Après les manifestations de ce vendredi à travers l’ensemble du pays, qualifiées de «tsunami» par des analystes, les partisans du 5e mandat – qui ont programmé pour aujourd’hui dimanche 3 mars, dernier délai fixé par la loi, pour déposer le dossier de candidature de Bouteflika devant le Conseil constitutionnel – vont-ils franchir le pas ?
Cette option imposée après de laborieuses tractations et manœuvres du pouvoir est aujourd’hui fortement chahutée par l’actualité et le large mouvement populaire de rejet exprimé avec force à travers les imposantes manifestations de la rue. La dégradation de l’état de santé de Bouteflika qui justifierait la prolongation de son séjour médical en Suisse, où il avait été transféré pour un «court séjour médical», selon le communiqué officiel de la présidence de la République, a compliqué davantage la gestion de cette candidature devenue moralement encombrante et politiquement coûteuse. L’épreuve tant redoutée du Conseil constitutionnel sera d’autant difficile à affronter que le transfert de Bouteflika à l’étranger pour soins médicaux, à quelques jours du délai de dépôt des candidatures, et sa présence à Genève quelques heures seulement avant la clôture de l’opération ne manqueront pas de relancer la polémique sur le dossier médical du candidat et son rejet par le Conseil constitutionnel.
Les nouvelles peu réjouissantes sur sa santé en provenance de Genève, alimentées par le black-out total observé sur le sujet par les autorités depuis son transfert à l’étranger voilà plus de 10 jours, donnant lieu à de folles rumeurs sur les réseaux sociaux, ont fait que le débat sur la validité ou non de la candidature de Bouteflika est désormais dépassé. Certains estiment, en effet, qu’il y a aujourd’hui entre les mains des décideurs tous les éléments légaux pour actionner la disposition constitutionnelle de l’empechment. Le clan présidentiel, qui s’est fourvoyé dans cette ubuesque histoire du 5e mandat, s’est pris à son propre piège en voulant tenter le passage en force de cette candidature, convaincu que l’opération allait passer comme une lettre à la poste.
Faut-il croire le directeur de campagne de Bouteflika, M. Sellal qui a été débarqué hier, quand il avoue dans les fuites de sa conversation avec le patron du FCE, Ali haddad qui lui ont valu certainement sa disgrâce, qu’il «est difficile de reculer» ? Avec ces deux nouvelles donnes, la pression de la rue et l’aggravation de l’état de santé du Président, la décision d’aller ou pas aux élections n’appartient désormais plus au clan présidentiel, encore moins à Bouteflika, mais au «pouvoir réel», à l’armée.
Avec un dossier aussi documenté, il ne s’en trouvera personne, à l’intérieur comme à l’extérieur, pour crier au putsch. Mais, même en vidant cet abcès de fixation qui a cristallisé la colère des Algériens, il se trouve que les revendications de la rue ont désormais changé, non pas de degré, mais de nature en exigeant, dans le sillage du renoncement au 5e mandat, le départ du système. La nomination d’un nouveau directeur de campagne de Bouteflika quelques heures avant la clôture de l’opération de dépôt des candidatures ne signifie pas que la candidature est maintenue.
Dans cette course contre la montre, cela pourrait être le dernier baroud d’honneur que voudrait s’offrir le clan présidentiel en faisant valider envers et contre tout et tous la candidature de Bouteflika. Quitte, par la suite, à la retirer en douceur pour raison médicale à l’exemple de l’ancien président tunisien, Habib Bourguiba. Sauf que ce dernier n’a pas opposé de résistance. La journée d’aujourd’hui sera décisive et éclairera un peu mieux sur les intentions du pouvoir pour faire face aux revendications de la rue.