Pour une alternative institutionnelle de sortie de crise



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La décision du président de la République de reporter l’élection présidentielle a provoqué une nouvelle fois une crise institutionnelle sans précédent et d’une grande complexité. Toutes proportions gardées, elle rappelle cependant la crise créée en 1991 par le Conseil constitutionnel dans sa déclaration du 11 janvier dans laquelle il avait considéré que «la Constitution n’a pas prévu dans ses dispositions le cas de conjonction de vacances de l’Assemblée nationale par dissolution et de la présidence de la République par démission».

Cette interprétation, pour le moins contestable au regard du droit, l’avait conduit à quitter les logiques constitutionnelles pour estimer que l’exercice du pouvoir politique soit transféré «… aux institutions investies de pouvoirs constitutionnels…»

On sait quelles ont été les conséquences politiques et institutionnelles d’une telle déclaration qui confine au déni de responsabilité. Elle a eu pour effet une mise entre parenthèses de la Constitution et l’improvisation d’institutions de transition (Haut Comité d’Etat, Conseil consultatif national, Conseil national de transition…) qui ont eu la lourde tâche d’exister et de se substituer aux différents pouvoirs constitutionnels. Mais ce faisant, elles portaient aussi les causes de la crise en permettant à un régime politique disqualifié en Octobre 1988 de se remodeler.

Le parallèle entre ces deux moments de l’histoire politique et institutionnelle de l’Algérie peut paraître inopportun aujourd’hui. Pour autant, il permet de prendre la mesure des conséquences liées à l’improvisation de solutions avancées au mépris des dispositions constitutionnelles et des nouveaux errements qu’elles pourraient provoquer.

Sans fondement juridique, la décision du président de la République de reporter les élections procède de cette logique et de cette tentation récurrente de suggérer des solutions en marge de la Constitution, éludant par la même la question de son non-respect. Outre qu’elle ne semble pas recueillir l’adhésion de l’opinion ainsi que celle de la plupart des acteurs politiques et sociaux, cette décision conduit à se défaire des logiques constitutionnelles, à exacerber les mécontentements et à exposer l’Etat (sinon la nation) à de nouvelles incertitudes.

L’alternative proposée d’organiser une «Conférence nationale inclusive», est porteuse de risques pour les institutions, l’unité de l’Etat et les principes qui fondent l’ordre républicain acquis au prix de lourds sacrifices et par sédiments successifs depuis l’indépendance de notre pays.

Au-delà des questions liées à sa légitimité ainsi que celles relatives à la représentativité de sa composante, cette Conférence ne peut que susciter des controverses sans fin et des débats stériles autour de questions qui ne feront pas consensus au regard du contexte actuel. Il se trouvera des «leaders» pour réveiller les vieux démons ou pour se poser comme «représentants» de l’expression populaire. Les idéologues péremptoires trouveront aussi motif pour exhumer les vieilles querelles et raviver les tensions autour de questions marginales au regard des enjeux et du devenir bien compris du pays. C’est dire que la seule alternative de sortie de crise aujourd’hui demeure, en dépit de sa complexité, le retour au texte constitutionnel, à ses logiques et aux solutions qu’il préconise dans ses principes autant que dans ses énoncés.

Ces principes sont définis, entre autres, au chapitre 2 de la Constitution dont les articles 7 et 8 disposent que : «Le peuple est la source de tout pouvoir. La souveraineté nationale appartient exclusivement au peuple.» «Le peuple exerce sa souveraineté par l’intermédiaire des institutions qu’il se donne.»

Afin de donner effet à ces principes et permettre au peuple d’élire librement ses représentants comme cela apparaît sans équivoque à travers l’expression populaire, il convient de lever les hypothèques qui se dressent face à la mise en œuvre des dispositions de l’article 102 de la Constitution (état d’empêchement, démission) avant la date du 28 avril 2019. Dans le même mouvement, les autres acteurs institutionnels concernés devraient pouvoir puiser dans «leurs réserves de dignité» (et pour tout dire de leur totale disqualification) pour permettre la mise en place d’un processus à même de redonner sens et avenir à notre pays.

Une telle mesure permettra de préparer de manière consensuelle les conditions et les garanties nécessaires pour la tenue de l’élection du président de la République dans des délais raisonnables et régler une fois pour toutes la question de la légitimité de l’exercice du pouvoir dans notre pays. Une exigence sans cesse différée. Le président de la République, une fois élu démocratiquement, pourrait, s’il le juge opportun, soumettre à référendum tout projet de révision de la Constitution portant sur un réaménagement de l’organisation et des attributions des différents pouvoirs publics.

Cette alternative différente des expériences qui ont fait la preuve de leurs limites par le passé, plus respectueuse des textes existants pour réguler le politique et en phase avec l’expression populaire, est plus opportune et mérite d’être empruntée.

Elle est celle qui permet de rejoindre la pratique courante des grandes démocraties. Elle est de nature à enraciner l’idée d’un Etat de droit dont il est heureux de constater qu’il s’agit d’une demande forte de la nation, et celle d’une société qui cherche à évoluer et non à être remodelée.

Le temps n’est pas celui d’une simple révolte non plus que celui de simulacres, mais celui d’une refondation politique et institutionnelle articulée autour de l’idée de Constitution effective.

 

Par Walid Laggoune

Professeur de droit public, Université d’Alger 1

 


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