L’université Constantine 2 à l’épreuve du mouvement

Ces murs incubateurs de l’homo politicus



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Cela se passe dans le hall de la faculté des sciences humaines de l’université Abdelhamid Mehri, Constantine 2. L’escalier central, large et moyennement haut, est transformé en gradins par les étudiants qui se serrent déjà depuis une heure en attendant le début de leur conclave.

Un haut-parleur flambant neuf, installé au milieu de cette agora du jour, est prêt à l’emploi. Une collecte de fonds faite la veille a permis à des volontaires d’acheter ce matin cet équipement à El Eulma (100 km de Constantine) et revenir vite, avant le début des débats. Petit échantillon de la dynamique qui s’est emparé de cette jeune université forte de plus de 16 000 étudiants et près de 700 enseignants.

Cette population a rejoint le hirak dès les premières semaines, entreprenant des initiatives locales et en collaboration avec les autres universités de Constantine. Mais la naissance des forums et des débats est venue seulement au retour des vacances de printemps.

Les forums sont nés d’abord sur l’esplanade avant que les animateurs ne «conquièrent» des espaces couverts, comme ce hall qu’ils testent pour la première fois. Mais la hauteur sous plafond, tellement grande, les matériaux et les formes non soumis aux règles de l’acoustique vont rendre la communication laborieuse.

La séance est dédiée à la réflexion sur les solutions et les mécanismes de changement politique dans le cadre du hirak. Un programme long et large. Mais le cœur y est.

Un étudiant en mastère d’histoire s’active pour l’organisation et scrute la présence des enseignants. Beaucoup parmi ces derniers ne sont pas encore arrivés contrairement aux étudiants. Tant pis, on commence. Notre étudiant organisateur réclame un volontaire pour déclamer la Fatiha en ouverture des joutes.

Les salamalecs prennent du temps, et ça permet aux apprentis organisateurs de tenter l’adaptation de la sono. Un enseignant plaisante sur la tribune créée spécialement pour lui et ses homologues, ce qui est contraire, selon lui, au principe de l’agora.

Les premières interventions sont aussi rébarbatives et sonnent comme des discours dépassés, paternalistes, à l’heure où les étudiants en face sont à l’avant-garde du mouvement. «Ce n’est pas grave, on va vite passer aux choses sérieuses», nous fait remarquer un autre enseignant. En effet, prestement, un étudiant s’empare du micro et transforme l’ambiance. Son intervention tranche avec le discours des enseignants. Il est direct, clair et ramène le débat au concret.

Il commence par rappeler l’objet de la rencontre tel qu’imposé par les exigences de l’heure : collecter et développer des initiatives en phase avec l’exigence du mouvement et l’actualité. Le décor est planté.

Le micro passe d’une main à une autre. Le Pr Nacer Djebbar, du département d’histoire, prend la parole : «Notre mission, aujourd’hui, consiste à établir le moyen de mettre en échec l’élection présidentielle du 4 juillet, prévue par Bensalah et son gouvernement. Nous devons déjouer le plan du pouvoir et imposer une transition en dehors de cette Constitution qui n’inspire pas le respect.»

L’écueil du conservatisme

Les interventions se suivent, mais en dents de scie. Une étudiante tente de revenir sur la décision, prise la veille suite à un référendum, de recourir à une grève générale cyclique. Trop tard, lui réplique-t-on en chœur. La majorité a tranché.

C’est la démocratie des urnes. Une autre pose le problème des étudiantes résidentes rappelées par leurs familles à défaut d’étudier. Elles viennent de Mila, Tébessa, Oum El Bouaghi…

Et dans ces contrées de l’Algérie profonde, le patriotisme ne manque pas certes, mais quand il implique la femme, il bute sur un conservatisme tenace. La précarité aussi, car beaucoup de parents préfèrent récupérer le budget quand leurs enfants ne vont pas à l’université, explique la même étudiante.

Mais le forum n’a pas de solution à ces questions, si ce n’est donner la parole à des voix qui appellent à sensibiliser sur l’indispensable sacrifice pour la cause nationale.

Les débats se poursuivront aujourd’hui sans aboutir à des résolutions. Un goût d’inachevé transparaît sur quelques visages. «Les universitaires ont ‘‘désappris’’ à faire de la politique quand il le faut, et c’est normal.

Comment voulez-vous qu’il en soit autrement, alors que nous ne nous sommes pas réunis en assemblée générale depuis 2006 ? Aujourd’hui, on se donne rendez-vous sans fixer d’ordre du jour.

C’est dramatique !» regrette le Pr Djebbar. De l’avis de tous, l’adhésion cruciale et active de l’université au hirak et l’implication admirable des étudiants contrastent avec un flagrant déficit de savoir-faire s’agissant d’apporter, en tant que communauté d’élite, une contribution qualitative à la marche du peuple et son combat révolutionnaire face à la «issaba». Une problématique qui interpelle les consciences et fait débat parmi les leaders du mouvement à Constantine 2.

En attendant, les étudiants font appel à leur inépuisable volonté pour combler leur insuffisance. Ils savent, nous dit Salah, un étudiant en philo, qu’ils sont le produit d’une dépolitisation programmée, mais qu’aujourd’hui, ils doivent s’éveiller à la politique pour prendre leur destin en main.


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