La révolution du peuple dans l’impasse ?



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Quand Omar El Bechir a été destitué, la première mesure annoncée au Soudan par le nouvel homme fort du régime a été l’engagement pris devant le peuple de remettre le pouvoir aux civils à la fin de la période de transition, en passant par l’ouverture d’un dialogue avec la société civile.

On ne sait pas si ce chef putschiste ira jusqu’au bout de ses promesses, sachant que l’ex-Président évincé avait lui-même tenu pareil serment lorsqu’il avait mis à exécution son coup d’Etat.

Mais toujours est-il que dans le projet politique appelé à reconfigurer le régime despotique soudanais, l’intention d’abolir, à moyenne échéance, la prédominance de l’armée sur les affaires du pays est exprimée clairement comme une priorité devant conditionner la revendication fondamentale du peuple.

Si le peuple soudanais est sorti en masse dans la rue pour exiger le départ d’un dictateur qui a ruiné le pays, ce n’est pas pour retomber dans les griffes d’un autre oppresseur portant l’uniforme. Cela, les militaires «éclairés», qui ont pris en main depuis peu les destinées soudanaises, semblent, a priori, l’avoir saisi.

Tel n’est pas le cas chez nous, où la position de l’institution militaire vis-à-vis des exigences du mouvement populaire reste immuable et ne donne pas en tout cas l’impression de comprendre l’enjeu et la nature de la mutation du système réclamé par les manifestants.

Pas une seule fois le chef d’état-major, propulsé depuis la chute de Bouteflika au sommet de la responsabilité nationale, n’a fait part, même en termes sibyllins, de la volonté de la hiérarchie militaire de franchir le pas pour engager le processus de mise en place du concept d’«Etat civil», qui commencerait à prendre forme une fois la phase de transition achevée.

Nous n’en sommes pas encore là, mais tout indique, à travers cette démarche musclée entreprise par Gaïd Salah pour gérer les effets du hirak, que la donne est quelque peu brouillée du côté de l’armée. Les discours du premier responsable de l’institution se suivent mais ne font aucune allusion à cette perspective de substitution du pouvoir, pourtant inscrite dans l’ordre des choses.

D’aucuns parmi les différentes franges de la société civile, intellectuels, universitaires, chercheurs, politologues, sociologues associés aux réflexions émises par les partis démocrates, les associations et les syndicats autonomes qui se sont mobilisés pour une Algérie nouvelle sont amenés alors à se poser légitimement la question de savoir à quoi servirait de changer le système si la tutelle militaire reste omniprésente.

La deuxième République, comme on l’envisage dans les rangs des contestataires, ne serait-elle qu’une façade trompeuse pour un régime qui fait tout pour se reproduire sous une autre combinaison à l’intérieur de la coquille ? La persistance manifestée par le chef d’état-major à maintenir de façon rigide et sans aucune concession son programme pour la période transitoire renseigne sur les arrière-pensées politiques qui sous-tendent la planification de sa feuille de route.

Un plan qui apparaît de plus en plus clairement comme étant une consigne sacrée léguée par le Président déchu pour protéger le système dans ses représentations et ses manifestations.

Il n’y a pratiquement aucun secret dans cette application. La lecture des événements que nous subissons est à la portée de chacun. Qu’on en juge : le gouvernement nommé par Bouteflika, avec Bédoui comme Premier ministre, est toujours aux affaires, malgré un rejet épidermique de la part de la population. Il ne sert pratiquement pas à grand-chose, mais il s’obstine à vouloir nous faire croire que le fonctionnement de l’Etat reste imperturbable.

Pourtant, le numéro un de l’Exécutif est devenu invisible, et des ministères dits «régaliens», comme ceux de l’Intérieur et de la Justice, se sont complètement effacés devant le patron de la hiérarchie militaire. Bensalah, pour sa part, a été désigné comme prévu chef d’Etat intérimaire, alors que lui aussi, en tant que cacique du système, est littéralement contesté.

Avec une telle désignation, on est entré dans une chronique de l’absurde, où un «Président» de substitution ne parle qu’à lui-même. Dans son for intérieur, il doit maudire le jour où il se retrouva, par la magie du cooptage, président du Sénat, titre qui le met aujourd’hui dans une posture très critique. La conférence nationale pour préparer la transition avec les représentants des partis d’opposition et de la société civile est maintenue vaille que vaille. Les consultations préliminaires à sa tenue n’ont été qu’un mauvais scénario, et la première tentative a tourné carrément au ridicule.

Que faut-il attendre d’une telle concertation, quand le chef de l’Etat lui-même n’y assiste pas, alors qu’il l’a initiée, et que des partis de l’alliance présidentielle refusent d’apporter leur caution à ce qui ressemble à une mascarade. Mais qu’à cela ne tienne, Gaïd Salah ne rentre pas dans ces considérations. Il s’en est tenu à l’article 102 de la Constitution, et cette couverture lui donne le droit de poursuivre sa mission sans regarder dans le rétroviseur. Mieux, il veut que cette phase transitoire fantôme aboutisse d’ici trois mois à l’élection du nouveau président de la République.

En somme, le pouvoir militaire qu’il dirige veut boucler au pas de charge un plan de sortie de crise dicté par le seul souci de mettre rapidement fin aux contestations populaires, mais sans trop penser aux conséquences négatives qui pourraient en découler fatalement. L’après-Bouteflika, dans lequel les deux frères se retrouvent avec une certaine «immunité présidentielle», est mis en boîte, et sa finalité, selon Gaïd, ne doit souffrir d’aucune équivoque, si ce n’est celle de conspirer pour saboter le projet de règlement de la crise imposé par l’armée.

Le plus important à retenir dans cette démarche par trop irréaliste par sa perspective incertaine et aléatoire, c’est le refus, d’une part, de prendre en compte les vraies revendications du mouvement, et, d’autre part, de laisser les acteurs hors système s’occuper des modalités du changement. Ce ne sont pas les propositions qui manquent à ce sujet, ni les personnalités crédibles qui requièrent la confiance du peuple.

Mais si dans les messages redondants du chef d’état-major il est fait mention de la conviction de répondre aux exigences populaires avec une volonté affirmée de s’ouvrir à toutes les solutions et toutes les initiatives, dans les faits il y a un rigorisme manifeste qui empêche le hirak de sortir de l’ornière, après plus de deux mois de démonstration de mobilisation pacifique qui ont étonné le monde.

Des démonstrations qui, finalement, ont ébranlé le régime, sans pouvoir le déloger, en raison de la position de l’armée, qui reste ferme sur sa ligne de démarcation. Le pouvoir civil dans une République démocratique reste-t-il un simple mirage pour la Révolution du peuple ?


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