L'indiscipline gagne le FLN

Le parti du président Abdelaziz Bouteflika vit actuellement la crise politique la plus aiguë de son histoire depuis plus de quinze ans. Après avoir défendu bec et ongles, mais sans conviction réelle, le maintien de Bouteflika à la magistrature suprême, le FLN est à la croisée des chemins avec le rejet massif et populaire des dernières annonces présidentielles. Une situation qui a créé au sein de la formation des tensions internes et organiques. La cohésion des cadres et militants n'est plus qu'un vieux souvenir. Des chapelles s'organisent, des défections sont annoncées quotidiennement. Désormais, c'est l'indiscipline qui règne au sein du FLN, puisque des dizaines de mouhafedhs ont apporté leur soutien au mouvement citoyen et leurs marches pacifiques.

Pratiquement, les trois quarts des mouhafehs ont dénoncé la démarche de Bouchareb, le chef de l'instance provisoire du parti, qui voulait lancer un vaste chantier, celui des préparatifs pour la tenue d'un congrès extraordinaire, la première semaine du mois de mai prochain. Ces responsables régionaux, colonne vertébrale du vieux parti, ont qualifié d'”illégitime” l'instance dirigeante du FLN : « Nous refusons globalement et dans le détail toute décision ou instruction venant de cette instance et nous refusons de travailler avec ses délégués. Nous appelons les membres du Comité central à se réunir dans les plus brefs délais pour élire une nouvelle direction du parti », ont-ils écrit dans leur déclaration dont nous possédons une copie.

Critiqué d'une manière virulente pour ses positions, et sans appui de la base, Bouchareb sait que le FLN est dans une situation intenable, naviguant au milieu de la tempête populaire et qui doit se replacer avant les grandes manœuvres politiques qui vont commencer bientôt. Selon le nouveau porte-parole du FLN, Hocine Khaldoun, la tenue de ce congrès, c'est pour dépasser le complexe de l'absence de légitimité. « Nous voulons que le prochain congrès soit rassembleur pour élire une nouvelle direction et changer la vitrine du parti. Si demain la Conférence nationale (voulue par le président Bouteflika) se réunit, une direction légitime doit être présente pour parler au nom des militants », a précisé Hocine Khaldoun. Pour ce dernier, le FLN n'a jamais été contre le mouvement

populaire. « Le FLN, qui est sorti des entrailles du peuple, ne peut pas être contre lui. Ce mouvement a libéré beaucoup d'anciens dirigeants du parti qui, aujourd'hui, peuvent dire ce qu'ils ne pouvaient pas auparavant. Le système actuel a marginalisé le rôle du FLN. Le FLN a décroché la majorité au Parlement, mais il ne dirige pas » le pays, a-t-il ajouté.

Cependant, avec les problèmes et les difficultés que certains émissaires de l'instance ont connu lors de leurs passages au sein des mouhafadhas, les préparatifs pour ce congrès risquent d'être compromis. Pressés par le temps et la crise politique, certains dirigeants nouveaux et anciens au FLN estiment qu'il faut aller très vite en plébiscitant Abdelaziz Belkhadem, l'ex-secrétaire général. Selon leurs assertions, c'est la carte gagnante actuellement pour le parti, étant donné qu'il a bonne réputation chez les militants et qu'il ne s'est jamais mouillé dans les querelles intestines qui ont secoué le parti récemment. De plus, Belkhadem semble jouir également d'une réputation de fin connaisseur des appareils et des rouages de l'Etat et du parti. S'il est vrai qu'il traîne encore des adversaires dans son sillage, Belkhadem n'a jamais été qualifié de dictateur, et il a toujours privilégié le fonctionnement légal et la légitimité des organes du FLN.

Mais il existe d'autres prétendants qui veulent diriger le vieux parti. D'anciens responsables qui aspirent à conduire le FLN dans cette conjoncture, à le reconstruire différemment et à le propulser dans la modernité. Tous disent qu'ils ont des groupes et des soutiens, comme les redresseurs ou les centralistes du Comité central.