Dérive marocaine



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Par Akram Chorfi – Le cas du chanteur marocain Saâd Lemjared est emblématique. Le violeur récidiviste qu’il incarne désormais aux yeux du monde ne semble pas infléchir la courbe de sa popularité au Maroc, même si, au royaume de la misogynie naturelle, une élite féministe tente, tant bien que mal, de faire entendre l’entendement universel, en dénonçant la diffusion des chansons de la pop star et en appelant à une posture moralisatrice par rapport à ce que Saâd Lemjared, le criminel, représente, et au message négatif que sa popularité persistante, doublée du passage de ses chansons dans les médias marocains, pourrait envoyer aux jeunes et moins jeunes de cette génération.

Ce qui rend les choses encore plus singulières et tout aussi aberrantes, c’est le soutien inconditionnel du roi Mohammed VI à ce jeune sociopathe, au nom d’on ne sait quel complot dont il aurait été l’inconsciente et, néanmoins, concupiscente victime.

Dégénérescence dans la dignité du Commandeur des croyants qui sacrifie ce rang dynastique sur l’autel de la sympathie envers un artiste pervers et amoral, que les élites marocaines, y compris celles laïques, condamnent et rejettent au nom d’une morale universelle.

L’honneur eût pu être sauf, en la circonstance, si l’on avait consenti, côté marocain, à demander que Lemjared, ainsi convaincu de maladie, soit mis en détention hospitalière pour être pris en charge du point de vue psychiatrique. Mais il semble que de ce côté-là du Maghreb on croie dur comme fer que les femmes qui s’habillent d’une certaine façon, qui discutent d’une certaine façon, qui agissent d’une certaine façon sont toujours consentantes, et qu’elles disent «oui» quand on croit les entendre dire «non» à leur (amant) agresseur du moment.

Bien sûr, il n’est pas question de singulariser le Maroc sur ce fléau de la violence envers les femmes ; il touche, en effet, l’ensemble des pays où le discours patriarcal a tendance à favoriser une profonde incompréhension sur le vrai sens des rapports homme-femme, mais ce pays semble se laisser entraîner dans un processus de perte de valeurs morales et sociales, dans une espèce de complicité collective, combinant les extrêmes dans tous les domaines, dans un triomphe matérialiste bordé par une misère effroyable qui autorise tous les excès, toutes les licences, y compris la fierté d’être fan d’un violeur récidiviste.

A. C.


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