Tribune. Pourquoi il ne faut pas encore crier victoire en Algérie



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Est-ce la fin du système de gouvernance archaïque et dictatorial en Algérie et le commencement d’une nouvelle ère d’une démocratie indubitable que le peuple algérien est entrain d’écrire sur une  page d’histoire immaculée avec les manifestations historiques qui drainent des milliers voire  des millions d’algériens dans les rues ?

 

Chanteur congolais engagé, Youss Band  immortalise  dans sa célèbre chanson « La dictature » où il dénonce sans raccourcis plusieurs dignitaires africains à leur tête Dénis Sassou Nguesso, Robert Mugabe, Biya Paul, Omar Bongo dont la longévité au pouvoir dans leurs pays respectifs n’est pas à démontrer.

L’Afrique du Nord justement n’échappe pas à cette règle si chère aux dictateurs. Bourguiba en Tunisie, Kadhafi en Libye, la monarchie oppressive au Maroc et le règne absolu du F.LN sous couvert de la junte militaire en Algérie.

Sans scrupules, ni aucune once de patriotisme, ni aucun sens de responsabilité, les dirigeants algériens tout titres confondus régnèrent en maîtres absolus sur la terre des algériens libérée par les algériens en cumulant d’innombrables années de pouvoir le moins que l’on puisse dire sombres , misérables et néfastes pour le peuple, mais sources de profits mercantiles incommensurables, de richesses sans limites et de privilèges béants pour les tenants du pouvoir ayant échafaudé la corruption hémorragique, l’injustice, le mépris, le détournement de fonds, la violence, l’autoritarisme, la dictature tout court  en règles d’or depuis 57 ans.

Après son indépendance en 1962, le peuple endure l’une  des dictatures des plus perfides et sournoises, des plus violentes et  sanglantes de l’histoire du continent . Le pays sombra vite dans le règne obscur  mené par le clan d’Oudjda  dont les tanks prirent d’assaut les rênes du pouvoir dictatorial et en un éclair la liesse populaire se transforma en désenchantement ahurissant après sept ans de guerre douloureuse livrée contre le colonialisme. La dissidence du Front des Forces Socialistes de feu Hocine Ait Ahmed lui fut fatale.

Des centaines de militants du FFS tombèrent au champ d’honneur en 1963 pour dire non au détournement des idéaux de la révolution confisquée par Ben Bella et consorts, éjectés en juin 1965 par Boumediene, militaire à la main de fer, embusqué dans sa caserne et n’attendait que l’aubaine d’un coup d’état au nom du « redressement révolutionnaire » pour mettre à genoux le destin de l’Algérie indépendante. Il proclama la révolution agraire, le socialisme dogmatique, le triste automne des liquidations physiques sonna pour tout opposant à sa politique comme Krim, Medeghri, Khider, des colonels de l’armée, les acolytes de Zbiri…etc.

L’arabisation à outrance bascule l’école dans l’ignorance. Le recours à la torture et à la violence  furent systématiques. Comme un trou noir, la sécurité militaire engloutit dans son sillage toute voix discordante et sème la terreur dans le cœur de l’Algérie jusqu’au printemps berbère de 1980 où le vent de la démocratie vient de secouer sérieusement le pouvoir de façade de Chadli Ben Djedid qui venait de succéder à Boumediène. De 1979 à 1992, Chadli promut l’économie de bazar sous le commandement des généraux. Les riches s’enrichissent davantage et les pauvres s’appauvrissent sans relâche.

En 1988,peu après l’assassinat de Mecili,avocat et opposant farouche du pouvoir algérien, les chars envahirent de nouveau la rue et les militaires sous le commandement de Nezzar tiraient à bout portant sur les jeunes de l’époque exaspérés de vivre étouffés sous la chape de plomb  du parti  unique.

En février 1992,le pays rentre dans l’état de siège qui s’éternise pendant dix neuf ans. Multipartisme, libertés d’expression et de manifestation sont vite rayés de la carte de l’Algérie après le vent d’espoir d’octobre pour céder la place, pour la énième fois, aux militaires sous la houlette du haut comité d’état dirigé par Mohamed Boudiaf qui ne tarda pas à rendre son âme. Le lieutenant Boumarafi l’a assassiné froidement à Annaba en juin 1992. Bien sûr, on nous dit que s’était un acte isolé pour ne pas avouer leur forfait. Mais personne n’est dupe en Algérie. S’ensuivirent des luttes claniques sans merci qui font rage au haut sommet de l’état; un  terrorisme islamiste féroce et aveugle, massacres des populations, assassinats de la crème des intellectuels algériens tels  Tahar Djaout,Said Mekbel, Boucebci,Flici,Smaïl Yefsah…etc.

Militant des droits de l’homme, Lounes Matoub, chanteur  Kabyle engagé et rebelle subversif  paya le prix à son tour  pour son engagement indéfectible  dans un combat aguerri contre le système corrompu; un traquenard mortel lui est tendu sous un soleil accablant en son propre fief, la Kabylie .Le lendemain du 25 juin 1998,la rue scandait « Pouvoir assassin ». Au printemps 2001,cette région frondeuse est mise à feu et à sang. Martyrs de la liberté,128 jeunes sont assassinés à ciel ouvert par les gendarmes  sans que justice leur soit rendue. La corruption atteint son paroxysme : Affaires Khalifa,Sonatrach, autoroute est-ouest…etc.La vallée du Mzab est embrasée. Les journalistes et militants des droits de l’homme sont incarcérés .Chômage, misère sociale, banditisme émergent dans la société malgré la manne pétrolière sans précédent. La constitution est violée. Le pouvoir tambourine à qui veut l’entendre avec  ses élections loufoques…etc. Le peuple en a ras-le-bol.

Sous le ton de Youss Band «Allez-y dire à Bouteflika, 20 ans de pouvoir, que c’est trop. Mais c’est ça qu’on appelle, la dictature !»

Présentement, le pouvoir algérien nous impose encore le même homme. Après ses 20 ans de règne visiblement insuffisants, il est clair comme l’eau de roche que le dessein du système en place est de perdurer à l’infini en aliénant le peuple tantôt avec le pouvoir des armes tantôt avec  celui de l’idéologie arabo-islamiste. Mais force est pour nous de constater que «Quand la dictature doit faire face à une force solide, sûre d’elle-même, dotée d’une stratégie intelligente, avec des actions disciplinées, courageuses et vraiment puissantes, elle finira par s’écrouler»

Aujourd’hui le peuple a parlé et a tracé la véritable voie de sa libération en brisant le joug de la tyrannie supporté pendant des années. La voix de la jeunesse algérienne, nouvelle génération rebelle, retentit partout dans le pays, son écho porteur d’espoir et de résilience est entendu dans le monde subjugué par toutes les manifestations monstres et  pacifiques du printemps 2019 charriant l’ultime butin de lutte acharnée pour arracher enfin la liberté des griffes de ces dictateurs endurcis. Les bourgeons de la démocratie en Algérie renaissent de leurs cendres après le soulèvement de 1988,vite détourné au profit de la violence impitoyable d’une décennie noire maculé du sang d’algériens qui tuaient d’autres algériens. Tenaillé entre l’hydre du terrorisme islamiste  qui étêta toute plume laïque et avant-gardiste et le pouvoir totalitaire à l’appétit vorace qui forgea «la sécurité nationale» comme alibi à son maintien, le peuple  se replie dans la « peur »en attendant de jours meilleurs pour rebondir.

Le constat est sans appel .D’une part, l’écart entre les aspirations du peuple à la démocratie, à la justice, à la liberté, aux droits fondamentaux et d’autre part la gestion dictatoriale et oppressive  de la cité par le pouvoir algérien est tellement béant qu’on ne puisse imaginer une conciliation entre ces deux pôles contraires. Le point de non retour est atteint, car la société en masse a discrédité tout le système en place depuis 57 ans; elle a rejeté désormais toute soumission en brisant les chaînes du silence dont la durée fut longue et pénible, pour dérouler le tapis à la détermination ,au courage à la foi en soi. La solution pacifique demeure inévitablement la seule alternative pour tourner une nouvelle page d’histoire et marquer une rupture radicale avec le système unique et féodal qui a longtemps violenté, humilié et bafouillé les droits de tout un peuple.

L’heure de vérité a sonné, l’espoir a triomphé, la bataille symbolique de la rue est gagnée, mais avant de crier victoire ne faut-il pas méditer ces quelques mots de Gene Sharp encore : « Les démocrates doivent se méfier des pièges qui peuvent leur être tendus par les dictateurs au cours du processus de négociation. L’ouverture de négociations alors que des questions fondamentales de libertés civiles sont en jeu peut n’être qu’une ruse du dictateur visant à obtenir la paix ou la soumission des opposants alors que la violence de la dictature se perpétue».

Par Ali Atman, Enseignant à Montréal 


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