Décès du musicien et chanteur algérien Amine Tilioua

Un artiste exceptionnel



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Amine Tilioua, ce jeune homme à la force créatrice généreuse, au visage lumineux et au sourire qui ne le quittait pour ainsi dire jamais, s’en est allé pour toujours en laissant une famille, des amis de cœur et des fans éplorés. Véritable onde de choc, mercredi matin, en apprenant via les réseaux sociaux la mort de ce talentueux artiste.

Personne ne voulait croire qu’Amine Tilioua, ce garçon au grand cœur et au talent avéré dans le jeu instrumental et vocal s’est retiré sur la pointe des pieds sans faire trop de bruit.

Certains pensaient même que leur ami leur faisait une blague, mais très vite la réalité a pris le dessus. La nouvelle de sa mort s’est répandue telle une traînée de poudre : Amine Tiloua, qui a marqué tant de vies, a tiré sa révérence à la fleur de l’âge, alors qu’il avait encore des choses à donner et des projets à concrétiser.

De père kabyle et de mère tlemcénienne, Amine Tilioua est né à Oran, où il a poursuivi l’ensemble de sa scolarité dans les trois paliers.

Très jeune, il rejoint l’association andalouse Nassim El Andalous d’Oran. Il fait, également, une escale au niveau de l’association El Mansourah, en qualité d’élève et par la suite de professeur de musique arabo-andalouse.

Quelques années plus tard, il crée son propre groupe musical portant son nom, avec lequel il animait des concerts et des mariages. Amine Tilioua était certes biologiste de formation, mais sa passion pour la musique n’avait pas d’égale.

Preuve en est : à la faveur de l’ouverture d’un département de musique traditionnelle, il s’inscrit en 2012 au conservatoire de musique de Toulouse. Il se spécialise, ainsi, dans la musique sanâa, en décrochant un master sous la houlette de ses professeurs, Xavier Vidal et Marc Looopyt.

Pour ceux qui s’en souviennent, en l’occurrence les mélomanes de musique andalouse, en 2013, Amine Tilioua avait participé au Festival de la musique andalouse et des musiques anciennes d’Alger avec le groupe Xavier Vidal. La prestation fut des plus époustouflantes. Il faut dire qu’Amine Tilioua était un perfectionniste et un virtuose du r’bab, du violon et de la mandoline.

Convié à intervenir sur le plateau d’une chaîne de télévision algérienne, dans le cadre du Festival de la musique andalouse et des musiques anciennes, Amine Tilioua avait expliqué son départ de l’Algérie tout en ne manquant pas de chanter un mawal accompagné de son incontournable oud. «C’est le destin, dit-il, qui m’a conduit à Toulouse.

J’étais venu pour un concert à Toulouse et j’ai été retenu. J’avais parlé de mes projets et de mes questionnements autour de la musique traditionnelle de Tlemcen et des autres musiques du monde. On m’a présenté à Xavier Vidal qui venait d’ouvrir le département de musique traditionnelle. C’était un privilège et une chance pour nous de nous exprimer et de pouvoir exporter notre patrimoine».

Concernant son appréciation sur la rencontre entre la musique classique tlemcénienne et celle occitane, le regretté artiste explique : «Notre musique algérienne, en particulier la musique du Maghreb, orientale et du monde arabe, c’est une musique très riche et très complexe. On y trouve des similitudes.

On peut aussi s’incruster dans les musiques des autres.» Cet artiste au visage reposant et plein d’intelligence était connu pour sa générosité du cœur. La violoniste et musicienne algérienne, Leïla El Kebir, estime qu’Amine Tilioua est parti trop tôt. «Une pensée pour sa famille, ses amis et tous ceux qui l’ont connu, qu’il repose en paix.

C’est si dur à croire et à accepter sa mort. Je le connais depuis que j’ai commencé la musique… sa passion nous a tous motivés à un moment où à un autre».

Notre interlocutrice revient sur la disponibilité d’Amine Tilioua quand il s’agissait de musique. «On avait un concert à l’Institut du monde arabe à Paris. Et l’un de nos musiciens n’a pas eu son visa . On l’a su la veille du concert. Et ce musicien devait jouer du r’bab.

C’était un instrument très important pour le concert, car on devait présenter une nouba. Et là, j’ai pensé à Amine. Je l’ai appelé, il n’a pas hésité une seule seconde. Il a pris le train de Toulouse le soir même et il est monté avec nous sur scène. Il est venu sans poser de questions. Gratuitement. Pour le plaisir de la musique et de nous revoir», témoigne-t-elle d’une voix nouée par l’émotion.

Il est à noter que d’autres bouleversants et poignants hommages ont été rendus par des proches et des amis algériens et étrangers, suite au regrettable décès de ce musicien exceptionnel. L’un de ses amis, Kacem Beng’s, témoigne : «Sahbi, khouya, l’artiste. Je ne sais que dire de ce qui n’a été déjà cité, précité ou récité et de ce que tu faisais déjà bien mieux que nous tous !!

Ton exclamation et ton émoi au croisement et/ou à un échange que t’as pu avoir avec chacun de nous !! Oran a perdu son âme, l’Algérie un de ses plus brillants enfants, Toulouse sa gaieté et la musique arabo-africo-andalouse un virtuose.

T’as revisité le monde à travers tes notes, tes rythmes aussi classiques, fluides, berçant les oreilles de nos aînés jusqu’aux folies fantasques ou même dans un théâtre où tout ton public se mettait debout (nous en sommes temoins).»

Pour sa part, l’ingénieur du son et le producteur français, Sébastien Bédé, note dans l’un de ses posts : «Très triste d’apprendre la disparition d’Amine Tilioua, grand musicien que j’ai eu la chance d’enregistrer le temps d’une belle session aux côtés des amis de Dayazell en 2016.

Le moins que l’on puisse dire est qu’il était une force créatrice généreuse et qu’il a inspiré beaucoup de monde d’après les hommages qu’il reçoit. Bon voyage !» Que l’artiste Amine Tiliouane repose en paix… Sincères condoléances à sa famille.»


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