Congrès réunificateur libyen de Ghadamès

Haftar et Al Sarraj ont-ils conclu un deal ?



...

Les observateurs assurent que la population civile de l’Ouest libyen attend avec impatience l’entrée de l’armée de Haftar. Laquelle population aspire à retrouver la stabilité vécue à l’Est, grâce à l’armée, voire même le regain rapide de quiétude, constatée au Sud, suite à la campagne de l’armée.

Toutefois, cette euphorie citoyenne n’est pas partagée par une partie de la classe politique et des groupes armés, notamment les mouvances proches de l’islam politique. Lesquels groupes expriment également des craintes par rapport au congrès réunificateur de Ghadamès, susceptible de passer un accord intronisant Haftar.

Les notables de Misrata, réunis jeudi 21 mars, veulent être mieux informés concernant les invités du congrès réunificateur de Ghadamès, prévu du 14 au 16 avril par l’envoyé spécial de l’ONU. Ghassen Salamé dit que la position majoritaire sera adoptée par le congrès et appliquée sur le terrain.

Les gens de Misrata ne veulent pas se retrouver minoritaires au congrès réunificateur, de facto, au cas où Salamé aurait déjà invité des profils favorables à un deal entre Khalifa Haftar et Fayez Al Sarraj. Les gens de Misrata expriment, surtout, des craintes par rapport au caractère civil de l’Etat et ne veulent pas que Haftar ait la mainmise sur l’Etat libyen, d’une manière ou d’une autre.

Les mêmes réserves ont été exprimées par le président du Conseil de l’Etat, Khaled Mechri, lors de sa visite à Moscou. Le frère musulman Mechri a demandé à Moscou de garder la structure de l’article 8 de l’accord de Sekhirat de décembre 2015, soulignant que c’est le Conseil de la présidence qui nomme la hiérarchie militaire.

Les craintes de ces parties libyennes sont suscitées par les bruits courant, ici et là, sur un deal passé à Abu Dhabi entre le chef d’état-major de l’Armée nationale libyenne (ANL), le maréchal Khalifa Haftar, et le président du Conseil de la présidence libyenne, bénéficiant du soutien de la communauté internationale, Fayez Al Sarraj.

Les principaux termes de ce deal consistent en trois points. D’abord, la réduction à trois des membres du Conseil de la présidence : Fayez Al Sarraj et deux vice-présidents de l’Est et du Sud. Ensuite, il y aura une instance supérieure des forces armées, comprenant Al Sarraj ou son représentant, Haftar et un militaire, choisi par Misrata.

Les décisions prises par les deux instances citées, politique et militaire, se prennent à l’unanimité. Enfin, un gouvernement de technocrates, indépendant du Conseil de la présidence, veillera aux affaires courantes du pays. Le Conseil de la présidence est chargé de la transition politique.

L’ombre Haftar

Tout le monde est convaincu en Libye que Haftar est assimilé pour les islamistes au Al Sissi libyen. Les mouvances islamistes, proches des Frères musulmans et de l’axe Doha-Ankara, craignent la montée en puissance de Khalifa Haftar et veulent éloigner ce scénario de la Libye. Toutefois, la réalité du terrain a montré que l’homme fort de l’Est libyen est parvenu à se faire de la sympathie partout dans le pays.

Il s’est même imposé à la communauté internationale, qui était réticente au départ. Haftar est perçu comme l’unique autorité militaire par les puissances étrangères puisque Fayez Al Sarraj n’est pas parvenu à monter une armée régulière, ni à stabiliser l’Ouest libyen.

Le juge Jamel Bennour, ex-chef du Conseil local de Benghazi entre 2012 et 2013, alors qu’elle était la capitale de la révolution, explique la réussite diplomatique et populaire de Haftar par deux raisons.

D’une part, Haftar a fait preuve de la rigueur d’un homme d’Etat dans la question du pétrole ; il n’a pas cherché à créer des problèmes avec la Banque centrale et l’Entreprise nationale du pétrole malgré sa mainmise sur les trois quarts du pétrole libyen. D’autre part, l’Armée nationale libyenne a fait preuve de discipline dans sa campagne du Sud. Il n’y a pas eu d’incidents interlibyens, sauf quelques affrontements à Merzek, vite cernés par l’ANL.

Par ailleurs, la campagne s’est accompagnée de la stabilisation de la région, à travers une réduction notable de l’influence des terroristes et des réseaux criminels, sans oublier l’amélioration de l’approvisionnement de la région en carburant, vivres et cash dans les banques.

«Tout simplement et sans faire trop d’analyses, la population du Sud soutient clairement Haftar puisqu’elle voit son quotidien s’améliorer depuis l’arrivée de l’armée ; la population de l’Ouest attend impatiemment Haftar pour les mêmes raisons de stabilité», conclut le juge. Il est également vrai que les islamistes le craignent parce qu’il s’inspire d’Al Sissi. Mais, attendons de voir avant de tirer des conclusions définitives.


Lire la suite sur El Watan.