quelques jours. M’endetter n’est pas mon fort. Vous savez, l’Aïd, c’est un ou deux jours et le minimum permet de passer la fête convenablement. J’ai des amis qui sont tombés dans l’engrenage de l’endettement, juste pour le plaisir des bambins». Sage comme réflexion. Une autre catégorie d’Algériens est dans l’expectative.
Acheter ou ne pas acheter ? C’est là la question. L’hésitation est motivée par la fièvre aphteuse, qui continue à semer le trouble parmi ceux qui ont eu la mésaventure d’acheter un ovin contaminé. Plusieurs familles ont été désagréablement surprises les deux dernières années, de constater que la viande de leur «Iyada» (la bête à sacrifier) a, aussitôt abattue, pris une couleur bleuâtre. Avant d’acheter, les sceptiques préfèrent se renseigner d’avantage. A tous et à toutes, nous souhaitons quand même un bon Aïd, tout en conseillant la modération dans la consommation de la viande.

Ali Fares


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