Khaled Nezzar révèle le contenu de discussions qu’il a eues avec le frère de l’ex-Président

«Saïd envisageait de décréter l’état de siège»



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Saïd Bouteflika, le frère du désormais ancien président de la République, a envisagé, à un certain moment, de décréter l’état de siège ou d’urgence pour faire face au mouvement populaire. Il avait même pensé, par la suite, à démettre de ses fonctions le chef d’état-major de l’ANP et vice-ministre de la Défense nationale, Ahmed Gaïd Salah.

C’est ce qu’a révélé, hier, l’ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, dans une lettre publiée sur le site Algériepatriotique relative aux deux entretiens qu’il a eus, les 7 et 30 mars dernier, dont l’un téléphonique, avec Saïd Bouteflika.

Nezzar confirme donc ce qui était dans l’air à la fin du mois de mars. Ayant pris connaissance de la réunion de l’état-major de l’armée à l’issue de laquelle avait été «suggéré» l’application de l’article 102 de la Constitution (démission de Bouteflika), le «frère du Président» voulait anticiper en provoquant le limogeage de Gaïd Salah. Un scénario qui ne s’est finalement pas concrétisé.

Dans sa lettre, le ministre de la Défense du début des années 1990 a affirmé que «jusqu’à la dernière minute, le porte-parole du Président – son frère Saïd – s’est accroché au pouvoir, multipliant les tentatives de diversion, les manœuvres, les manigances désespérées pour garder la haute main sur les affaires du pays».

Il a indiqué qu’il a rencontré Saïd, à la demande de ce dernier précise-t-il, le 7 mars, c’est-à-dire à la veille du troisième vendredi de grandioses manifestations de protestation. «L’homme était visiblement dans le désarroi.

Il voulait connaître mon opinion sur ce qui se passait dans le pays et sur ce qu’il pouvait entreprendre pour faire face à la contestation populaire», a déclaré Khaled Nezzar.

Celui-ci lui a formulé deux propositions : «Prendre comme base de travail la lettre du Président qui parle de conférence nationale, la compléter en précisant les délais quant à sa durée de vie», une proposition que néanmoins «la population pourrait comprendre comme une tentative de passage en force» ou «que le Président se retire soit par démission, soit par invalidation par le Conseil constitutionnel» avec «désignation d’un gouvernement de technocrates, création de plusieurs commissions indépendantes, démission du président du Conseil constitutionnel et de ceux des deux Chambres du Parlement», qui avait plus de chances d’être acceptée.

Nezzar a indiqué que Saïd Bouteflika «a rejeté d’emblée cette seconde proposition, la trouvant, à son sens, dangereuse pour eux». C’est alors que l’ancien ministre de la Défense lui demanda ce qu’ils comptaient faire si «cette énième lettre (du président Bouteflika, ndlr) était rejetée». «Ce sera l’état d’urgence ou l’état de siège !» a répondu son interlocuteur.

La deuxième discussion entre les deux hommes, par téléphone cette fois, a eu lieu le 30 mars, vers 17h, jour de la réunion de l’état-major de l’ANP à l’issue de laquelle celle-ci a «suggéré» la mise en application de l’article 102 de la Constitution. «Il me dit que le vice-ministre de la Défense et chef d’état-major de l’ANP était en réunion avec des commandants des forces et qu’il pouvait agir contre Zéralda d’un instant à l’autre.

Il voulait savoir s’il n’était pas temps de destituer le chef d’état-major», se souvient Nezzar. Et d’ajouter : «Je l’en dissuadais fortement au motif qu’il serait responsable de la dislocation de l’armée en cette période critique.» «Je suis revenu à la suggestion déjà avancée par moi lors de notre précédente rencontre, à savoir l’application de l’article 7 réclamé par le hirak et la désignation de membres de la société civile représentatifs pour assurer la transition et, ensuite, faire savoir immédiatement après que le Président se soit retiré.

La balle était de nouveau dans le clan des Bouteflika. Je pensais qu’ils allaient agir rapidement, d’autant que Saïd – il le disait – craignait d’être arrêté à tout moment. La mise en pratique d’une telle proposition nous aurait sortis de la crise. Ils n’ont pas voulu le faire», a-t-il encore affirmé.

Khaled Nezzar a certifié que la seule fois où il avait rencontré Saïd auparavant remontait à octobre 2018, à l’occasion de l’enterrement du général Ahmed Boustila, au cimetière de Ben Aknoun.

La discussion avait tourné autour de la procédure ouverte contre lui par les juges suisses. «Du moment que les choses prenaient une autre tournure et touchaient l’ensemble de la hiérarchie de l’ANP, avec des commissions rogatoires qui prétendent enquêter sur toute l’institution militaire, je devais en référer aux hautes autorités de l’Etat», a-t-il déclaré.

Prenant les devants, l’ancien ministre de la Défense a dit s’attendre à des attaques contre sa personne, notamment de la part de «ceux auxquels il s’est opposé au nom des valeurs qu’il partage avec des millions d’Algériens».

Tout en réaffirmant qu’il assumait toujours ses positions passées, celui-ci a déclaré que dans l’armée, il a «lutté contre la corruption». C’est ainsi qu’il a «porté à la connaissance de l’ex-DRS les prévarications de l’ancien ministre de l’Energie, Chakib Khelil, en donnant des précisions et des détails» et qu’il a «fait de même pour Orascom dont les agissements ont coûté cher au pays».

Il affirme n’avoir «jamais utilisé» son pouvoir «pour obtenir un quelconque passe-droit ni le moindre privilège» et qu’il n’a «aucune dette à l’égard de qui que ce soit : banque, administration fiscale ou personne privée», ni «aucun marché avec l’Etat».

Il réfute ce qu’il considère comme des «allégations» contenues dans un article paru sur le site internet Mondafrique indiquant que son fils «aurait blanchi 200 millions de dollars en Espagne».

En somme, au-delà de la volonté de Saïd Bouteflika de tout faire pour «s’accrocher au pouvoir», cette lettre de Khaled Nezzar confirme également que c’est Saïd qui prenait les décisions à la place de son frère.

Hier, beaucoup d’Algériens se sont demandé pourquoi la justice ne se saisit pas de cette affaire d’«usurpation de fonction» à la suite de ce témoignage de Nezzar.

Le chef d’état-major de l’ANP avait lui-même affirmé, le 2 avril, que le communiqué de la Présidence de la veille (1er avril), dans lequel Bouteflika avait annoncé qu’il allait démissionner avant le 28 avril, émanait «d’entités non constitutionnelles et non habilitées».

Aujourd’hui, les déclarations et témoignages des uns et des autres à ce sujet se rejoignent.


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