Entre soutien du régime et admiration du mouvement populaire

Que cache la position ambiguë de la France ?



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Depuis le 22 février, la France officielle ne sait plus sur quel pied danser en ce qui concerne sa prise de position diplomatique envers le régime algérien. Malgré un semblant de soutien au mouvement populaire ces quelques derniers jours, le gouvernement français reste au fond très attaché à la feuille de route tracée par l’entourage du président Abdelaziz Bouteflika, qui veut imposer une transition politique contrôlée et aseptisée.

Et ce, afin de s’assurer que les intérêts de tous les partenaires et alliés du régime, nationaux et étrangers, soient protégés et pérennisés. Or, il s’agit de rompre un secret de Polichinelle de préciser que la présidence Bouteflika garantissait aux Français une panoplie privilégiée de partenariats économiques, plus que gagnants, ainsi qu’une coopération plutôt efficace sur le plan sécuritaire et la lutte contre le terrorisme international.

C’est pourquoi, entre autres, les déclarations successives au sujet de la révolution démocratique pacifique en cours dans notre pays du président français, Emmanuel Macron, et de son ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, sont toujours aussi ambiguës les unes que les autres. C’est le moins qu’on puisse dire ! «L’Algérie est un pays souverain qui assume ses responsabilités et la France ne s’ingérera pas…

C’est l’Algérie qui décidera de son avenir», a déclaré Le Drian vendredi dernier, mine de réfuter les accusations portées par les manifestants et plusieurs acteurs de l’opposition soupçonnant la France de soutenir encore le pouvoir aux abois. Tout en exprimant au journaliste Jean-Jacques Bourdin, qui le recevait sur BFM TV/RMC, son admiration de «la force de ce mouvement démocratique et le civisme des manifestations» ainsi que des Algériens qui «font preuve d’une grande dignité», le patron du Quai d’Orsay a affirmé sans sourciller : «Pour l’instant, c’est toujours le président Bouteflika qui dirige l’Algérie.» Il corrobore ainsi une nouvelle fois la thèse et le discours officiel du clan présidentiel sur ce sujet.

En effet, ce n’est pas la première fois que le diplomate français vient au secours des décideurs de l’ombre, avec un ton parfois très «décomplexé», fermant les yeux sur le caractère antidémocratique et anticonstitutionnel de leurs projets.

Le 6 mars dernier, alors que les Algériens se mobilisaient par millions contre la candidature de Bouteflika pour un 5e mandat, il s’est exprimé clairement en faveur de «laisser le processus électoral se dérouler». Cinq jours plus tard, le 11 mars, il a fait un revirement pour s’aligner sur la position de l’alliance présidentielle algérienne en saluant la décision du Président sortant de ne pas briguer un nouveau mandat, cédant à la colère populaire.

Non seulement la France, par la voix du chef de sa diplomatie, a encensé Bouteflika qui aurait pris «des mesures pour rénover le système politique algérien», mais elle a vu dans son renoncement, pourtant forcé, «l’espoir d’une nouvelle dynamique à même de répondre aux aspirations profondes du peuple algérien».

Le lendemain, dans le même sens, le président Macron a publié un tweet, quasiment «ironique» selon l’expression de certains réseauteurs algériens. «La jeunesse algérienne a su exprimer son espoir de changement avec dignité. La décision du président Bouteflika ouvre une nouvelle page pour la démocratie algérienne. Nous serons aux côtés des Algériens dans cette période nouvelle, avec amitié et avec respect», a-t-il écrit.

Puis, le jour-même, lors d’une conférence de presse, il s’est permis de soutenir l’idée de la Conférence nationale de transition en faisant le vœu qu’elle soit tenue «dans un délai raisonnable». «Je pense que c’est un signe de maturité, nous ferons tout pour accompagner l’Algérie dans cette transition avec amitié et avec respect», a-t-il conclu. Ce qui n’a pas manqué d’alimenter davantage les rumeurs sur l’implication de Paris directement dans la vie politique algérienne, en soutenant le régime et en validant tous ses plans vains de sortie de crise.

Depuis plusieurs semaines, les médias français essayent de décortiquer et d’expliquer cette position, au mieux «prudente» au pire «complaisante», en la renvoyant généralement à la crainte exprimée par l’Elysée quant à l’absence d’une vision claire de l’après-Bouteflika. «Le cauchemar de Macron c’est l’Algérie !», a révélé notamment le Nouvel Observateur. Ce qui l’inquiéterait le plus, c’est la possibilité d’un afflux massif de réfugiés et la dégradation de la situation sécuritaire dans la région en cas de déstabilisation majeure de notre pays.

L’autre hypothèse, c’est que le gouvernement français aurait peur de perdre certains privilèges et intérêts économiques, particulièrement dans le secteur de l’énergie.

Le futur régime algérien pourrait notamment remettre en question les différents accords entre les deux pays dans ce secteur. Le risque pour ses investissements en Algérie, c’est aussi que le prochain Président et institutions législatives, élus démocratiquement, procèdent à un assainissement de la situation financière et juridique d’une certaine oligarchie en affaires avec des grandes entreprises françaises.


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