«La Casbah ne peut plus être restaurée, il faut détruire et reconstruire avec la même architecture»



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– La wilaya d’Alger a confié le projet de revitalisation de La Casbah à l’architecte français Jean Nouvel, suscitant une polémique autour de ce choix. Peut-on connaître votre avis ?

Mais que va-t-il restaurer ou revitaliser ? Les maisons sont trop vieilles, leurs matériaux de construction inertes et la majorité des puits qui y existaient ont été remblayés.

La Casbah est construite sur un flanc de montagne en gradin et quel que soit l’architecte qu’on ramènera, fut-il Jean Nouvel, il ne fera rien. Je ne crois pas à une restauration et encore moins à une revitalisation. Etant natif de ce quartier, je connais tous ses problèmes. On ne peut plus le sauver.

– Que faut-il faire alors ?

Il faut tout détruire et reconstruire la même architecture. Il y a cinq ans, il y avait un projet fiable qui s’appelait «Darna» et qui consistait à reconstruire avec la même architecture et les mêmes techniques les «douérate». Mais ça n’a pas été suivi.

– Pourquoi détruire, alors qu’ailleurs des médinas plus anciennes ont été préservées ?

C’est possible ailleurs, parce que les maisons sont préservées. A La Casbah, la majorité des propriétaires et des habitants ont quitté les maisons pour les abandonner aux squatteurs qui leur font subir des violences en permanence.

D’abord par le remblaiement des puits et par la construction sur les terrasses, en passant par le recours à des matériaux incompatibles avec la structure.

Aujourd’hui, il est impossible de restaurer. Ce qui nous reste à faire est de rechercher les maisons qui restent encore debout et qui pourraient être conservées, puis faire autour d’elles un complexe touristique avec d’autres maisons reconstruites selon la même architecture.

– L’opération confiée à l’architecte Jean Nouvel concerne la partie basse de La Casbah. Que peut-il apporter comme solution, sachant que cette partie est également protégée par l’Unesco ?

La Basse Casbah est la partie la plus touchée par les effondrements. Elle est traversée par plusieurs sources d’eau qui ont touché également la mosquée Ketchaoua. Rappelez-vous, lorsque le minaret s’est incliné sur la rue Hadj Omar, suscitant la fermeture de l’édifice.

Le problème n’a pas été définitivement résolu. Ils ont décidé de mettre une plateforme pour l’écoulement de l’eau. Cela peut avoir des incidences à moyen terme. Pour moi, il faut évacuer la population, fermer la médina et travailler avec les normes techniques de l’Unesco.

Des opérations d’étayement ont été entreprises depuis plus de trois ans sur des maisons, dont certaines se sont écroulées et d’autres risquent de s’effondrer. On passe du temps à assener des coups de marteau sur des murs fragiles qui inévitablement finiront par s’écrouler. C’est ce qui se passe aujourd’hui…

– Voulez-vous dire que Jean Nouvel n’apportera aucune solution ?

Vous savez, Le Corbusier, lui-même, avait dit que La Casbah a une architecture unique au monde, mais sa restauration est impossible. Même les immeubles plus récents, construit par l’administration coloniale à l’intérieur à la périphérie de La Casbah, sont en train de s’effondrer à cause de l’eau qui se concentre au niveau du sous-sol.

Encore une fois, si les autorités avaient pensé à se concerter avec les spécialistes, elles n’auraient pas fait appel à un architecte étranger, qui de surcroît ne pourra rien faire…


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