Les initiatives et propositions de sortie de crise ne trouvent aucun écho.. Quel avenir pour la Protesta?



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Des voies, et elles sont nombreuses au sein du mouvement populaire, estiment que ce n’est pas le moment de parler de représentativité, appelant à la poursuite de la mobilisation pour le départ du système et ses symboles.

Samedi, lors de leur sixième réunion, des partis et des personnalités politiques de l’opposition ont proposé une feuille de route pour une sortie de crise, alternative au mouvement populaire qui se poursuit et réclame le départ du régime en place. Certes, la représentativité de cette démarche manque terriblement de crédibilité pour espérer être la locomotive, eu égard aux défections importantes dans ce camp parmi les grands et traditionnels partis. Mais, comme toutes les initiatives déjà posées sur la scène politique, elle ne suscite que peu d’engouement au sein du peuple. Cette problématique commence à se poser sérieusement, au fur et à mesure que les manifestations de chaque vendredi se succèdent sans pour autant qu’un plan adopté par tous vienne se profiler à l’horizon. Des voies, et elles sont nombreuses au sein du mouvement populaire, estiment que ce n’est pas le moment de parler de représentativité, appelant à la poursuite de la mobilisation pour le départ du système et ses symboles.
Le mouvement populaire est un fait et est une force. Il n’y a pas de divergences là-dessus. Même le pouvoir qui, il y a à peine deux mois, était dans le délire du cinquième mandat, ne s’est pas attendu à un soulèvement de toutes les catégories du peuple algérien, et de la manière pacifique et civique que l’on sait tous. Mais, depuis le 22 février, des initiatives d’un collectif d’ONG, d’un groupe d’intellectuels et d’universitaires, puis de partis politiques se multiplient. Seulement, pour les Algériens qui s’expriment lors de différentes actions, l’urgence est dans le départ de tous ceux qui ont géré le pays durant ces 20 dernières années. Comprendre qu’il ne peut y avoir de décantation sans que le président Bouteflika ne quitte son poste. D’ailleurs, la feuille de route qu’il a proposée en désignant Noureddine Bedoui comme nouveau Premier ministre, avec pour mission de former un gouvernement de technocrates, promettant une conférence inclusive tout en prolongeant son 4e mandat, est rejetée.

Le départ de Bouteflika comme préalable
Cependant, à détailler dans le contenu des propositions venant d’acteurs et d’organisations de la société civile, il s’avère que le départ du chef de l’Etat est un préalable à toute sortie de crise. L’opposition, réunie avant-hier, a suggéré par exemple le transfert, après le 28 avril, des prérogatives du Président sortant à une instance présidentielle composée de personnalités honnêtes et crédibles. Pourquoi alors la rue continue-t-elle de refuser les solutions proposées ici et là ? S’il est «légitime» de refuser le plan du pouvoir à l’origine de la crise, et qu’on ne veut en aucun qu’il participe à la solution, il est pour le moins paradoxal que le peuple s’entête dans «le tout rejet». Si les choses restent en l’état, le mouvement risquerait l’essoufflement, voire le dérapage si quelques tentatives d’infiltration parviennent à leurs fins. D’autre part, certains évoquent la transformation des manifestations en des rendez-vous festifs où les marcheurs chantent et dansent chaque vendredi, s’éloignant de plus en plus de l’essentiel. Certes, les Algériens exportent une belle image de protestation pacifique. Seulement, il ne faut surtout pas tomber dans le folklore, et oublier qu’il s’agit d’un combat pour instaurer un Etat de droit, de démocratie et de libertés.

Risques…
Aussi, continuer à rejeter tous les plans de sortie de crise risquerait d’enfoncer le pays encore plus dans le chaos. La constitutionnaliste, Fatiha Benabou, de ce fait, déclare qu’il ne faut pas remettre en cause toutes les institutions, au risque de provoquer «l’effondrement de l’État et de se retrouver dans une situation de vide constitutionnel et d’anarchie». «Procéder ainsi serait ouvrir la boîte de Pandore», a-t-elle averti, rappelant qu’après le 28 avril, date de la fin du mandat de Bouteflika, «le pays entrera en crise institutionnelle». D’où l’urgence pour l’ensemble des acteurs et pour la rue d’adopter une vision commune pour une sortie de l’impasse.
Et cela ne peut passer que par la désignation d’une représentativité, horizontale soit-elle, du mouvement. L’idée d’animer des débats dans les communes pour faire sortir des délégués qui s’organiseront au niveau des daïras, puis des wilayas, avant d’arriver à une sorte de collectif national, est la voie la plus démocratique. Elle risque de prendre du temps, certes, mais elle aura le mérite d’être fiable et indiscutable en termes de crédibilité. Et si le peuple s’y mettait de suite ?
Aïssa Moussi


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