Election présidentielle

 Le 5e mandat, le plan B et l’ombre de Ouyahia



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La fièvre du 5e mandat de Bouteflika semble tombée ces dernières semaines, mais elle n’est pas définitivement endiguée.

Les appels insistants et fortement médiatisés à Bouteflika lancés par ses soutiens de la coalition présidentielle pour se présenter à une nouvelle mandature se font depuis quelques temps moins bruyants et plus ciblés, au plan du signifiant et de l’objectif.

Non seulement les préposés autoproclamés ou mandatés pour faire la promotion de cette candidature ont perdu de la voix en se manifestant de moins en moins et en faisant montre de moins d’engagement, mais ils ont changé carrément le fusil d’épaule et de conviction en axant leur plaidoirie sur la continuité de l’œuvre de Bouteflika.

Le 5e mandat n’est plus évoqué que du bout des lèvres, par réflexe pavlovien, conséquence de cette maladie incurable nommée «allégeance».

Le reflux de la campagne pour un 5e mandat se précise, en effet, de plus en plus dans les activités et les discours désormais plus nuancés des formations politiques qui se sont mises au service de cet objectif.

Cette nouvelle posture, si elle n’est pas d’ordre tactique, ne renseigne pas moins sur une réalité, un frémissement qui sort des entrailles du pouvoir.

Les lignes semblent commencer à bouger sur la question la plus secrètement gardée de tous les dossiers top secret de l’Etat, celle du 5e mandat ou de la succession. Au plan du timing, les repositionnements sur le sujet ont commencé à s’exprimer à travers un glissement sémantique où le slogan de la continuité succède à l’appel franc, massif et sans débat à un 5e mandat de Bouteflika.

Mais le tournant qui a sans nul doute lourdement pesé dans la décantation des options et des stratégies électorales qui sont sur la table, c’est la dernière sortie publique du président Bouteflika à l’occasion du 1er Novembre où il était apparu très affaibli, attaché par des sangles à son fauteuil roulant. Tout a été fait par le cercle présidentiel pour que Bouteflika rempile pour un nouveau mandat. Mais on ne peut pas aller contre les lois de la biologie.

Selon toute apparence, son entourage semble de plus en plus résolu à cette évidence, même s’il ne l’accepte pas de gaieté de cœur. Les enjeux sont d’autant plus importants que ceux qui sont à la manœuvre pour faire passer la pilule du 5e mandat feront tout afin qu’il n’y ait pas de plan B.

Les choses semblent se précipiter. Des voies alternatives se dessinent. A en croire certaines indiscrétions, ce choix par défaut serait déjà acté par le premier concerné : le président Bouteflika, qui aurait donné son accord, tout comme il aurait eu un autre soutien de taille : l’onction de l’état-major de l’armée.

Le nom de son dauphin a déjà circulé dans les médias et alimente les discussions des salons. Il s’agit du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, qui répond au profil requis : la fidélité et la loyauté à Bouteflika, sa compétence, sa connaissance des dossiers et des arcanes du pouvoir.

L’image de responsable austère, imprévisible, arrogant, démagogue qu’il dégage aux yeux de l’opinion et des partenaires étrangers ne semble pas desservir l’homme pour rencontrer son destin, pour reprendre une formule qui lui est particulièrement chère.

La multiplication des activités officielles d’Ouyahia depuis quelque temps en sa qualité de Premier ministre ou de représentant du chef de l’Etat pour des missions à l’étranger, l’assurance qu’il a pris dans l’accomplissement de ces tâches en se mettant dans la peau d’un potentiel présidentiable, le discours policé, diplomatique qu’il sert en interne et à l’international, tout ce formatage du logiciel du Premier ministre ne peut être que le prélude à une décision majeure qui se préparerait dans les laboratoires du pouvoir autour du destin de l’homme.

Bien évidemment, il serait naïf de croire que tout baigne dans l’huile pour Ouyahia, qui aurait la bénédiction de Bouteflika mais pas le soutien du premier cercle présidentiel, qui surveille avec une vigilance accrue le lait sur le feu. Sa cooptation ou la promesse qui lui aurait été faite dans ce sens est loin de faire l’unanimité dans l’entourage présidentiel, comme l’actualité récente est venue le rappeler.

L’attaque essuyée il y a peu par le Premier ministre de la part du ministre de la Justice, Tayeb Louh, montre combien le champ est miné à l’intérieur du pré-carré présidentiel où l’on ne semble vouloir faire aucune concession pour négocier un plan B qui menacerait les intérêts et les ambitions politiques du clan.

Il semblerait que rien n’est encore définitivement joué. «L’option Ouyahia est sur la table, mais Bouteflika est imprévisible ; il peut changer d’avis à tout moment, sortir du chapeau un autre candidat ou bien carrément prendre son monde à contre-pied et décider d’y aller lui-même envers et contre tous», recadre une source bien au fait des réalités du pouvoir.

C’est, précise la même source, ce qu’il a fait en 2014 en demandant, avant la survenue de son AVC, à Sellal et à Belkhadem de se préparer pour lui succéder avant de surgir dans les derniers 100 mètres en faisant annoncer cyniquement sa candidature par le Premier ministre. 


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