Contribution du Dr Arab Kennouche – La Casbah d’Alger rendue à la France



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Par Dr Arab Kennouche – On se souviendra encore longtemps, même après la mort de l’actuel wali d’Alger, Abdelkader Zoukh, de sa décision historique de rendre l’âme de La Casbah à ceux-là mêmes qui l’ont souillée et maintes fois violée à travers l’histoire. Au-delà du talent international de Jean Nouvel lui-même, associer des travaux de réhabilitation du cœur de la nation algérienne à l’ancienne puissance colonisatrice ne relève pas uniquement de la stupidité de l’auteur de la décision, mais d’une démarche provocatrice de très mauvais goût.

Complexe de colonisé ou bien simple démarche ahurissante entreprise sans grande réflexion, Zoukh vient de franchir le Rubicon de la bêtise en permettant aux anciens de l’Algérie française de se refaire un bain de jouvence en venant redonner un coup de peinture fraîche là où, auparavant, les canonnades de la grande armée et les pétarades de Massu et Bigeard se faisaient entendre pour effacer toute trace d’algérianité. On se demande à ce tarif-là où sont passés nos valeureux ministres de la Culture et des Moudjahidine qui, très certainement, ont accordé leur blanc-seing pour que Nouvel vienne apposer sa marque de concepteur gaulois sur l’édifice ancien d’art et de tradition islamique.

Mais, faut-il encore repêcher le wali Zoukh et ses acolytes en les envoyant s’instruire sur les liens de l’histoire, de l’architecture et de la politique afin qu’ils ne nous transforment pas toutes les demeures mauresques et les mosquées d’Alger en monuments à la gloire de la France et, pourquoi pas, à la colonisation française en Algérie. Pourquoi alors ne pas donner une note «tour Eiffel» au sanctuaire des martyrs, ou bien encore redessiner tout Alger sur les plans de Marseille ? Il saute déjà aux yeux qu’Alger sous Zoukh est redevenue cette ville coloniale d’antan : tout y est blanchi à la chaux et remaquillé pour qu’émerge l’Alger des colons contre la vraie Alger qui fut avant tout une ville musulmane.

Berbère, turque, arabe, c’est l’étendard de l’islam qui flotta longtemps sur Alger avant que les Français ne s’en emparent en tentant de la défigurer. Ce patrimoine musulman de la ville n’a jamais été mis en valeur et pourtant il regorge d’innombrables endroits, palais, mosquées, portes que l’on a drapés de l’étendard français, comme sous la férule de Zoukh. Blanchir Alger et faire plaisir aux Français, pour qu’ils s’y retrouvent, eux, dans leur ville.

Geste de très mauvais goût que cette venue de Jean Nouvel, qui doit faire pouffer de rire toute la gente OAS et consorts qui, nostalgiques de l’Algérie française ou en mal de judéité-sioniste en terre algérienne, trouvent là un couloir idéal pour venir se réinstaller en défigurant les lieux autant que possible comme à l’époque de la colonisation. Il faut bien s’appeler Zoukh et se vanter d’avoir redonné à la ville toute sa splendeur d’antan, comprendre l’Alger des années 30 de Pépé le Moko, pour ne pas voir le grand boulevard néocolonial, haussmannien s’il en est, que le maire d’Alger est en train de tracer à la France, passée maître dans la mise en valeur de son «exception culturelle» à l’étranger.

«Ye’l gomplexé wa !», se serait exclamé notre fameux inspecteur Tahar, devant autant de bassesse humaine, ne serait-ce que pour tourner en ridicule les fonctions de maire d’une ville qui pourtant a accueilli les plus grands révolutionnaires de cette planète. Ecrire l’histoire d’Alger entre Barberousse, Che Guevara, Ali La Pointe et y insérer un Jean Nouvel casbahique postmoderne relève d’un goût douteux et fera couler beaucoup d’encre encore dans les annales de cette ville frondeuse et à laquelle on a trop souvent accolé l’image d’une France fleurissante en Méditerranée.

Ya’l meskin ! Pauvre de vous, cher Monsieur Zoukh, mais comment vous convaincre de votre indigence patriotique et de votre grande immoralité en pérennisant sciemment le vieux rêve néocolonial de la France, de se refaire une santé en Algérie, argument que vous ne pouvez repousser car celle-ci refuse de reconnaître ses crimes abominables ? D’ailleurs, vous qui occupez une fonction politique dans ce pays ne faites que corroborer cette thèse de l’impunité, bien plus, celle de la mission civilisatrice de la France clamée haut et fort depuis Alexis De Tocqueville et Jules Ferry, jusqu’à Sarkozy et Macron, et qui trouve le plus grand écho dans la future empreinte architecturale que laissera Jean Nouvel sur un symbole puissant de la résistance algérienne, grâce à votre décision honteuse.

Ma teghfelch ! Ne baissez point la garde, ya messiou l’mir ! Fut-ce un moment de fatigue qui vous poussa vers l’ignominie ou bien vos conseillers se sont-ils attardés sur le pastis du colon ? N’avez-vous pas senti l’âme de ces murs sacrés à l’histoire pluriséculaire pour que vous la vendiez à un vulgaire architecte venu d’ailleurs et de nulle part, dont les ordinateurs sont sans commune mesure avec les mains et les cœurs qui ont façonné ces multiples ruelles, ces dédales de l’histoire à n’en plus finir, bien longtemps avant que ne vienne souffler le vent de la mort et de la trahison ? Ou bien voulez-vous transformer Alger en vulgaire Marrakech pour que l’oligarchie mondiale y vienne humer son petit souk et y déambuler à moindre frais ?

A. K.


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