Patrimoine

L’année de La Casbah a failli être sauvée



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L’annonce de la commande, par la wilaya d’Alger, d’un projet de restauration de La Casbah à l’architecte Jean Nouvel a éclaté comme un coup de tonnerre au sein des militants d’une réhabilitation de la médina.

C’est l’occasion pour rappeler que ce prestigieux patrimoine a failli être sauvé en 1998, lors de l’opération de dédensification menée par le ministre gouverneur Chérif Rahmani. Cette opération, il faut le souligner, n’est pas tombée du ciel.

Elle constitue le résultat de décennies de réflexions sur la sauvegarde de La Casbah, réflexions menées par des architectes urbanistes algériens et étrangers, dont Le Corbusier.

Ces maîtres de l’art ont tous convergé sur un point cardinal : faire de La Casbah un lieu vivant avec ses habitants et ses artisans, et sa restauration doit respecter un cahier des charges imposant l’utilisation de matériaux adéquats et interdisant tout ajout susceptible de défigurer l’ordonnancement majestueux de son édification originale.

Avant le lancement de l’opération, le 23 février 1998, il manquait les logements nécessaires au recasement des locataires. Ces derniers ont tous été recensés en 1998 et seuls eux pourront prétendre à un relogement, ce qui rend caduque la crainte des amoureux d’El Bahdja.

Préoccupés par ce phénomène du «tonneau des Danaïdes» qui créerait un appel permanent pour les demandeurs de logement. Le plan de 1998 consistait à évacuer les locations des douérate, car il était hors de question de les jeter dans la rue et d’obliger les propriétaires de choisir entre deux options : soit restaurer les bâtisses en respectant strictement le cahier des charges, soit vendre à la wilaya.

La Casbah divisée en îlots afin de maîtriser l’opération

La question du recensement fut trouvée par la fondation Casbah, qui a convaincu le chef du gouvernement de l’époque, Ahmed Ouyahia, de prévoir le point de chute des locataires. Pour ce faire, il fit acheter trois mille appartements, construits par le fonds saoudien, qu’il mit au service de l’opération.

C’est ainsi que l’opération put démarrer et que trois îlots furent traités, Sidi Ramdane, Souq El Djamâa et La Marine, soit un millier de familles recasées dans autant d’appartements.

Parallèlement à cela, la Fondation Casbah réunit les propriétaires et les organise en Association des propriétaires des immeubles de La Casbah (APIC) et rédigea une proposition de règlement instituant un Haut- Commissariat de la sauvegarde de La Casbah, placé sous la tutelle de la présidence de la République, et qui sera la seule autorité pouvant intervenir sur le terrain avec, entre autres missions, faire respecter les conditions du cahier des charges et empêcher toute tentative de squat des douérate.

Alors que l’opération se déroulait  avec succès, le ministre- gouverneur fut limogé et remplacé par un wali ramené de Paris ! Le plan de dédensification a vécu et La Casbah retombera dans l’oubli et la folie des hommes quand l’APC FIS défonça les portes des douérate évacuées pour y loger les militants du parti dissous.

Cette opération de sauvetage qui, soulignons-le, avait failli sauver La Casbah, a été ignorée, notamment par la presse nationale, dont l’un des plus éminents représentants s’est permis d’écrire  au début de l’année 2018, lors de la tenue des ateliers de l’Unesco sur La Casbah, que «rien n’a été fait».

C’est cette ignorance qui a permis le lancement, épisodiquement, de plans de sauvetage farfelus, alors que le plus pertinent, parce qu’il répondait à toutes les questions posées par la réhabilitation de La Casbah, est celui qui a failli réussir en 1998. 


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