Revitalisation de La Casbah

on achève bien la Révolution



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Par Youcef Benzatat − L’accord tripartite signé entre Abdelkader Zoukh au nom de la wilaya d’Alger, Valérie Pécresse au nom de la région Ile-de-France et l’architecte Jean Nouvel a été dénoncé par un groupe important d’intellectuels, d’artistes, d’architectes, aussi bien algériens qu’étrangers. Il a été dénoncé dans la forme et dans le contenu par un texte, qui a été timidement commenté par les médias algériens sans jamais parvenir à faire débat sur la question aussi importante qu’il soulève, à savoir celle du patrimoine national et de surcroît celui d’un haut lieu de mémoire, par sa vocation de lieu de résistance principal aux convoitises de la souveraineté nationale, La Casbah d’Alger.

«Normal», dirait la conscience populaire. Il est de bon conseil par les temps incertains qui courent de retenir sa langue et se garder de ne froisser quiconque pourrait nuire à notre réputation et aux juteuses affaires du commerce de la pensée et des idées dans le désert culturel qui nous entoure.

Ainsi, un journal électronique algérien s’est donné la peine de solliciter Zoukh à s’expliquer ou plutôt se justifier sur son initiative contestée, pour ne pas dire son infamie. Au bout de l’entretien, on ne savait plus si c’est le journaliste qui avait sollicité Zoukh ou si c’est ce dernier qui avait convoqué le journaliste ! La réponse scandaleuse de Zoukh à ce texte de contestation n’a visiblement pas ébranlé le journaliste ni suscité son indignation !

Hélas ! Pour trouver de l’indignation à ce sujet, il faut se pencher sur les réseaux sociaux et leur bouillonnement de colère contre un pouvoir qui est en train de tout vendre pour se maintenir aux commandes, y compris le patrimoine de la Révolution qui a arraché notre peuple de l’avilissement et de la servitude, pour que personne ne puisse se souvenir d’où on vient et sur quoi repose notre présent.

Comme pour tout citoyen qui se respecte, j’ai trouvé sa réponse tellement fondée sur l’ignorance, animée de mépris, d’arrogance et d’irresponsabilité, que cela a suscité en moi une profonde indignation et un sentiment de révolte et de colère m’amenant à vouloir crier haut et fort à qui voudrait entendre : «Maintenant ça suffit ! Dégagez ! Laissez ce peuple s’approprier son pays, son histoire, sa mémoire et projeter ses désirs dans l’édification de son devenir !».

Dans sa réponse, Zoukh s’est adressé dans ces termes à la conscience collective : «Les gens sont mal intentionnés et font dans la philosophie. Pourquoi ils s’occupent de nous ? En quoi cela les regarde ? Ils ne m’intéressent pas. La Casbah d’Alger n’est pas leur affaire. C’est notre affaire». Oui, au point où nous en sommes, c’est bien leur affaire !

Dans ces conditions, Zoukh ne pouvait ni ne voulait justifier cette abdication pour des raisons évidentes, comme l’a si bien souligné Arab Kennouche. Car confier la «revitalisation» de ce lieu sacré pour la nation à une région qui a fait de sa néantisation la condition de sa victoire sur sa population relève d’une abdication. La question du patrimoine de la Révolution a été balayée d’un revers d’arrogance et de mépris et les contestataires avec. Bien que la contestation en elle-même ne porte pas sur le plan d’urbanisme directeur pour Alger-Centre – sujet sur lequel Zoukh s’est étalé en long et en large, y compris sur le problème des eaux souterraines de La Casbah − mais sur les lieux de mémoire qui ont jalonné la lutte armée dans ce lieu, ce qui a permis à l’Algérie de recouvrer son indépendance.

A noter que le concept urbanistique de revitalisation est étroitement lié au réaménagement des zones industrielles en friche, qui ont été absorbées par la croissance urbaine puis abandonnées pour être délocalisées en zones périurbaines. Cela a donné lieu le plus souvent à des infrastructures culturelles qui ont redonné vie aux lieux où ils étaient implantés. Cela, parce que les édifices qui s’y trouvaient témoignaient de la vigueur de la révolution industrielle et, donc, constituaient un patrimoine à préserver.

Or, La Casbah est un patrimoine universel par sa structure urbaine et son architecture qui témoignent d’une civilisation millénaire et qui, durant plus d’un siècle, est devenue le foyer d’une Révolution armée qui changea la face du monde. Le dédale de ses ruelles, ses maisons imbriquées les unes aux autres qui communiquent par des terrasses disposées comme des passerelles sont les lieux d’inscription des chapitres de l’histoire de cette glorieuse Révolution. Les stigmates de l’explosion des bombes posées par des terroristes colonialistes et qui ont défiguré son paysage et anéanti le dernier bataillon qui s’y est réfugié, composé principalement d’une femme, d’un enfant et d’un homme avide de liberté et de dignité –Hassiba Ben Bouali, Petit Omar et Ali la Pointe – sont la mémoire vivante de cette période tragique pour le peuple algérien et n’a pas besoin de revitalisation par quelques stratagèmes esthétisants ou coups de bulldozer anarchiques. Leur sang est mêlé à la poussière de l’édifice qui les a engloutis dans l’explosion. La conservation du site en l’état est la meilleure façon de rendre leur combat pour la liberté éternel par son exemplarité, comme les tranchées de Verdun qui ont englouti des millions d’esclaves des marchands d’armes.

On comprend qu’il est nécessaire de tout refaire, mais sans rien changer. Tout restaurer sans rien effacer. Mais aussi sans négliger l’apport de comités de consultation composés de natifs de La Casbah et de tous ceux qui y ont vécu pendant la Révolution, auxquels il faudra associer ceux qui y vivent encore et qui seront ses futurs habitants. Tous ces témoins et acteurs vivants seront les conseillers de nos meilleurs architectes et urbanistes, imprégnés de notre histoire et de nos douleurs. Afin d’éviter que notre mémoire collective ne se perde à jamais. Afin d’éviter que ce haut lieu de mémoire ne devienne une escapade mondaine pour des nantis ou un lieu d’esthétique architecturale et urbanistique déconnecté de l’histoire  aussi bien enchantée que douloureuse des hommes qui y ont vécu plus d’un millénaire.

Y.B.

 


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