La sortie de crise

quelle juste voie ?



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Plus un jour ne passe sans rapprocher le pouvoir en place de sa fin. Cette fin aurait pu être apaisée et sereine. Elle se déroule dans la houle et la tourmente.

Les mythes de l’homme miraculé et miraculant n’apportent rien de bon à ceux qui s’y laissent prendre. Surtout, au moment de se dissiper, ces mythes étalent leurs ravages aux yeux de ceux qui ont longtemps été sommés de les croire et de les accepter.

Le régime politique en place dans notre pays a été bâti sur l’un de ces mythes destructeurs. Il a valu à l’Algérie deux décennies de gouvernance ruineuse. Même la fin de ce régime et de sa gouvernance qui s’annonce vaudra à notre pays une lourde facture politique, économique et sociale qui aurait pu lui être épargnée.

Oui, cette facture sera assurément lourde et tout l’enjeu du moment est de la contenir dans les limites du supportable. C’est cette exigence capitale qu’il est de notre devoir de mettre au cœur de tout règlement de la grave crise politique, constitutionnelle et institutionnelle, sur laquelle s’achèvent deux décennies de pouvoir totalitaire de la République.

En effet, le 28 avril 2019, le président de la République en exercice ne deviendra pas par magie président de l’Etat, comme certains veulent le faire accroire. Il ne sera ni plus ni moins qu’un Président putschiste dans tous les sens politiques et constitutionnels de cette qualité très peu flatteuse.

Il ne fait aucun doute que le régime politique en place vit ses derniers instants après que le peuple l’ait condamné au départ. Ces derniers instants sont comptés dès lors que la révolution populaire pacifique gagne en ampleur et en adhésion, et se consolide en termes de détermination et de résistance. Ces derniers instants sont comptés, aussi, dès lors que le pouvoir en place entame un cycle d’implosion et que les grandes maisons des allégeances clientélistes s’effondrent les unes après les autres.

Ces derniers instants sont également comptés dès lors que même la formation de son gouvernement ressemble de plus en plus à une collection d’appels d’offres infructueux. Ces derniers instants sont, enfin, comptés dès lors que même les mains étrangères ne peuvent être d’aucun secours à un régime politique, dont le peuple lui-même a déjà scellé le sort.

C’est dire qu’il est grand temps que nos priorités soient ordonnées. J’en vois pour ma part essentiellement trois :

• C’est un premier devoir pour nous d’éviter que l’effondrement du régime politique actuel n’affecte l’intégrité et la pérennité de l’Etat national ; l’Etat national est notre bien collectif le plus précieux. Il n’y a pas devoir patriotique plus grand que celui de le protéger et de le défendre, à un moment où le pouvoir en place, saisi de désarroi et gagné par la panique et la déraison, le menace dans sa survie.

• C’est un deuxième devoir pour nous, de tenir compte de l’extrême sensibilité de la phase actuelle, à l’effet de mettre la grande transformation politique qui attend notre pays sur la juste voie qu’elle mérite. Evitons de toutes nos forces de rééditer dans cette phase critique les mêmes méthodes, les mêmes pratiques et les mêmes approches du régime politique en place, contre lequel le peuple a prononcé le jugement le plus lourd, celui de sa condamnation au départ dans le discrédit et le désaveu.

De ce point de vue, il n’y a plus place pour le paternalisme et pour les tutelles, tout comme il n’y a plus place pour toutes les tentatives actuelles fondées plus sur la cooptation et l’entre-soi que sur la représentativité véritable et la légitimité irrécusable que le peuple souverain est le seul à pouvoir conférer.

• Enfin, c’est un troisième devoir pour nous de veiller à opter pour le type de transition le moins lourd à supporter politiquement, économiquement et socialement. Notre attention se focalise, à raison, sur la sortie de crise. Mais dans le choix des types de sortie de crise, nous devons prêter la même attention à la situation générale du pays. La machine infernale de la planche à billets fonctionne à plein régime ; des projets économiques sont à l’arrêt ; les prix à la consommation flambent ; les investissements internes ou externes sont en attente ; la fuite des capitaux s’accélère et toute l’administration du pays est dans l’expectative.

Chacun sait que la santé financière du pays n’est pas bonne et que sa situation économique est très peu reluisante. Le temps compte, car nous sommes engagés dans une véritable course contre la montre. De ce point de vue, la préparation de la transformation de notre système politique devra être pensée, conçue et menée de manière à en contenir les coûts politiques, économiques et sociaux.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? En une phrase, je répondrais que nous sommes exactement au point de bascule vers une transformation démocratique de notre système politique.

La gestion de ce point de bascule représente le défi de l’heure. En effet, le devenir de la transition démocratique elle-même est étroitement lié à la qualité de cette gestion dont la finalité n’est rien moins que de préparer le terrain le plus favorable possible à cette transition.

De ce point de vue, il y a lieu de relever que ce point de bascule intervient dans des conditions exceptionnelles et qu’en conséquence, sa gestion exige des mesures et des dispositions non moins exceptionnelles.

Il est clair, aux yeux de tous, que ces conditions exceptionnelles ont été créées par des forces extra- constitutionnelles – des forces hors la loi et en rébellion ouverte contre la Constitution – et par le régime politique en place qui n’est plus désormais que la couverture politique de leurs manœuvres et de leurs manipulations.

Quelles sont ces dispositions et mesures à prendre à l’effet d’éviter au pays, après le 28 avril prochain, de subir l’impact ravageur d’une instabilité ascendante ? La prise de ces dispositions et ces mesures ne requiert pas une réflexion prodigieuse, car leurs jalons sont déjà posés ; elle n’exige pas non plus des capacités de discernement exceptionnelles pour les identifier ; et elle demande encore moins d’exégèse sophistiquée pour leur application.

A voix haute et sans équivoque aucune, la révolution populaire pacifique en cours a elle-même précisé le contenu de ces dispositions et de ces mesures et en a dicté les termes. Dès lors, il ne reste à tous les concernés qu’à être à l’écoute et à transformer ces demandes raisonnables et praticables en une feuille de route populaire de nature à permettre au pays de sortir de la grave impasse politique actuelle dans les conditions les moins préjudiciables pour lui.

De ce que cette révolution populaire pacifique demande, il y a lieu de retenir des mesures d’apaisement clairement identifiées :

• En premier lieu, l’annulation pure et simple de la décision unilatérale de prorogation du 4e mandat présidentiel en violation franche et flagrante de la Constitution de la République.

• En deuxième lieu, l’arrêt de la formation du gouvernement qui a pris une tournure affligeante par la mise aux enchères de postes ministériels qui peinent à trouver preneur.

• En troisième lieu, la dissolution des deux Chambres du Parlement au vu de leur absence réelle de représentativité et de légitimité d’une part, et au vu des nécessités de la transition qui s’annonce et dans laquelle ces deux Chambres dans leur composition actuelle unanimement décriée ne peuvent prétendre à quelque rôle que ce soit.

• En quatrième lieu, l’annonce de la reprise du processus d’élection du président de la République dans la limite des délais que demande la mise en place du mécanisme indépendant devant préparer, organiser et contrôler ce processus dans des conditions irréprochables d’intégrité, de régularité et de transparence.

Quant aux dispositions et aux mesures politiques et institutionnelles exceptionnelles à prendre, elles sont elles aussi de l’ordre du «vox populi vox dei».

• Il s’agit, premièrement, de pourvoir à la vacance de la présidence de la République par la création d’une instance présidentielle provisoire composée de personnalités nationales de haute stature morale. Celle-ci peut prendre la forme d’un binôme – un Président et un vice-Président de l’Etat – ou une forme collégiale plus large.

L’instance présidentielle légiférera par ordonnance. Chacun de ses membres s’engagera à ne pas être candidat à l’élection présidentielle.

• Il s’agit, deuxièmement, de former un Gouvernement de compétences nationales et non un Gouvernement d’union nationale.

Par définition un Gouvernement d’union nationale est un gouvernement de partis et d’associations organisées. La formation d’un gouvernement de cette nature est fortement improbable dans les circonstances actuelles du fait des grandes difficultés de représentativité que cette option est condamnée à rencontrer. il serait utile que ce Gouvernement de compétences nationales comporte un portefeuille spécifiquement dédié à l’organisation de l’échéance présidentielle.

En sus de la gestion des affaires courantes de l’Etat, ce gouvernement s’attachera à produire un nouveau régime électoral provisoire d’une part et à constituer un mécanisme approprié provisoire de préparation, d’organisation et de contrôle de l’élection présidentielle, d’autre part.

• Il s’agit, troisièmement, d’éloigner l’administration du chantier de l’élection présidentielle. Il est possible d’atteindre raisonnablement ce but au moyen d’une désignation par le Gouvernement de hauts commissaires délégués et de commissaires aux élections à l’échelle, respectivement, des wilayas, des daïras et des communes. C’est à eux que reviendra exclusivement la charge d’assurer le bon déroulement du processus électoral présidentiel.

• Il s’agit, quatrièmement, de nommer – à titre provisoire – une nouvelle composante humaine du Conseil constitutionnel – par ordonnance présidentielle – ou de prononcer dans la même forme sa dissolution avec un transfert provisoire de ses compétences à la Cour suprême.

La qualité première de l’ensemble de ce dispositif de sortie de crise est une option. Il peut y en avoir d’autres. La qualité première est qu’il tente, autant que faire se peut, d’être en adéquation avec les exigences du changement que le peuple veut. La seconde qualité de ce dispositif tient au fait qu’il procède du souci d’être économe en temps.

Ce n’est pas là un raccourci commode et aléatoire, mais bien une démarche de nature à éviter au pays l’enlisement dans une incertitude et dans une instabilité à durée indéterminée. La troisième qualité de ce dispositif tient, enfin, au fait qu’il permet de réunir les conditions d’apaisement et de sérénité nécessaires à la transition démocratique qui frappe à nos portes et dont l’élection présidentielle constituera le point de départ.

Cette élection offrira à chaque candidat l’occasion de soumettre au jugement du peuple algérien son modèle de transition démocratique. Le peuple se prononcera. Et c’est dans la légitimité incontestable, ainsi conférée, que la transition démocratique trouvera ses bases les plus saines et les plus solides.

 

Par Ali Benflis , Président de Talaie El Hourriyet


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